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«Nous ne pouvons pas faillir à cet engagement.»
L'idée que le monde ne peut plus jamais permettre qu'un événement comme la Shoah se reproduise semble s'évanouir, ont déclaré mardi d'une même voix les premiers ministres canadien et polonais.
Justin Trudeau et Donald Tusk se sont rencontrés à Varsovie mardi après avoir rejoint la veille des dizaines d'autres dirigeants mondiaux pour souligner le 80e anniversaire de la libération du tristement célèbre camp de la mort d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne.
Lors de cette cérémonie, M. Trudeau a déclaré avoir parlé avec les enfants et les petits-enfants de survivants qui se disent heureux que leurs grands-parents ne soient plus là pour assister à une résurgence de l'antisémitisme et des idéologies haineuses dans le monde. Il a déclaré lundi que ces mots devraient être un signal d'alarme «rouge vif» pour chaque démocratie.
«Nous avons la responsabilité de tenir l'engagement en deux mots que nous avons pris en tant que communauté internationale après avoir été témoin des horreurs de l'Holocauste: "plus jamais", a-t-il déclaré. Nous ne pouvons pas faillir à cet engagement.»
M. Trudeau a affirmé que l'antisémitisme était en hausse, «en particulier depuis l'attaque terroriste brutale du Hamas» contre Israël le 7 octobre 2023. Il en va de même pour le négationnisme de la Shoah, l'extrémisme violent et la haine, «pas seulement contre les Juifs, mais contre toutes les races et origines différentes» dans les démocraties. «Nous n'avons pas encore réagi avec suffisamment de force, assez fortement», a-t-il aussi déclaré.
Les partis d'opposition au Canada ont vivement critiqué M. Trudeau pour ne pas en avoir fait assez pour contrer la haine et les divisions croissantes au pays. Le premier ministre a défendu son gouvernement, soulignant les investissements réalisés dans les programmes de lutte contre le racisme, les nouveaux projets financés cette semaine dans le cadre du Programme national de commémoration de l'Holocauste et un prochain Forum national pour lutter contre l'antisémitisme, prévu en mars à Ottawa.
M. Trudeau s'est rappelé que, lors de sa première visite à Auschwitz en tant que premier ministre, il avait «toujours l'impression que le monde s'accrochait à ce principe du "plus jamais"». Aujourd'hui, a-t-il dit, avec une telle montée de la haine et de l'extrémisme dans le monde, les gens lui disent que cette détermination «glisse un peu».
L'Holocauste, a-t-il dit, n'est pas arrivé par accident. «Il a fallu des années de processus minutieux et délibérés de démantèlement de la démocratie, de cooptation des institutions et de déshumanisation des autres pour créer les conditions d'un génocide.»
Son homologue Donald Tusk a déclaré que les sonnettes d'alarme devraient également retentir concernant la montée des partis politiques d'extrême droite en Europe, notamment l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), un parti d'extrême droite anti-immigration qui occupe actuellement la deuxième place dans les sondages lors des élections de ce pays.
Elon Musk, le géant de la technologie qui est désormais un proche conseiller du président américain Donald Trump, s'est exprimé à distance lors du lancement de la campagne électorale de l'AfD dimanche dernier. Il a lancé aux militants que l'Allemagne se concentrait «trop sur la culpabilité passée» et que le multiculturalisme «diluait tout», en référence à la culture allemande.
Elon Musk a été vivement critiqué pour avoir fait ce que certains ont cru être un salut nazi lors des festivités d'investiture du président Trump le 20 janvier. Il a déclaré que le geste était destiné à montrer dans un élan que son cœur «allait» à la foule de sympathisants.
L'Anti-Defamation League, une organisation de défense des droits des juifs américains, a déclaré qu'elle avait le sentiment qu'il s'agissait d'un «geste maladroit» plutôt que d'un salut nazi, mais, quelques jours plus tard, M. Musk a publié une série de jeux de mots nazis sur X, la plateforme de médias sociaux dont il est propriétaire.
Le PDG de l'Anti-Defamation League, Jonathan Greenblatt, a condamné les messages, affirmant que la Shoah était un «événement singulièrement diabolique» et «pas une blague».
Ni M. Trudeau ni M. Tusk n'ont répondu spécifiquement à propos de M. Musk lorsqu'ils ont été interrogés mardi à ce sujet. M. Trudeau a déclaré qu'il était important de condamner tout acte d'antisémitisme ou tout message qui amplifie l'intolérance et la haine.
Mais il a suggéré qu'il fallait faire davantage pour limiter l'influence des géants de la technologie et des médias sociaux. «Le rôle de l'argent, le rôle des médias sociaux, le rôle de la propagande dans l'influence des résultats démocratiques, est bien documenté tout au long de l'histoire des démocraties et il incombe aux gouvernements et aux citoyens d'être vigilants et de repousser les messages qui visent à les diviser.»
M. Tusk a estimé qu'avec l'AfD, qui se situe à 20 % dans les sondages en Allemagne — 10 points derrière l'Union chrétienne-démocrate de centre droit —, le monde devrait être en alerte. «Laissez-moi vous dire, mesdames et messieurs, qu'il n'y a pas de signal d'alarme plus fort», a-t-il déclaré mardi.
Les deux premiers ministres ont par ailleurs signé mardi un accord de coopération sur l'énergie nucléaire, afin que les entreprises canadiennes puissent aider la Pologne à construire une centrale nucléaire.
La Pologne prévoit de commencer la construction de ses premiers réacteurs nucléaires l'année prochaine, dans une centrale qui devrait commencer à produire de l'électricité en 2033.
L'accord est considéré comme un moyen de contribuer à réduire la dépendance de la Pologne à l'électricité produite à partir du charbon et d'améliorer la sécurité énergétique du pays. Le marché européen de l'énergie a considérablement réduit ses achats en Russie depuis que ce pays a envahi l'Ukraine il y a près de trois ans.
Plus tôt ce mois-ci, le Canada et la Pologne avaient signé un accord sur la sécurité générale de l’information pour la sécurité industrielle et la défense nationale.
Une fois cet accord mis en œuvre, il permettra un meilleur partage d'informations entre les entreprises canadiennes et polonaises dans des secteurs comme l'aérospatial, le maritime, le nucléaire et le spatial.
En décembre, Exportation et développement Canada a diffusé une lettre d'intérêt pour fournir jusqu'à 2 milliards $ de financement afin de soutenir la vente de biens et de services de fournisseurs canadiens pour contribuer à la construction de la première centrale nucléaire de Pologne.
Le premier ministre Trudeau devrait rentrer au Canada après la réunion de mardi, au terme de ce qui pourrait être son dernier voyage international à titre de premier ministre du Canada, avant l'élection du prochain chef libéral le 9 mars.