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«Il s’avère indéniable que le phénomène du profilage racial se manifeste au sein du SPVM depuis nombre d’années.»
Un recours collectif contre la Ville de Montréal a été autorisé par la Cour supérieure mardi pour profilage racial «systémique» au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Dans sa décision rendue le 3 septembre, la juge Dominique Poulin indique que la Ville de Montréal est «responsable» de ce phénomène et est «tenue de rembourser» les victimes de profilage racial.
Cette décision survient dans le cadre d'un recours collectif de 171 millions $ lancé par la Ligue des Noirs du Québec et un citoyen victime de profilage racial. Le demandeur Alexandre Lamontagne «marchait simplement sur la rue Saint-Jacques à l'approche de la fermeture des bars lorsqu'il fut hélé, sans raison, par des policiers qui patrouillaient dans le secteur». «Il a réagi avec véhémence. Se sentant discriminé, il s'est montré arrogant et a élevé le ton. La situation a dégénéré en une escalade de ripostes de sa part et d'interventions des policiers», indique-t-on dans la décision. Durant le procès qui s'est déroulé en février 2023, il avait raconté avoir été «jeté» au sol par les policiers et «s'être cogné» à la tête.
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Selon le tribunal, la Ville de Montréal est responsable pour les «atteintes discriminatoires et fautives» commises de la part des policiers notamment lors des interpellations. D'ailleurs, le tribunal a noté que le nombre d'interpellations était particulièrement marqué pour certains groupes de la population. C'est ce qu'avait reconnu également la Ville en précisant que le profilage était loin d'être généralisé, dit-on dans la décision.
«Par sa procédure d'interpellation, le SPVM produit des effets discriminatoires auprès des groupes racisés de la population», mentionne la juge Dominique Poulin, en précisant qu'on parle de personnes «issues des communautés noires, arabes latinos et autochtones».
C'est pourquoi la Cour supérieure ordonne à la Ville d'indemniser financièrement toutes les personnes qui ont subi du profilage racial entre 2017 et 2019 lors d'interpellations policières. On parle de versements variant entre 2500$ et 5000$ dépendamment des profils. Aussi, le demandeur Lamontagne recevra 5000$ à titre de dommages et intérêts compensatoires.
Le groupe visé par ce recours collectif est «toute personne physique racisée, qui à Montréal, entre le 14 août 2017 et le 11 janvier 2019 (pour celle ayant subi un préjudice corporel) ou entre le 11 juillet 2018 et le 11 janvier 2019 (pour celle n'ayant pas subi de préjudice corporel) à la suite d'une intervention proactive d'un policier de la Ville de Montréal, a été interpellée, arrêtée et/ou détenue sans justification et a subi un profilage racial, une violation de ses droits de citoyen et/ou toute autre violation de ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et des libertés et/ou de la Charte québécoise des droits et des libertés».
Les victimes devront ainsi soumettre individuellement une réclamation et démontrer qu'elles ont été victimes de profilage racial. Par la suite, «il appartiendra à la Ville de réfuter, le cas échéant, les allégations de profilage racial», a fait savoir la juge dans sa décision.
Du côté de la partie défenderesse, la Ville de Montréal dit vouloir analyser le jugement et prévoit de continuer de déployer des efforts pour lutter contre le profilage racial. «En tant que première administration à avoir reconnu l'existence du racisme systémique, nous continuerons de travailler, avec l'ensemble de nos partenaires et des organisations publiques de Montréal, afin que chaque citoyen se sente en sécurité et bénéficie des mêmes droits», a-t-on écrit à Noovo Info par courriel.
Dans les dernières années, la Ville de Montréal a été souvent traduite devant la justice pour des cas de profilage racial de la part de policiers. Le corps policier a pourtant dans la dernière année tenté de mettre des actions pour contrer ce phénomène. Le chef du SPVM, Fady Dagher, avait dit vouloir miser sur une approche qui fait une «différence réelle dans la durée», en recrutant des nouveaux agents ayant des formations non traditionnelle et miser sur la sensibilisation pour les interpellations aléatoires. Ces actions avaient été vivement critiquées par des militants contre le profilage racial.
«On veut faire une différence entre l'erreur et la faute. Lorsqu’une erreur est faite de bonne foi, on veut être capable d'avoir une culture d'apprentissage collectif […] sans nécessairement sévir. Une faute pour nous, c'est une faute criminelle, intentionnelle, consciente et répétitive. Ce genre de comportement là, on devrait être tolérance zéro là-dessus», avait dit le chef Dagher lors de son bilan annuel.
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Selon les constats faits par les chercheurs (Victor Armony, Alicia Boatswain-Kyte, Mariam Hassaoui et Massimiliano Mulone) en 2021, une personne autochtone a six fois plus de chance qu'une personne blanche d'être interpellée par la police à Montréal. «Les populations noires ont 3,5 fois, les personnes arabes 2,5 fois et les latinos 1,5 fois», avait précisé M. Dagher en 2023, qui semblait être préoccupé de ces données toujours en augmentation.
Du côté de Québec, le ministère de la Sécurité publique avait lancé une formation sur le profilage racial et social pour tous les policiers de la province, à partir de décembre 2023, afin de les sensibiliser aux enjeux.
Avec des informations de Marie-Pier Boucher, d'Émile Bérubé-Lupien et de Julien Denis pour Noovo Info