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Loin de plaisanteries, les élucubrations du président élu sont une véritable menace envers notre sécurité nationale.
«Maman, où est-ce qu’on s’en va?» «Papa, pourquoi on doit quitter la maison?» Voici des paroles que j’espère ne jamais entendre au Canada. Des mots de fuite, de peur et d’anxiété, que j’ai entendus trop souvent au Soudan, en Afghanistan ou en Ukraine. Des mots qui me paraissent aujourd’hui moins lointains de notre réalité, au moment où l’homme qui sera bientôt le plus puissant au monde refuse de reconnaître que chez nous, c’est chez nous et pas chez lui.
Qu’on le veuille ou non, le Canada fait aujourd’hui face à la plus grande menace envers sa souveraineté et sécurité nationale des temps modernes.
Je comprends que ça puisse paraître alarmiste. Ce n’est pas facile de penser comme ça. Mais il faut se rappeler que ce n’est qu’une question de chance et de géographie si on a pu se permettre de ne pas trop se soucier du reste du monde jusqu’ici. Notre voisin – parfois bizarre, prétentieux, mais toujours amical – nous a longtemps protégés des tempêtes lointaines. Ça nous a permis d’être intellectuellement paresseux et de nous regarder le nombril en n’ayant jamais à penser aux types de questions que la géographie et des voisinages douteux imposent aux Européens, parmi bien d’autres. Tout cela doit aujourd’hui changer.
Il est maintenant crucial que les Canadiens se réengagent dans le monde qui nous entoure, sinon il est fort probable que le monde ne se soucie pas particulièrement de notre sort, le jour où le besoin se fera sentir. Et le besoin est là. Depuis des semaines, le président Trump menace d’annexer le Canada, en utilisant la «force économique» si nécessaire. Pas besoin de remonter aux années 30, on sent là des relents des ambitions territoriales récentes d’un certain président russe que Trump admire ouvertement.
Le problème, c’est qu’aucun autre pays ne semble aujourd’hui prêt à publiquement défendre le Canada. Et pour cause: malgré le triomphal «Canada is back» de Justin Trudeau il y a dix ans, le Canada est resté en grande partie absent des discussions internationales, en montrant peu d’initiative ou de pragmatisme dans la conduite de ses relations diplomatiques. À l’exception de nos investissements significatifs et nécessaires en Ukraine, il est difficile de dire que nous ayons fait preuve d’un quelconque courage diplomatique, particulièrement sur la question palestinienne qui est si importante pour plusieurs pays du sud. Notre influence en Afrique, au Moyen-Orient ou en Amérique latine est ainsi désormais marginale, sans compter la manière dont Ottawa s’est mis à dos deux superpuissances asiatiques, la Chine et l’Inde, dont l’influence est aujourd’hui égale ou supérieure à celle de nos alliés européens.
Tout ça pour dire que, when push comes to shove, on a vraiment peu d’amis prêts à aller au bat pour nous. Et pourquoi? Parce qu’on n’a pas vraiment été au bat pour eux ces dernières années.
C’est malheureux et dangereux. Il fut un temps où le Canada était à l’avant-garde des discussions sur l’environnement, la paix, la décolonisation, la lutte contre l’Apartheid ou le désarmement. Un temps où nos politiciens avaient du courage, une colonne, et n’hésitaient pas à dire «non» aux Américains, au lieu de se précipiter à leur table pour leur lécher les bottes. Un temps où le reste du monde nous aurait immédiatement offert leur solidarité si nous avions fait face à une telle menace.
Un temps où nos dirigeants, libéraux comme conservateurs, n’auraient pas pris les élucubrations de Trump à propos du Canada pour de simples «plaisanteries» comme ils l’ont initialement fait, mais comme une menace réelle à notre intégrité territoriale, notre souveraineté et, plus que tout, à nos valeurs communes. Des valeurs d’entraide, de solidarité et de respect, qui n’ont rien à voir avec celles de nos voisins, qu’on aime bien, mais de loin.
Les Américains ont fait un choix dangereux en novembre dernier. Ce choix, ils ne l’ont pas fait à l’aveugle, comme en 2016, mais en toute connaissance de cause.
Alors que nous nous préparons à aller aux urnes, il sera important de ne pas négliger le danger qui nous menace et de nous assurer que celles et ceux que nous enverrons à Ottawa seront capables de se tenir fermes face à nos voisins. Qu’ils seront capables de bâtir l’infrastructure et les alliances nécessaires pour défendre notre souveraineté et notre intégrité territoriale. Les Scandinaves, voisins des Russes, en ont beaucoup à nous apprendre là-dessus.
Je ne prends aucun plaisir à écrire ces lignes ou à jouer les oiseaux de malheur, pas plus que je n’en prends à imaginer nos enfants fuir leur chez soi parce qu’un fou furieux se trouve à être plus puissant et mieux équipé que nous. Militairement, il est clair que la défense de notre territoire serait difficilement gagnable face à une menace venant du sud. Mais diplomatiquement, nous pouvons bâtir les coalitions nécessaires afin de lui faire clairement sentir qu’il n’a pas intérêt à errer dans notre direction.
Pour ce faire, il est essentiel que nous parvenions à démontrer au reste du monde en quoi un Canada indépendant n’est pas qu’un sous-fifre des Américains, mais bel et bien un pays qui peut se tenir debout sur ses deux jambes et contribuer positivement au bien-être collectif de la planète. Nous l’avons déjà fait par le passé, nous savons comment et nous avons tous les outils et ressources nécessaires pour le faire à nouveau. Mettons-nous au travail sans trop tarder, tant et aussi longtemps que chez nous demeure encore chez nous, et pas chez lui.