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«J'ai peur que ça puisse se reproduire.»
Alors qu'elle se préparait à retourner à Auschwitz-Birkenau, Miriam Ziegler s'est souvenue avec émotion de ce qu'elle ressentait lorsqu'elle était une petite fille orpheline des nazis et abandonnée dans un monde détruit par la guerre.
Quatre-vingts ans après la libération du camp de concentration nazi, Miriam Ziegler, aujourd'hui âgée de 89 ans, a déclaré lundi que la vague croissante de «haine» dans le monde lui faisait craindre que l'histoire ne soit sur le point de se répéter.
«J'ai peur que ça puisse se reproduire. Pour mes enfants, pour mes petits-enfants, a-t-elle déclaré en entrevue. J'ai eu la chance de survivre.»
Miriam Ziegler et son compatriote canadien Howard Chandler, âgé de 96 ans, survivant d'Auschwitz, ont rencontré lundi le premier ministre Justin Trudeau à Cracovie, en Pologne. Ils étaient tous les deux dans ce pays pour les événements marquant le 80e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau.
Miriam Ziegler a été placée dans un orphelinat après la libération du camp et a finalement déménagé au Canada. Elle explique que, même s'il est difficile de revenir à ces souvenirs sombres, elle croit que Dieu lui a épargné la vie pour qu'elle puisse raconter au monde ce dont elle a été témoin. «Je dois continuer à raconter l'histoire. Cela ne devrait plus se reproduire. Cela ne devrait pas se produire, peu importe la nation», dit-elle.
Plus de six millions de Juifs, dont la famille Ziegler, ont été tués pendant la Shoah, alors que le régime nazi cherchait à exterminer la population juive d'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Les historiens estiment que plus d'un million de personnes, principalement des Juifs, ont été tuées dans le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.
Howard Chandler se souvient du jour où il a vu des soldats allemands arriver dans son village et forcer des hommes juifs à se raser la barbe en public. «Les catholiques, nos voisins, se tenaient sur le trottoir en riant. Mais il y avait une famille qui vivait en face de chez nous… la femme a dit: "Ne soyez pas si heureux avec ce qu'ils font aux Juifs: ils vont commencer par les Juifs, ils vont finir par nous". Très intelligente, cette femme», a déclaré M. Chandler.
«Si vous ne l'étouffez pas dans l'œuf lorsque ça se produit, ça va se propager, comme nous le voyons maintenant, a-t-il ajouté. L'antisémitisme est une malédiction.»
M. Chandler, son frère et leur père ont été envoyés dans un camp de travail forcé à Wierzbnik, en Pologne. Ils y ont vécu et travaillé pendant deux ans avant d'être déportés à Auschwitz-Birkenau. M. Chandler a survécu aux «marches de la mort», les évacuations forcées vers l'Allemagne, avant de retrouver son frère dans le camp de concentration de Buchenwald, près de Weimar, en Allemagne.
Les deux frères ont été libérés à Terezin, en République tchèque, après la fin de la guerre.
Comme Mme Ziegler, M. Chandler estime qu'il est de son devoir de dire au monde ce qu'il a vécu et de lancer un avertissement. «Auschwitz n'est pas tombé du ciel: ça a commencé avec des mots et ça se termine avec une cheminée, puis on nous brûle et on part en fumée», a-t-il rappelé.
«Personne, à l'exception des survivants de l'Holocauste qui l'ont vécu, ne peut ressentir ce qui arrive. Ce n'est pas seulement notre devoir, mais le devoir de l'humanité de veiller à ce que cela n'arrive à personne.»
Le gouvernement fédéral a annoncé lundi qu'il fournirait près de 3,4 millions $ de nouveaux fonds pour des initiatives visant à lutter contre l'antisémitisme et à fournir une éducation sur la Shoah. La majeure partie de cette somme, soit 1,3 million $, ira au Programme international sur l'enseignement de l'Holocauste et des génocides.
Le reste est réparti entre le Musée de l'Holocauste de Montréal, le Centre d'éducation sur l'Holocauste de Vancouver, les Amis du Centre Simon Wiesenthal pour les études sur l'Holocauste, le Musée de l'Holocauste de Toronto, la Société canadienne pour Yad Vashem et la Fédération juive de Victoria et de l'île de Vancouver.
M. Trudeau a déclaré qu'il se sentait «béni» de rencontrer Mme Ziegler et M. Chandler et d'entendre leurs témoignages. «C’est un moment dans le monde où nous devons nous rappeler ce que signifie "plus jamais"», a déclaré M. Trudeau au début de leur rencontre.
Avant la cérémonie de lundi, M. Trudeau a visité la Maison 88, l’ancienne résidence du commandant d’Auschwitz Rudolph Höss. Les fenêtres de la maison – dont une dans la pièce où dormaient les enfants de Höss – donnent sur le terrain du camp de la mort, comme le rappelait le film «La Zone d'intérêt» en 2024.
La maison a été récemment achetée par le «Counter Extremism Project» et transformée en Centre de recherche d’Auschwitz sur la haine, l’extrémisme et la radicalisation.
Après la visite, M. Trudeau a rencontré le président polonais, Andrzej Duda. Les deux hommes ont souligné qu’il s’agirait probablement du dernier grand rassemblement de survivants d’Auschwitz.
Il s’agira peut-être aussi du dernier grand voyage international de M. Trudeau en tant que premier ministre. Le prochain chef du Parti libéral sera choisi le 9 mars.
M. Trudeau doit rencontrer mardi le premier ministre polonais, Donald Tusk, avant de rentrer au Canada.