Des méthodes controversées
Le Centre Wapan accueille chaque année des membres des premières nations de partout au Québec. Des femmes innues, anicinapek et atikamekw ont révélé avoir subi une fouille des cheveux en arrivant au centre. «L’intervenante m’a demandé de m'asseoir sur le lit. Elle me demande de me détacher les cheveux. (…) Elle vérifiait si j’avais des poux. Ça m’a fait vraiment de la peine. J’avais l’impression d’être dans un pensionnat», relate l’une d’entre elles qui, par crainte de représailles, nous demande de protéger son identité.
Un homme de Masteuiatsh déplore les propos qu’une employée a tenus lors d’une sortie de pêche avec un groupe d’usagers. «Elle nous a dit, "anyway, dans un mois vous allez être tous sur la brosse avec une bouteille dans les mains puis vous allez rechuter"», raconte Edmond Boivin.
«J’étais là pour essayer de m’en sortir et j’avais l’impression qu’on m’enfonçait la tête dans l’eau.»
L’infirmière clinicienne du centre, Sandra Fortin-Awashish, soutient avoir dénoncé à la direction, des pratiques qu’elle qualifie d’humiliantes avant d’être à son tour victime d’intimidation. «Quand les choses ont commencé à empirer, j’étais même épiée, observée dans la salle de traitements. Il y avait des caméras. Plusieurs fois, je me suis fait interrompre».
Sous couvert de l’anonymat, un autre employé témoigne: «Un résident a été expulsé. Il était rendu chez lui seul avec des pensées suicidaires. J'ai commencé à réfléchir puis à me dire "ce n'est pas à savoir s’il y a quelqu'un qui va se suicider à cause de nous, mais quand"». Une autre usagère critique le manque d’activités culturelles autochtones. «Jamais on ne nous a servi de l’orignal, ni même de la banique (pain traditionnel autochtone), pourtant c’est très simple à faire!».
Dénonciations, plaintes, suicide et enquête cachée
En septembre 2023, des employés dénoncent ce qu’ils considèrent être des méthodes dangereuses auprès du conseil d’administration. Le mois suivant, un usager s’enlève la vie seulement quatre jours après avoir été mis à la porte du centre. L’événement soulève l’indignation et bon nombre d’usagers portent plainte au C.A.
Préoccupés par les témoignages de certains de leurs membres, des leaders atikamekw commencent à poser des questions. «On a décidé d’envoyer une correspondance auprès du conseil d’administration pour avoir de l’information concernant une enquête qui aurait eu lieu. Ce que nous avons eu comme réponse, c’est que c’était impossible de pouvoir avoir de l’information recherchée», souligne Constant Awashish, Grand Chef du Conseil de la Nation Atikamekw.
Enquête administrative et constats préoccupants
Il y a bel et bien eu une enquête administrative au Centre de réadaptation Wapan de novembre 2023 à mars 2024. Selon une source bien au fait du dossier, il y aurait plusieurs constats préoccupants:
- Rigidité et manque d'empathie envers les usagers
- Manque de sensibilité aux réalités autochtones
- Peu d'intérêt pour l'approche spirituelle et culturelle
- Utilisation de l'approche controversée des 12 étapes qui fait référence à Dieu
- Présence de clans et intimidation au travail
- Problème de compétences de certains employés
Un an plus tard, est-ce que la situation s’est améliorée?
Après un refus de répondre aux questions de Noovo Info à la caméra, la directrice générale du Centre de réadaptation Wapan, Christine Jean, a déclaré par courriel que «l’organisation met en œuvre ces recommandations avec diligence» et qu’il y a eu «l'ajout de ressources humaines spécialisées (…) ainsi que des actions visant l'amélioration de nos services pré et post thérapie.»
Selon les sources de Noovo Info, la fouille des poux serait désormais proscrite. Or, le manque d’activités culturelles et la culture du silence feraient toujours l’objet de critiques.
Voyez le reportage de Marie-Claude Paradis-Desfossés dans la vidéo ci-contre.