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Les auteurs de l'étude proposent une approche pour endiguer la crise du logement à Saint-Hyacinthe et dont les conclusions peuvent être applicables ailleurs au Québec.
Les auteurs d'un mémoire régional portant sur la crise du logement estiment que la fin de celle-ci passe par la fin du mode de «gouvernance à deux vitesses» en immobilier, à savoir le logement privé destiné à une «clientèle capable de payer» et soumis au libre-marché, et le logement social, financé par des fonds publics, qui s'adresse aux moins nantis.
L'économiste Pier-Alexandre Nadeau-Voynaud et le politologue Daniel Rondeau ont rédigé, à titre personnel, un mémoire pour endiguer la crise du logement à Saint-Hyacinthe et dont les conclusions peuvent être applicables ailleurs au Québec. Pour les deux auteurs, la solution se trouve dans des modèles hybrides, où des organismes investissent des fonds privés pour acquérir des immeubles qu'ils loueront à un prix acceptable tout en l'entretenant à long terme.
«Leur objectif n'est pas de faire un profit, mais de rembourser leur dette et d'étirer la vie du parc immobilier le plus longtemps possible», explique M. Rondeau.
C'est plus ou moins la formule adoptée par la Société locative d'investissement et de développement social (SOLIDES), un organisme ayant acquis plus de 1000 logements afin de maintenir le coût des loyers à un niveau raisonnable. D'autres initiatives, comme Interloge, ont aussi contribué à rendre des milliers de logements abordables.
En considérant le logement comme une «infrastructure critique» essentielle à la fois au bien-être de la population qu'à l'essor économique des municipalités, les Villes peuvent déterminer une «approche stratégique» pour aligner leur offre de logements sur les besoins de la population.
Les auteurs de l'étude proposent ainsi la mise sur pied de bureaux intermunicipaux au sein des MRC qui permettraient de planifier et de coordonner la construction d'habitations sur l'ensemble de leur territoire.
«Cette structure pourrait tout autant soutenir les initiatives privées que les projets de développement de logements abordables et familiaux pour toutes les municipalités de la région, les grandes comme les moins grandes», croient MM. Rondeau et Nadeau-Voynaud.
Le tout serait financé par un système de quotes-parts à l'image des régies intermunicipales. «C'est surtout que ça pourrait aider les petites municipalités à développer des projets sans avoir à investir au-delà de leur capacité», indique M. Rondeau.
L’idée de confier aux MRC la gestion du développement immobilier sur son territoire n’est pas nouvelle, mais pourrait avoir du sens dans certaines régions, estime François Giguère, directeur général de la SOLIDES.
«Pour beaucoup de milieux, où la densité [de population] est trop faible et où il n'y a pas assez de ressources pour développer une politique d'habitation, l'idée est louable. Ce n’est pas impossible et ça demeure une approche que je trouve intelligente», commente-t-il.
Passer de la théorie à la pratique comporte cependant quelques obstacles. «Il faut d’abord que les MRC soient motivées à prendre en charge un tel dossier, ce qui n'est pas garanti, relève M. Giguère. Ensuite, elles vont certainement demander des fonds pour assumer une telle responsabilité.»
Les deux auteurs considèrent que les municipalités devraient aussi envisager de forcer les promoteurs privés à inclure du logement social et familial dans leurs projets de cinq logements et plus, comme l'a fait la Ville de Montréal avec son règlement 20-20-20. Selon celui-ci, les promoteurs doivent réserver 20 % des portes pour des logements sociaux, 20 % pour des logements abordables et 20 % pour des logements familiaux, faute de quoi ils doivent payer une compensation sous forme de taxes.
Les règlements de mixité des habitations, comme celui adopté par la Ville de Montréal , ont davantage un effet dissuasif que celui escompté de diversifier le parc immobilier, croit le directeur stratégique en urbanisme pour Paré + et associés, Louis-Benoit L’Italien-Bruneau.
«Ce n’est pas en imposant de [tels] règlements que ça va fonctionner, estime-t-il. Le promoteur va tout simplement [passer son tour]. Il est là pour faire de l’argent. Si faire du logement n’est plus rentable, il ne s’en construira plus.»
L'urbaniste estime plutôt que les contraintes imposées par les municipalités ont miné l’essor immobilier au point de raréfier l’offre. Le logement est donc «devenu un produit spéculatif», note-t-il.
«Les barrières réglementaires en urbanisme, c’est un problème, estime M. L’Italien-Bruneau. Ça n’en prend pas plus, au contraire, ça en prend moins. Il faut que ce soit plus facile de construire, et là on va trouver une solution pour que le privé vienne faire sa part pour régler la pénurie de logements.»
M. Giguère ne croit toutefois pas qu’il soit réaliste de penser que le secteur privé comblera lui-même le déficit de logements abordables, surtout dans un contexte où les coûts de construction ont augmenté.
Si un promoteur a besoin d’un changement de zonage ou de densité pour aller de l’avant avec un projet, la municipalité dispose là d’une sorte de monnaie d’échange pour tenter d’inclure des logements abordables ou familiaux dans ce projet. «Mais encore faut-il que la municipalité soit déterminée pour en obtenir, et ce ne sont pas toutes les Villes qui ont un intérêt pour ça», nuance M. Giguère.
Ce dernier ne cache pas son inquiétude: même si son organisme et d’autres tentent de freiner la flambée des loyers en transformant des habitations locatives en logements abordables, il manque de logements sociaux, et ceux-ci ne se construiront pas d’eux-mêmes.
Pour lui, la fin du programme AccèsLogis Québec, en pleine crise du logement, est «assez irresponsable».
«Je suis très inquiet de l’avenir du Québec quand je vois à quel point on ne se préoccupe pas de loger les gens, mentionne M. Giguère. On va frapper un mur collectivement.»