Passer au contenu principal
À voir:

Début du contenu principal.

Politique
Chronique |

Émotion sans préavis

Les motions qui touchent les relations internationales et intergouvernementales peuvent avoir un impact sur l’image du Québec qui dépasse les intérêts partisans.

Le député Haroun Bouazzi a eu une «montée d’émotion» en conférence de presse jeudi dernier, à la suite du rejet d’une motion demandant un cessez-le-feu au dans la bande de Gaza.
Le député Haroun Bouazzi a eu une «montée d’émotion» en conférence de presse jeudi dernier, à la suite du rejet d’une motion demandant un cessez-le-feu au dans la bande de Gaza.

Le député Haroun Bouazzi a eu une «montée d’émotion» en conférence de presse jeudi dernier, à la suite du rejet d’une motion demandant un cessez-le-feu au dans la bande de Gaza. Or, jamais des sujets aussi sensibles et complexes que celui-ci ne devraient faire l’objet de motions sans préavis. 

«Pas de consentement». Ces trois mots, qui sont prononcés régulièrement par le leader du gouvernement, ont provoqué une réaction émotive chez le député de Maurice-Richard. Dans un message publié sur les médias sociaux, M. Bouazzi a ensuite accusé la CAQ de s’aligner sur le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. Rien de moins!

Je ne doute pas de la sincérité du député Bouazzi sur son souhait de voir un cessez-le-feu survenir. Le monde entier est horrifié par la situation au Proche-Orient et ses conséquences sur les civils de part et d’autre. Mais de vouloir déposer une motion sans préavis, qui évidemment allait mettre le gouvernement mal à l’aise — objectif numéro 1 de 95% des motions qui sont déposées à l’Assemblée nationale —, ça ne sert pas à grand-chose dans le contexte actuel. Le principal résultat est de mélanger un conflit d’une extrême complexité à une joute politique trop souvent simpliste.

Infolettre
🤑 Jour de paye
Une infolettre pour vous aider à arrondir les fins de mois sans tracas.

De plus, demander à une organisation terroriste de se conformer à un cessez-le-feu revient à demander à un scorpion de ne pas piquer, ou encore à un cancer de ne pas nous rendre malades.

Les motions, mode d’emploi

Éloignons-nous un instant du fond de la question pour nous intéresser à la forme. Si Québec solidaire avait été sincère dans ses démarches, le groupe parlementaire aurait pu et DÛ négocier cette motion en privé, à l’avance, et s’assurer de trouver un libellé qui fasse consensus au salon bleu.

Pour ceux et celles qui sont moins familiers avec les motions sans préavis, il s’agit d’un libellé que le leader d’une formation politique envoie le matin par courriel aux autres leaders. Parfois, le libellé est envoyé la veille. S’en suivent des échanges courriel dans lesquels on tente de proposer des amendements afin de s’entendre sur le texte qui sera déposé au Salon bleu. L’initiateur de la motion a le loisir d’accepter ou non ces amendements avant le dépôt.

Le tout fait l’objet de stratégies politiques. Si on veut une motion unanime, on fait des compromis. Si on veut que le gouvernement soit mal pris, on s’entête. Le gouvernement a trois options :

  • Être conjoint pour le dépôt de la motion
  • Donner son consentement
  • Ne pas donner son consentement

Lorsque le gouvernement refuse son consentement, les oppositions crient au scandale et avec un peu de chance, cela fait l’objet de titres de journaux.

Il s’agit d’un processus qui se passe sur quelques heures seulement.

Comprenez que ça va vite. Très vite. Et que de trouver un consensus pour des enjeux complexes en l’espace de trois heures est souvent illusoire.

À lire également

Le gouvernement a lui aussi voulu faire adopter une motion à propos de l’attentat du Hamas quelques jours après les faits. Le libellé était assez consensuel, mais cela n’a pas empêché Québec solidaire de ne pas l’appuyer et de déposer sa propre motion quelques jours plus tard.

Les motions qui touchent les relations internationales et intergouvernementales peuvent avoir un impact sur l’image du Québec qui dépasse les intérêts partisans. À ce titre, TOUTES les formations politiques devraient en faire un usage très prudent en plus de prendre le temps de négocier les libellés de bonne foi. Malheureusement, la politique prend trop souvent le dessus.

Trouver le bon ton

Le conflit au Proche-Orient est complexe. Il est plus ardu de déterminer avec force qui est le gentil et qui est le méchant, comme ce fut le cas en Ukraine lors de l’invasion russe, par exemple.

Toujours chez QS, j’ai bien apprécié les interventions posées et modérées de Ruba Ghazal au cours des dernières semaines.

«Je pense aux Israéliens et Palestiniens qui vont mourir à la suite de l’attaque violente et condamnable du Hamas. Les peuples israéliens et palestiniens ont le droit de vivre en paix. J’appelle de tous mes vœux la fin des violences et de l’occupation armée. Vive la paix.»

Elle-même d’origine palestinienne, la position dans laquelle elle se retrouve est loin d’être confortable avec ce contexte polarisant dans lequel chaque prise de parole peut soulever l’ire à la suite de l’horrible attentat du 7 octobre. Ghazal a indiqué avoir reçu une vague de messages haineux à la suite de son appel à la paix. Quel climat irrespirable!

Aussi, dans un monde où tout va vite, dans lequel les cycles de nouvelles s’accélèrent et que les portes-paroles doivent réagir promptement aux dangers de trop s’avancer, de se tromper, de heurter, de désinformer sont multipliés par 100.

Nous devrions encourager les interventions plus réfléchies, les vérifications, les doubles vérifications.

Évitons la partisanerie et la précipitation à tout prix.