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La vérité, c’est que je n’ai jamais eu de grand plan.
Il y a un petit moment, pendant qu’on jasait boulot et de la vie en général, une bonne connaissance m’a demandé: «Es-tu rendu où tu voulais être?» Ce n’était pas une question piège.
Il n’y avait ni jugement ni malice dans sa question. Pas de points bonis pour une réponse parfaite. C’était juste une question pour alimenter la conversation. Mais mon cerveau a quand même mis les breaks. Pas parce que ça m’a froissé comme une chemise en lin un jour de canicule sur une terrasse, mais simplement parce que je ne savais pas quoi répondre.
Je ne suis jamais vraiment interrogé sur le sujet. Citronnade de berlingot, je ferais honte à n’importe quel coach de vie. Je ne suis qu’un saltimbanque errant dans l’autobus du showbizz sans terminus précis. La question englobait aussi la portion vie personnelle sans la case boulot. Ça faisait beaucoup à réfléchir entre deux gorgées de bol de café au lait avec une feuille gossée dans la mousse sur le dessus du café par l’agile barista.
La vérité, c’est que ne je n’ai jamais eu de grand plan. Aucune vision grandiose sur le long terme. Aucun mantra répété chaque soir pour que la fée du destin se tanne de m’entendre radoter la même chose et qu’elle m’y amène pour se débarrasser de moi.
Jamais je n’ai mis de balise sur des âges et enjeux. Du style : moi à 40 ans, je vais avoir un ranch avec quarante chevaux qui galopent au gré du vent sur les collines de mon domaine dans les Alpes. Pas plus que je ne me suis dit que si j’étais célibataire à 50 ans, je serais un échec (fiou, parce que j’aurais trois strikes dans le front. Game over).
Comme si j’avais embarqué dans le kayak de ma vie et décidé de descendre la rivière de la destinée, sans trop savoir le parcours qu’il fallait suivre.
Oui, j’ai ramé dans le courant. Et oui, j’ai aussi ramé contre le courant. Bifurqué à gauche et à droite. Mais sans avoir de carte précise et de boussole enlignée comme du monde.
Je ne suis pas non plus une gerboise écervelée qui spine dans sa roue sans arrêt et sans jamais avancer. Bien entendu que j’avais et que j’ai encore des buts, des envies, des rêves et des objectifs. Mais je ne les ai pas toujours suivis.
Bon, tu me diras que si j’avais «focussé» un peu plus sur mes affaires, je me serais rendu aux Jeux olympiques en judo (je sais que tu te dis que j’aurais eu plus de chance en nage synchronisée, mais je te jure que j’avais ben de la technique pour mettre un gars au sol).
Je pense seulement qu’au travers tout ce que je voulais être et faire, j’ai laissé de place pour l’imprévu. J’ai toujours voulu rester ouvert aux suggestions de sentiers non prévus que la vie allait m’offrir. De faire en sorte que mon objectif soit toujours celui de faire ce que je pense être le meilleur pour moi au moment précis où ça arrive dans ma vie. Avec ce que ça amène comme réussites, comme échecs, comme apprentissages, comme défis, comme peines et comme joies.
D’essayer de trouver le juste équilibre entre ce que l’aspire et que ce qui est possible ici et maintenant. Oui, prendre la route qui m’amène vers mon sommet, mais ne pas oublier que parfois, la voie de service peut être ben le fun aussi et que c’est ce qui faut aller explorer pour nous amener plus loin. Et j’ai toujours appliqué ça autant à mon côté carriériste qu’à ma vie personnelle et sentimentale.
Je pense que sans oublier nos buts et nos envies, on peut s’enlever une bûche de pression sur les épaules. La vie, ce n’est pas un concours. On n’est pas meilleur parce qu’on a un château en Roumanie ou un mariage qui tient la route.
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Je crois que tant que notre indice personnel de bonheur global est dans le vert, c’est signe qu’on est à la bonne place. Point barre. Et on n’a pas besoin de se comparer aux autres. Ça ne donne rien à part des pas belles rides d’amertume dans le front et aux coins des yeux. Chacun mène sa barque comme il le veut.
Le temps n’est pas une échelle qui permet de quantifier notre valeur. Notre âge, ça sert à nous indiquer depuis quand on est sur terre et non pas à dire si on a atteint un palier de réussite comme dans Mario Bros.
Bien sûr que c’est grisant d’avoir le sentiment du devoir accompli. Ce sentiment d’avoir réussi ce qu’on avait en tête. Mais ce n’est pas une finalité. Ce n’est pas que ce qui nous définit en entier. Tout comme l’échec ne fait pas de nous une moins bonne personne. On serait tous des moins bons.
Et comme toujours, tu en prends et tu en laisses dans ce que j’écris. Ça reste juste mon avis. Et anyway, la science infuse ne fait pas partie de mes objectifs. Alors, est-ce que je suis rendu où je voulais être? Oui.
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