Début du contenu principal.
Elle demande publiquement de «barrer la route à l’extrême droite» en France. Imaginez si c’était François Legault!
Il semble que la députée de Mercier et candidate au poste de porte-parole féminine de Québec solidaire a décidé d’investir son temps pour faire campagne pour le Nouveau Front populaire afin de «barrer la route à l’extrême droite». Malaise.
Mardi, Ruba Ghazal publiait sur X: «Je serai au métro Mont-Royal à 17h aujourd’hui pour distribuer des dépliants afin d’inciter les Français du Québec à barrer la route à l’extrême droite et à voter pour le Nouveau Front populaire».
Je serai au métro Mont-Royal à 17h aujourd’hui pour distribuer des dépliants afin d’inciter les Français du Québec à barrer la route à l’extrême droite et à voter pour le Nouveau Front Populaire. #NFP #assnat pic.twitter.com/pCJGuzRrlR
— Ruba Ghazal (@RubaGhazalQS) June 25, 2024
C’est carrément de l’ingérence dans les élections d’un autre pays et ça ne se fait pas. Tout comme on ne voudrait jamais que des élus d’un autre état se mêlent de nos élections.
Du côté de Québec solidaire, on indique que la députée agit en son nom personnel et qu’après avoir consulté un juriste, on considère qu’il ne s’agit pas d’ingérence au sens légal.
Imaginez un peu la réaction si François Legault appelait à voter pour un parti ou un autre en France. Gabriel Nadeau-Dubois avait été le premier à critiquer la sortie de François Legault lors de la campagne fédérale de 2021, alors que le premier ministre avait appelé à se méfier des libéraux, des néo-démocrates et des verts, trois partis centralisateurs.
Legault n’avait même pas appelé à voter pour un parti en particulier, il ne s’agit pas d’un pays étranger, mais bien d’un autre palier de gouvernement, et sa prise de position avait fait grand bruit.
Les actions de Ghazal sont bien pires. Alors que les débats sur l’ingérence étrangère font rage en ce moment à Ottawa, ici, nous avons une députée qui fait ouvertement campagne auprès d’électeurs français.
À VOIR ÉGALEMENT | Politique française: ce qui explique la décision de Macron de dissoudre l’Assemblée nationale
La députée justifie son ingérence par l’idée de «barrer la route à l’extrême droite». Mais de quoi parle-t-elle au juste?
Le député pour l’Amérique du Nord actuel est Christopher Weissberg. Il est affilié à Renaissance, anciennement En marche, le parti du président Macron. Je pense qu’on peut tous s’entendre que l’on aime ou pas Renaissance, il ne s’agit objectivement pas un parti d’extrême droite.
Donc quelqu’un peut m’expliquer en quoi appeler à voter pour le Nouveau Front populaire (coalition rassemblant les socialistes, France insoumise et les verts) ici au Québec contribuerait à bloquer l’extrême droite?
Alors, regardons maintenant les résultats des partis qui furent qualifiés d’extrême droite lors des dernières législatives. Le Rassemblement national, le parti de Marine Le Pen, avait obtenu un score d’à peine 2% en Amérique du Nord. Le parti d’Éric Zemmour? Un peu plus de 5%.
Il s’agit d’un prétexte fallacieux pour faire ouvertement campagne pour son option politique à l’étranger. C’est l’internationale socialiste, simplement.
En 2014, plusieurs élus du PQ se sont rendus en Écosse à l’occasion du référendum sur l’indépendance. J’avoue avoir eu un certain malaise de voir des élus québécois distribuer des tracts.
Il y a une différence entre offrir la perspective du Québec à l’occasion de ces plébiscites, et faire campagne.
Cette année-là, un ancien premier ministre avait transmis de sages paroles au directeur des communications du PQ, un certain Dominic Vallières. À la lumière de sondages dans lesquels l’option du yes gagnait du terrain, Jacques Parizeau lui avait indiqué qu’il ne ferait pas d’entrevues sur le référendum en Écosse, car il ne souhaitait pas avoir quelque impact que ce soit dans la campagne, et qu’il n’aurait d’ailleurs pas apprécié que des acteurs étrangers se mêlent du référendum en 1995.
Aussi en 2017, je me suis rendue en Catalogne avec Jean-François Lisée, alors chef du PQ. Le déclenchement d’un référendum là-bas était imminent. Les indépendantistes catalans étaient très intéressés à en connaître davantage sur la perspective québécoise. Vous pouvez trouver facilement les entrevues données par Lisée en mars 2017 en Catalogne et vous constaterez qu’il transmet la perspective québécoise sans dire aux Catalans comment voter. À ce moment, le débat en Catalogne tournait surtout autour de la légalité de la tenue même d’un référendum et le message que l’on souhaitait lancer était que les Catalans avaient le droit de tenir cet exercice démocratique.
Certes, la France et le Québec ont une relation particulière. Le «ni-ni», au long: la non-ingérence, non-indifférence, est une doctrine qui décrit la position de la France face au débat sur la souveraineté du Québec. La France est neutre et ne s’ingère pas, mais que Paris accompagnera les destinées du Québec. Bref, on ne se mêle pas des élections ou votes, mais on reconnaîtrait le pays du Québec si c’était ce que le peuple choisissait.
Il s’agit d’un équilibre délicat que certains semblent avoir du mal à pleinement saisir.
Recevez toutes les chroniques d'Antonine Yaccarini en vous abonnant à l'infolettre Les débatteurs du samedi.
Note de la rédaction : Un paragraphe a été ajouté à ce contenu pour préciser que Ruba Ghazal a agi en son nom personnel et que QS ne considère pas les gestes comme de l'ingérence au sens légal. Pour plus d’information, consultez les normes éditoriales de Noovo Info.