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C’est la seule question qui se pose. Pourquoi cet homme de 51 ans a-t-il commis ce geste irréparable, d’une violence sans nom? Un geste qui a tué deux petits bouts en plus d’en envoyer six autres à l’hôpital.
C’est la question qui est sur toutes les lèvres depuis ce matin, quand un chauffeur de la Société de transport de Laval (STL) a, semble-t-il, délibérément encastré son véhicule dans la devanture d’une garderie.
C’est le seul mot qui me vient à l’esprit. Il n’y a pas un parent qui se dit, en allant porter son enfant le matin, que c’est la dernière fois qu’il embrasse ses petites joues. On le sait qu’un accident peut arriver. Sauf qu’au fond de nous-mêmes, on souhaite confusément que ça ne nous arrive jamais. Surtout pas comme ça.
Pourquoi, donc?
C’est la seule question qui se pose. Pourquoi cet homme de 51 ans a-t-il commis ce geste irréparable, d’une violence sans nom? Un geste qui a tué deux petits bouts en plus d’en envoyer six autres à l’hôpital.
Je parle d’eux, mais cette tragédie a aussi fait d’autres victimes : les éducatrices, les premiers répondants, les parents et les amis.es qui gravitent autour de ce milieu de vie.
Parce que c’est ça, une garderie, un milieu de vie. C’est un petit monde tissé serré et cette petite communauté mettra sans doute des années à se relever de tout ça. Et certains ne s’en relèveront pas, ai-je besoin de le préciser ?
Maintenant qu’on a dit ça, il y a une chose qui m’agace. Une réflexion qu’on se doit, je pense, d’amorcer. C’est notre besoin de tout savoir le plus rapidement possible quand survient un événement de cette ampleur.
Nouvelles en continu obligent, des journalistes ont sillonné les lieux du drame dès les premières minutes pour chercher à comprendre et à avoir des réactions. C’était un peu gênant d’en voir certains se dépêcher à aller parler à des parents pour avoir une réaction émotive et faire de la bonne télévision avec ça.
Je ne sais pas si c’est de l’information. En fait, je ne pense pas que c’en est.
Il est légitime d’essayer de parler à des témoins et je comprends que des réponses sont nécessaires. Mais j’ai envie de dire qu’on devrait se méfier de notre propension à vouloir se prononcer rapidement sur le pourquoi du comment au détriment des victimes de cette tragédie.
Un événement comme celui-là suscite évidemment une forte couverture médiatique et, comme le public a soif de savoir, on multiplie les topos. C’est peut-être à ce moment-là qu’on a accès à l’information la moins fiable. On y va à tâtons.
Oui, les journalistes qui font bien leur travail tentent le plus possible de valider leurs informations ou le précisent quand une nouvelle n’est pas confirmée, mais le risque ici est quand même de tomber dans un certain sensationnalisme et les réponses rapides.
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Dans cette optique, une publication Facebook faite par Marie-Ève Cotton, a attiré mon attention. La Dre Cotton est psychiatre et enseigne à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Dans cette publication, elle met en garde la population et les médias à propos des «diagnostics» à la volée. C’est vrai que le ministre Carmant a, peu après le drame, évoqué la santé mentale, tout comme l’a fait le maire de Laval.
Je ne dis pas que les troubles de santé mentale n’ont aucun rôle à jouer dans les événements qui se sont produits ce matin. Sûrement, en fait, que cet homme-là n’allait vraiment pas bien. Mais n’excluons pas la violence du geste commis en la balayant sous la grande couverte de la santé mentale.
Ce que Marie-Ève Cotton écrit sur Facebook — et je me permets de le recopier ici, car elle demande aux gens de partager sa publication — c’est ceci : «Après la tragédie du Vieux-Québec, tout le monde criait à la schizophrénie. Ça n’a pas été confirmé par les évaluations subséquentes. 23 % des tueurs de masse ont une maladie mentale, donc c’est possible, mais pas automatique. La haine n’est pas une maladie mentale. Confondre continuellement les deux stigmatise les gens avec des maladies mentales, qui sont plus à risque d’être violentés que d’être violents. Les gens ont 2,5 fois plus de chance de croire que les schizophrènes sont violents qu’en 1950 à cause de la médiatisation de tels crimes.»
On ne sait pas pourquoi. On ne sait pas par quelle faille béante cette idée de mort et de meurtre a pu se faire une place dans la tête de ce monsieur-là. Et je pense que si on cherche autant une explication, c’est que le geste qu’il a posé est hors de l’entendement.
C’est un réflexe fondamentalement humain que d’essayer de mettre des mots sur l’innommable. C’est aussi un réflexe humain de prendre des «raccourcis» pour pouvoir passer à autre chose, pour que ça soit moins douloureux.
Mais des fois, il faut attendre et dealer avec ce vide, cette absence de réponse immédiate, pour comprendre véritablement où le mal a pris racine.
On leur doit bien ça, à ces petits-là.
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