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Le gouvernement fédéral expulse régulièrement des personnes soupçonnées de se livrer à l'espionnage ou au terrorisme – ou leur interdit l'entrée au Canada.
Même si le débat autour de l'ingérence étrangère continue de se concentrer sur les efforts visant à perturber les élections canadiennes, le gouvernement fédéral expulse régulièrement des personnes soupçonnées de se livrer à l'espionnage ou au terrorisme – ou leur interdit l'entrée au Canada.
Les avocats qui travaillent au sein du système d'immigration disent qu'ils s'attendent à ce que les responsables de la sécurité intensifient ces efforts, tandis que tous les projecteurs sont sur les tentatives d'ingérence d'autres pays. Mais certains craignent que le gouvernement aille trop loin.
Athena Portokalidis, une avocate en immigration établie à Markham, en Ontario, affirme qu'il semble y avoir un nombre croissant de tels cas.
«Ce que je commence à remarquer, c'est que (...) que ce soit explicite ou non, cela peut être politiquement motivé», a-t-elle déclaré.
«Il pourrait y avoir une tendance ici. Il est peut-être trop tôt pour le dire, mais c'est (…) quelque chose que j'ai remarqué et quelque chose que j'ai entendu.»
Le gouvernement fédéral n'a pas été en mesure de fournir des données sur le nombre de cas à temps pour la publication.
Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et le ministère de l'Immigration participent tous au processus de filtrage de sécurité. Aucun d'entre eux n'a fourni de commentaires à temps pour la publication, y compris des données sur le nombre de cas liés.
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés permet aux autorités d'interdire aux résidents permanents ou aux étrangers d'entrer au Canada s'ils se livrent à des actes de terrorisme ou d'espionnage contraires aux intérêts du Canada. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada est le tribunal administratif indépendant qui entend les demandes.
Lorsque les personnes soumettent une demande de visa, elles sont soumises à des vérifications d'antécédents et de sécurité avant d'être admises dans le pays. S'il y a des signaux d'alarme, le SCRS et l'ASFC peuvent faire rapport à la commission, qui décide ensuite quoi faire avec une demande.
«Il est presque impossible de contester les conseils que les agents du renseignement de sécurité offrent au ministère», souligne Sharry Aiken, professeure de droit à l'Université Queen's.
De nombreuses personnes sont éliminées sur la base de preuves secrètes qui ne peuvent être examinées, ce qui «conduit souvent à des injustices flagrantes», estime-t-elle.
«Il s'agit vraiment de savoir comment nous interprétons ce qui constitue un risque et quel type d'association rend réellement quelqu'un inadmissible, a-t-elle expliqué. Ce que je dirais, c'est que dans le domaine de l'immigration, c'est à peu près un Far West.»
Les personnes jugées inadmissibles ont le droit d'interjeter appel de leur cas devant la Cour fédérale.
Plus tôt cette année, Me Portokalidis s'est battue avec succès pour un ancien citoyen canadien qui s'était vu refuser la résidence permanente et qui avait été jugé inadmissible au motif qu'il aurait enseigné l'anglais à des espions chinois et pourrait lui-même être impliqué dans l'espionnage.
Les allégations contre Liping Geng, un citoyen chinois de 68 ans, figuraient dans un rapport préparé par la Division du filtrage de sécurité nationale de l'ASFC, qui citait des informations tirées d'un rapport du SCRS.
Les archives judiciaires montrent qu'en tant que jeune homme, M. Geng était membre de l'Armée populaire de libération de la Chine. Après avoir terminé ses études, il a travaillé comme professeur d'anglais dans un département géré par l'armée qui formait des étudiants en langues étrangères.
Les responsables canadiens ont fait valoir que tous ceux qui fréquentaient l'école étaient «dans ou étaient liés au renseignement militaire chinois» et que les enseignants se livraient activement à l'espionnage.
M. Geng a passé neuf ans à terminer une maîtrise et un doctorat à l'Université de Toronto, où il a ensuite enseigné, selon des documents. Sa famille a obtenu le statut de résident permanent au Canada et ils sont devenus citoyens en 1995.
Lorsque M. Geng est retourné en Chine en 2007, il a renoncé à sa citoyenneté canadienne parce que la Chine ne reconnaît pas la double citoyenneté. Pourtant, selon les documents judiciaires, M. Geng a régulièrement rendu visite à sa famille au Canada dans les années qui ont suivi. Il a choisi de revenir définitivement en 2019 après sa retraite.
Le juge de la Cour fédérale, Richard Mosley, a conclu que les rapports du SCRS et de l'ASFC utilisés pour accuser M. Geng d'espionnage ne lui avaient jamais été divulgués, et que cela posait problème parce que les documents «orientaient le processus décisionnel».
De plus, les responsables de la sécurité ont été critiqués pour s'être appuyés sur des journaux et d'autres sources ouvertes pour construire leur dossier, plutôt que sur des preuves tangibles.
Le juge Mosley a écrit dans une décision annulant la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié que les évaluations de sécurité constituaient un «effort trop zélé» pour établir M. Geng en tant que membre de l'armée chinoise.
Me Portokalidis a déclaré que de nombreuses personnes qui se trouvent dans une position similaire n'ont pas les moyens de se battre devant les tribunaux.
«Notre client a eu la chance d'avoir les ressources et les moyens d'engager un avocat pour l'aider dans ce processus, mais si vous n'étiez pas aussi chanceux, je veux dire, il pourrait faire face à une interdiction à vie», a-t-elle soutenu.
Et ce n'est pas la première fois qu'elle a un client qui se retrouve dans une situation pareille, dit-elle.
«M. Geng n'est malheureusement pas la seule personne à avoir été victime de cela, souligne-t-elle. C'est malheureux, car nous aurions pu éviter le temps et les dépenses de toutes les personnes impliquées s'il avait été correctement informé des préoccupations dès le départ.»
L'affaire a été renvoyée à la commission pour un examen plus approfondi, ce qui, selon Me Portokalidis, pourrait prendre des mois.
Le va-et-vient entre le maintien d'un système d'immigration ouvert et la priorité donnée à la sécurité peut mettre la vie et l'avenir des gens en attente. Mais la loi ne définit que vaguement ce qui constitue des menaces à la sécurité, et des définitions plus claires pourraient prévenir l'injustice, a suggéré Mme Aiken.
«Je dirais, à mon avis, que cela a malheureusement été une invitation, trop souvent, à aller trop loin», a-t-elle déclaré.
Les preuves qui autrement ne seraient pas recevables dans une salle d'audience criminelle ou civile peuvent être utilisées dans les procédures d'immigration. Et contrairement à une salle d'audience criminelle, il n'y a pas de paramètres détaillant spécifiquement ce qui constitue la culpabilité.
«Fondamentalement, un peu plus que des soupçons suffisent pour vous rendre inadmissible», a déclaré Mme Aiken.
En 2020, la Cour fédérale a annulé une décision de 2019 d'expulser un citoyen éthiopien de 34 ans arrivé au Canada en 2017 pour demander l'asile.
Les motifs invoqués pour déterminer que Medhanie Aregawi Weldemariam devrait être déclaré inadmissible n'étaient pas pertinents pour les intérêts de sécurité nationale du Canada, a conclu le tribunal.
M. Weldemariam était un ancien employé de l'agence de sécurité et de renseignement de l'État éthiopien. Cette ligne sur son curriculum vitae était suffisante pour l'expulser du Canada, ont fait valoir des responsables.
Les responsables de la sécurité ont estimé que l'Information Network Security Agency avait commis du cyberespionnage sur les alliés du Canada et ciblé des journalistes à l'extérieur de l'Éthiopie qui travaillaient pour un média critiquant son gouvernement.
Mais ils n'ont pas établi pourquoi une telle surveillance était contraire aux intérêts canadiens et ont fait un saut «trop ténu» en concluant que M. Weldemariam était impliqué dans des activités contre le Canada, a conclu le juge de la Cour fédérale John Norris.
Il a ordonné une nouvelle audience d'admissibilité, mais le gouvernement fédéral a contesté cette décision.
L'affaire attend actuellement d'être plaidée devant la Cour d'appel fédérale, en attendant la décision dans une affaire distincte de la Cour suprême contestant la façon dont le gouvernement fédéral applique ses dispositions sur la «sécurité nationale».
Il existe des préoccupations légitimes concernant l'ingérence étrangère au Canada, a déclaré Mme Aiken. Les personnes qui représentent de véritables menaces sont éliminées.
«Mais vous savez, il y a une ligne», a-t-elle indiqué.