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Pour mieux cerner la situation, Noovo Info s’est entretenu avec des courtiers. «Ça ressemble à la pandémie», dit l'un d'eux.
Les Québécois qui souhaitent s’acheter une propriété d’ici l'été 2025 pèsent sans doute plus que jamais le pour et le contre de cette transaction majeure par les temps qui courent. Si l’incertitude économique provoquée par la guerre commerciale amorcée par Donald Trump peut faire grincer des dents, les baisses de taux directeur successives de la Banque du Canada peuvent au contraire donner le goût de se lancer.
Sur quel pied danser?
Afin de mieux cerner les deux côtés de la médaille, Noovo Info s’est entretenu avec un courtier immobilier et un courtier hypothécaire.
Le printemps vient à peine d’arriver, mais Marc Lefrançois, courtier immobilier agréé chez Royal LePage Tendance à Montréal, prévoit déjà que le marché immobilier de l’été 2025 en sera un de vendeurs.
«En ce moment, ce qui est spécial, c'est qu'on est clairement dans un marché de vendeurs dans plusieurs secteurs, et dans un marché équilibré pour d'autres», évalue M. Lefrançois.
Par exemple, le marché immobilier de luxe, qui regroupe les propriétés d’une valeur de 1 million $ et plus, est plus «balancé», selon le courtier immobilier. En contrepartie, le marché pour les propriétés évaluées à 400 000 $ ou 500 000 $ et situées en périphérie de Montréal est, quant à lui, en ébullition.
«Ça va être des offres multiples sur chacune des propriétés; des fois, il va y avoir 50 visites lors de l’inscription. Ça ressemble à la pandémie.»
M. Lefrançois précise que pour un marché équilibré, le pourcentage de propriétés vendues qui ont été la cible d’offres multiples avoisinent les 8% ou 10%. En ce moment, ce taux tourne plutôt autour de 30% ou 35%.
Philippe Simard, directeur hypothécaire pour le Québec chez Ratehub, note de son côté que certains acheteurs peuvent se montrer plus prudents en raison des taux d'intérêt.
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L'inventaire plutôt limité sur le marché jouerait par exemple en la défaveur de ceux qui souhaitent acheter. «Il y a encore un débalancement», constate M. Simard. «On y arrive tranquillement [...] mais il reste qu'il y a encore un déficit au niveau de l'inventaire.»
Comme le courtier immobilier Marc Lefrançois, M. Simard observe lui aussi un retour des offres multiples et de la surenchère. «J'ai eu un client qui a fait une surenchère de 50 000 $ sur une propriété et il a perdu l'offre d'achat», raconte-t-il.
Aux États-Unis, les constructeurs ont déjà prévenu que l’augmentation des droits de douane ferait grimper le coût des nouveaux logements. Le marché immobilier québécois pourrait-il aussi être impacté par les tarifs de Trump?
Marc Lefrançois n’écarte pas cette possibilité, mais soulève que l’inventaire de propriétés disponibles n’a pas encore été affecté.
«On a beaucoup d'inventaire, beaucoup de transactions; l'inventaire est quand même assez gros», estime le courtier immobilier. «Heureusement, les acheteurs sont très proactifs. Il y en a peut-être proportionnellement moins que le nombre de vendeurs, mais ils absorbent quand même bien l'inventaire.»
Cela dit, une crise de confiance chez les acheteurs pourrait venir freiner le marché. «Il ne faudrait pas que les problèmes de douane, de tarifs, de politique, viennent amenuiser ça», poursuit M. Lefrançois. «On se retrouverait rapidement dans un marché différent. Le scénario privilégié en ce moment, c’est qu’on va continuer à carburer dans la bonne direction, mais il y a des ombres au tableau.»
Quant au courtier hypothécaire Philippe Simard, s'il est conscient de l'incertitude générée par la guerre commercia le, il n'anticipe pas pour autant des impacts marqués sur le secteur de l'immobilier au Québec, même si une récession devait survenir. «Ordre général, ça va se traduire par une baisse au niveau de l'économie», analyse-t-il. «Et c'est quoi la meilleure arme qu'on a pour contrer un ralentissement économique? C'est la Banque du Canada qui vient baisser son taux directeur pour stimuler l'économie.»
Dans tous les cas, le marché immobilier se trouve en meilleure santé que ses contreparties torontoises et américaines, où le coût d’acquisition de la propriété n’a jamais été aussi élevé qu’en ce moment, selon Marc Lefrançois, qui ne s’inquiète pas pour l’avenir à long terme du marché au Canada.
«Le Québec fait un peu figure de village d’Astérix au niveau du marché immobilier en ce moment.»
Que vous souhaitiez acheter ou vendre d’ici à l’été, Marc Lefrançois a la même impression: «Si je suis vendeur, puis je me dis que je me donne six mois pour prendre ma décision... J’aurais tendance à me dire: "pourquoi prendre le risque?"» Le courtier immobilier répond que le marché est assez bon présentement malgré les «nuages» à l'horizon. Alors, aussi bien agir, selon lui.
Pour les acheteurs, M. Lefrançois recommande de ne pas trop traîner non plus, sauf dans le cas de ceux qui visent des propriétés de luxe - ils peuvent davantage prendre leur temps.
«En immobilier, attendre pour essayer de timer ton marché, ce n’est pas idéal. Si tu sais que tu as un choix à faire dans un marché hot, c’est sûr que je n’attendrais pas. Ça carbure tellement que les prix montent rapidement. J’irais plus vite que moins», développe-t-il.
Philippe Simard a le même avis sur la question: «Un bon vieux dicton dit que c'est toujours le bon moment pour acheter. Je pense que c'est vrai, ça s'applique encore. Plus que les taux vont baisser, plus ça va mettre une pression à la hausse au niveau des valeurs.»
«Il vaut mieux acheter maintenant, au prix d'aujourd'hui, que d'attendre quelques mois ou quelques années et subir la hausse du marché.»
Tout dépendant de votre budget, certaines acquisitions immobilières pourraient être plus judicieuses que d’autres, relève Marc Lefrançois. En raison du phénomène de rareté ou de la possibilité d’ajouter une source de revenus, il pourrait par exemple être plus avantageux de mettre la main sur une maison unifamiliale ou un plex plutôt qu’un condo, si le portefeuille le permet.
Opter pour un plex vient cependant avec la gestion des travaux à effectuer dans les logements de ses locataires et les fluctuations possibles des taux d’intérêt.
Si les condos sont plus abordables et nécessitent moins de frais d’entretien, ils sont beaucoup plus communs que les maisons unifamiliales, par exemple. «À prix égal, je conseille toujours, si vous voulez acheter une unité pour le reste de votre vie et surtout si vous avez une famille, d’opter pour l’unifamilial», explique M. Lefrançois.
Le courtier immobilier se montre toutefois transparent, en raison de leur rareté et du fait qu’il ne s’en construit pratiquement plus, les maisons unifamiliales sont réellement dispendieuses à Montréal et en périphérie. «Tout ce qui tourne autour de 400 000 $ pour l’unifamilial à l’extérieur de Montréal, c’est la folie absolument furieuse.»
Selon Philippe Simard, il peut être plus avantageux de se tourner vers les taux hypothécaires variables, avec les baisses successives du taux directeur de la Banque du Canada. «Aller vers le taux variable aujourd'hui est une bonne stratégie pour bénéficier non seulement des baisses de la Banque du Canada, mais aussi de la baisse des taux fixes. Les taux variables, les gens peuvent les fixer pendant leur terme», rappelle le courtier hypothécaire.
Pour autant, il rappelle que les deux types de taux sont présentement pratiquement au «nez-à-nez».
Dans un rapport publié en février dernier, pour acheter une propriété évaluée à 562 300 $ à Montréal, Ratehub établissait le salaire minimal requis par ménage à 122 900 $.
Marc Lefrançois rappelle qu’en plus d’un investissement financier, l’acquisition d’une propriété peut aussi représenter une occasion d’améliorer sa qualité de vie. Selon les situations, il conseillerait aux personnes misant sur un salaire d'au moins 80 000 $ de songer à acheter.
Néanmoins, il suggère de toujours prévoir un coussin de sorte à être prêt à faire face a toutes sortes d'imprévus.
«Si tu ne veux pas que tes vacances sautent ou te retrouver à manger du baloney, il faut que tu aies un coussin [...] Il faut faire un budget [...] Parle à ton comptable, parle à ton planificateur financier, parle à ton courtier. Il y a des gens qui ont acheté des maisons et qui n'ont plus de qualité de vie», conclut M. Lefrançois.
«C'est supposé venir avec une belle qualité de vie, une maison ou un condo. Pas venir avec un stress qui te force à prendre des médicaments contre l'acidité.»