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«Pourquoi concéderions-nous quoi que ce soit avant même de négocier?»
Dans sa déclaration ministérielle du 4 février dernier, François Legault lançait un appel à «garder la tête froide». Il nous invitait à être intelligents et à éviter de réagir trop fortement ou de manière émotive, ce qui risquerait de faire mal à nos propres entreprises. Il me semble qu’à ces recommandations, il soit nécessaire d’ajouter à celle-ci: évitons de négocier sur la place publique.
Depuis quelques semaines, François Legault martèle qu’il faut renégocier l’ACEUM rapidement, ce qui lui a valu de nombreuses critiques. Pour ma part, je suis d’accord avec le premier ministre. Il faut cesser de réagir à chaque soubresaut de Donald Trump, et diriger nos actions vers une table de négociation, ce qui permettrait de calmer le jeu tout en permettant à nos élus de ne pas être poussés à réagir à chaque sortie intempestive du président américain.
Ainsi, à chaque fois que le président lancerait une nouvelle demande ou menace dans l’espace public, nos élus pourraient répondre : nous pourrons en discuter à la table de négociation. Cette manière de mettre un délai à notre réaction est beaucoup moins intéressante et a tendance à neutraliser, un peu du moins, les intimidateurs.
Par contre, je décroche lorsqu’il parle de faire certaines concessions face aux Américains. Pourquoi concéderions-nous quoi que ce soit avant même de négocier ?
Je décroche aussi lorsqu’il parle ouvertement d’instaurer des contre-tarifs. Comprenez-moi bien, je ne pense pas que l’on doive exclure entièrement l’idée de certains contre-tarifs. Ces contre-tarifs nous feront très mal, il faut faire preuve d’une grande prudence. On doit choisir intelligemment les actions ayant un ratio efficacité vs dommages qui soit positif. Il faut aussi éviter de lancer n’importe quoi dans l’espace médiatique et, par conséquent, vers notre adversaire. Gageons que les déclarations des premiers ministres des provinces canadiennes se retrouvent dans la revue de presse de celui qui prépare la prochaine négociation, un certain Jamieson L. Greer.
Certaines actions vont de soi et ne concernent pas les négociations avec les États-Unis : développer le commerce interprovincial, s’ouvrir vers de nouveaux marchés, miser sur les grands projets structurants pour garder notre monde au travail et aider notre économie à passer au travers de la tempête, épauler nos entreprises afin de sauver les secteurs affectés. Voilà ce sur quoi Québec doit travailler sans relâche en priorité.
Ces actions devront évidemment se conjuguer avec les mesures de représailles les plus efficaces en attendant une négociation qui espérons-le, nous mènera à une entente qui nous donnera davantage de prévisibilité et de stabilité. Et bien que j’aimerais beaucoup que le Québec ait déjà accédé à son indépendance, nous faisons présentement partie d’un ensemble plus grand et l’action devra être bien coordonnée avec les autres provinces ainsi qu’avec Ottawa, tout en s’assurant de protéger les intérêts du Québec. On doit viser un front commun, mais dans lequel le Québec ne sera pas sacrifié.
On doit absolument éviter de réagir à chaque occasion et de lancer un paquet d’idées dans les airs. Nous apprécions tous une certaine transparence de la part de nos élus, mais pas aux dépens d’une négociation efficace. Cela n’est pas sans nous rappeler les négociations avec le secteur public en 2023-2024. M. Legault avait cette tendance à négocier sur la place publique. Il doit se corriger et revenir à l’esprit de sa déclaration ministérielle : gardons la tête froide.
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