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Mardi matin, les prix affichés dans les stations-service n'avaient pas beaucoup changés au pays.
Avec l'entrée en vigueur de l'abolition de la «taxe carbone» mardi, les Québécois paient 3,7 cents de plus par litre d'essence que dans le reste du Canada, alors que le prix affiché de l'essence au pays a diminué de 2,6 cents le litre.
Depuis mardi, le Québec est la dernière province à ne pas avoir abandonné son système de tarification du carbone.
Avec la disparition de cette mesure fédérale, les critiques de la tarification du carbone affirment que ce n'est qu'une question de temps avant que les Québécois ne commencent à ressentir des difficultés à la pompe.
«Lorsqu'on compare les prix entre Gatineau ou Montréal et Ottawa… la différence va être frappante», a déclaré Carol Montreuil, vice-président de l'Association canadienne des carburants, dans une entrevue lundi.
Toutefois, mardi matin, les prix affichés dans les stations-service n'avaient pas beaucoup changés au pays.
Entre lundi et mardi, jour de l’abolition de la «taxe carbone» au Canada, le prix de l’essence a diminué de 2,6 cents le litre, passant de 153,9/L à 151,3/L en moyenne au pays, selon la CAA.
À titre d'exemple, au cours de la dernière année, le prix moyen le plus bas au Canada a été de 146,4/L le 19 septembre 2024 et le prix moyen le plus élevé a été 172,4/L le 19 avril 2024.
Selon la Régie de l’énergie du Québec, le prix moyen affiché de l’essence ordinaire au Québec mardi matin était de 155/L le litre.
Donc l'essence coûtait, en moyenne 3,7 cents de plus par litre au Québec que dans la moyenne du Canada.
Toutefois, selon les donnée de gasbuddy.com, l'essence était moins cher au Québec mardi matin qu'à Terre-Neuve-et-Labrador, qu'en Nouvelle-Écosse, que dans les Territoires du Nord-Ouest, qu'à l'Île-du-Prince-Édouard et qu'en Colombie-Britannique.
Les prix variaient beaucoup entre les provinces, mais aussi entre les régions au sein d'une même province.
Par exemple, sur la Côte-Nord et en Outaouais, le prix moyen d'un litre d'essence était plus bas que la moyenne canadienne, soit inférieur à 150/L.
Mais dans d'autres régions, comme le Nord-du-Québec, le prix était aussi élevé que 169/L.
En 2024, la tarification fédérale du carbone représentait 17,6 cents sur le prix du litre d'essence. Le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission du Québec, lié à celui de la Californie, ajoute actuellement environ 10 cents au prix du litre d'essence.
Il serait donc logique de s'attendre à ce que le prix affiché de l'essence baisse de 18 cents au Canada entre lundi et mardi, au moment où l'abolition de la «taxe carbone» entre en vigueur.
Mais pourquoi, n'est-ce pas le cas?
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«Les distributeurs et les raffineurs, à tous les niveaux, peuvent décider d'ajuster un peu les marges de profit», a indiqué, lundi, Normand Mousseau, professeur de physique à l'Université de Montréal et directeur scientifique de l'Institut de l'énergie Trottier à Polytechnique Montréal.
«Au moins pendant une période de transition, les distributeurs et les stations-service conserveront une marge bénéficiaire plus importante», a-t-il précisé.
Mais selon Nicolas Gagnon, directeur québécois de la Fédération canadienne des contribuables, «le Québec passera d'un des endroits où l'essence est relativement abordable actuellement à l'un des endroits où le prix est le plus élevé au pays».
M. Gagnon espère profiter de cette occasion pour faire pression sur le gouvernement du Québec afin qu'il abolisse sa tarification du carbone.
Interrogé lundi sur la possibilité pour le Québec d'emboîter le pas en mettant fin à son prix sur le carbone, le premier ministre François Legault a fait savoir qu'il attendrait le résultat des élections fédérales avant de se prononcer.
«Il y a des chefs qui parlent de la taxe carbone industrielle, d'autres de la taxe carbone pour les consommateurs. Donc, attendons le 28 avril — ça arrive — de savoir qui gagne, comment ça va se passer, mais c'est sûr qu'il faut être compétitifs», a-t-il soutenu lors de sa mission en Allemagne.
«On va regarder le dossier, mais pour l'instant, ce n'est pas aussi évident que ça.»
Au Québec, «l'impact du marché du carbone est de huit à neuf sous le litre», a pour sa part indiqué le ministre de l’Environnement en point de presse mardi après-midi.
Benoit Charette a rappelé que le gouvernement fixe chaque année un prix au carbone dans le cadre du marché du carbone et que si c’est nécessaire, ce prix pourrait, dans les prochains mois, être «ajusté» en fonction de la situation économique.
Mais «ce n'est pas parce qu'il y a une grande instabilité qu'on doit laisser place à l'improvisation», a ajouté le ministre.
Marc Tanguay, chef de l’opposition officielle, a indiqué mardi que le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission utilisé au Québec est «un mécanisme qui a été mis en place à l'époque et qui a toujours sa justification», mais qu'il «faut s'assurer que les sommes ramassées aillent pour lutter contre les changements climatiques».
De son côté le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a souligné «qu'en matière d'équité pour le consommateur et de fonctionnement (entre les provinces), on ne peut pas imaginer un système où on paye 20 cents de plus que chez le voisin».
Toutefois, a observé M. St-Pierre Plamondon, «avant de présumer qu'il va y avoir vraiment un différentiel de 20 cents entre le Québec et l'Ontario», il faut regarder comment les pétrolière agissent car «quand on baisse la taxe sur l'essence», habituellement celles-ci «s'en occupent puis montent les prix».
Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et responsable de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, est d'avis que si le gouvernement commençait à ressentir des pressions sur la tarification du carbone, il pourrait toujours choisir de réorienter une partie des revenus du marché du carbone vers les contribuables.
Actuellement, ces fonds sont versés au Fonds pour l'électrification et les changements climatiques du Québec, afin d'être consacrés à des programmes de réduction des émissions.
C'est une autre façon dont la tarification du carbone au Québec se distingue du système fédéral, qui reversait la majeure partie des revenus directement aux ménages.
«La majorité, 80 % des Canadiens qui étaient dans les provinces où on avait une taxe carbone fédérale, recevaient plus en redevances du fédéral que ce qu'ils payaient en taxe sur l'essence», donc «pour la plupart des Canadiens, ils vont perdre de l'argent» avec la fin de la «taxe carbone», a rappelé Normand Mousseau.
Pierre-Olivier Pineau a ajouté que l'une des raisons pour lesquelles le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission du Québec n'est pas devenu un paratonnerre politique est peut-être simplement parce qu'il est plus complexe qu'une taxe sur le carbone et que son coût est moins évident.
«Si on ne comprend pas quelque chose, il est difficile de s'y opposer», a-t-il déclaré.