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La suppression du prix plancher était l’une des recommandations d’un rapport indépendant commandé par la province et publié l’année dernière.
Le gouvernement québécois a pris une mesure qui, espère-t-il, fera baisser le prix de l’essence dans la province, mais les observateurs estiment que les consommateurs ne devraient pas en bénéficier à la pompe.
Ils affirment que la province subissait des pressions pour agir depuis que le gouvernement fédéral a supprimé, le 1er avril, le prix du carbone pour les consommateurs, qui s’appliquait dans la majeure partie du reste du pays. Dans les jours qui ont suivi, le Québec est passé de l’un des États où l’essence était la moins chère du pays à l’un des plus chers.
Lundi, la ministre de l’Économie, Christine Fréchette, a annoncé que le Québec supprimait le prix plancher de l’essence et d’autres carburants, une mesure en vigueur depuis les années 1990 pour protéger les petites stations-service de la concurrence des grands acteurs du marché. Elle a présenté cette décision comme un moyen de stimuler la concurrence et, à terme, de faire baisser les prix.
«J’ai l’impression qu’ils subissaient des pressions pour agir sur le prix de l’essence», a dit Pierre-Olivier Pineau, directeur du programme de gestion du secteur énergétique à HEC Montréal, l’école de gestion de l’Université de Montréal. «Cela leur permet de faire une annonce sans qu’il y ait de réelles conséquences.»
La décision du premier ministre Mark Carney d’éliminer la taxe carbone à la consommation, suivie par la décision de la Colombie-Britannique d’abolir sa propre taxe carbone, a entraîné une baisse spectaculaire des prix de l’essence depuis le 1er avril dans toutes les provinces, à l’exception du Québec, qui applique son propre système de plafonnement et d’échange des droits d’émission de carbone.
Selon le site web GasBuddy.com, le prix moyen à la pompe est resté relativement stable au Québec ces dernières semaines, autour de 1,50 $ le litre. En Ontario, le prix moyen est tombé à 1,21 $ le litre.
Cette disparité a suscité beaucoup d’attention au Québec. Cette semaine, un sondage Léger commandé par la Fédération canadienne des contribuables, qui mène une campagne contre le prix du carbone dans la province, a révélé que 49 % des répondants se disaient opposés au système de plafonnement et d’échange, tandis que 32 % y étaient favorables.
Jusqu’à présent, les opposants à la tarification des émissions n’ont pas trouvé de champion au sein de l’Assemblée législative provinciale. La semaine dernière, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité en faveur d’une motion réaffirmant son engagement envers le système de plafonnement et d’échange. Le chef conservateur du Québec, Éric Duhaime, a demandé au premier ministre François Legault d’abolir le prix du carbone, mais son parti ne détient aucun siège à l’Assemblée législative.
M. Pineau a souligné que la décision d’abolir le prix plancher était un geste largement symbolique visant à apaiser les critiques. Il a ajouté que la plupart des stations-service pratiquaient des prix supérieurs au minimum, de sorte que la suppression du prix plancher ne devrait pas entraîner une chute des coûts. «Il y aura très probablement un statu quo total», a-t-il ajouté.
La suppression du prix plancher était l’une des recommandations d’un rapport indépendant commandé par la province et publié l’année dernière. Le gouvernement affirme qu’il supprimera le prix minimum en introduisant des modifications à un projet de loi existant visant à réformer le secteur énergétique québécois.
Mais Sonia Marcotte, PDG d’une association représentant les distributeurs d’énergie du Québec, s’est dite préoccupée par le fait que ce changement entraînera une guerre des prix qui pourrait contraindre les petits détaillants à quitter le marché, ce qui réduirait la concurrence. Elle a ajouté qu’ensuite, «les prix augmenteront à nouveau».
Mme Marcotte a mentionné que les stations-service québécoises situées près des frontières avec l’Ontario et le Nouveau-Brunswick ont vu leurs ventes baisser depuis la suppression du prix fédéral du carbone. Elle a ajouté que le gouvernement québécois devrait prendre des mesures pour faire baisser les prix, soit en supprimant le système de plafonnement et d’échange, soit en réduisant la taxe provinciale sur l’essence, qui s’élève actuellement à 19 cents le litre. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a réduit la taxe sur l’essence de sa province à 9 cents le litre en 2022.
«L’important, c’est que ce soit équivalent et que nous puissions être compétitifs», a avancé Mme Marcotte.
Charles-Édouard Têtu, analyste en politique climatique et énergétique auprès du groupe environnemental québécois Équiterre, s’est dit inquiet que la décision du gouvernement ne signe un affaiblissement de sa détermination à taxer le carbone. «Peut-être ouvrons-nous la porte, dans un certain sens, à la remise en question de certaines de nos autres politiques phares au Québec», a-t-il affirmé.
«Nous devons rester vigilants. Les politiques ambitieuses seront constamment attaquées dans les années à venir.»
M. Têtu a ajouté qu’il existe de meilleurs moyens de répondre aux préoccupations liées au coût de la vie, notamment en investissant dans les transports publics afin de réduire la dépendance des gens à l’égard de l’automobile.
Le système de plafonnement et d’échange du Québec, qui est lié à celui de la Californie, coûte actuellement environ 10 cents par litre d’essence aux consommateurs. Lancé en 2013, il n’a jamais été particulièrement controversé.
La décision prise cette semaine de supprimer le prix plancher est un moyen de se montrer « proactif » sur une question qui est actuellement au centre des préoccupations, a déclaré Éric Montigny, professeur de sciences politiques à l’Université Laval. Mais il reste à voir si l’opposition au système de plafonnement et d’échange va s’imposer dans la politique québécoise, a-t-il ajouté.
«Il est clair que le fait que le gouvernement fédéral ait aboli la taxe sur le carbone [...] remet la spécificité du Québec à l’ordre du jour», a-t-il déclaré.