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On se rappelle l’écrasement d’avion de Washington, en janvier dernier. La faute à qui, selon Trump?
On se rappelle l’écrasement d’avion de Washington, en janvier dernier. La faute à qui, selon Trump? Aux politiques d’inclusion et des employés présentant des handicaps physiques ou mentaux. Sans preuve, bien entendu.
En plus de ceci et autres imitations abjectes pendant ses rallies, notons que le Boss a aussi mis fin, récemment, au financement de parcours scolaires adaptés et divers programmes assurant la construction de rampes d’accès ou l’acquisition de matériel en braille, pour seuls exemples.
Parlant de bon gars, Charlie Kirk, populaire animateur de podcast proche de Trump, implore le ti-Jésus de mettre fin à la présence, pendant les conférences de presse, aux interprètes en langue des signes. Et pourquoi? Parce que ça le dérange, voilà tout.
Une autre couche: Darren Beattie, sous-secrétaire aux affaires publiques pour Trump, a fait connaître, sur X, le souhait de procéder pour les personnes en situation d’handicap «au contrôle de la population et à la stérilisation de masse», déplorant que «des humains de haute qualité subventionnent la fertilité d’humains de moindre qualité.»
Un retour proposé à l’eugénisme, donc, soit les gênes de certains comme prétendument supérieurs à ceux d’autrui.
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D’abord une idée de Darwin, publiée en 1859 dans L’origine de l’espèce. Son auteur refuse toutefois de proposer la sélection naturelle (par exemple l’euthanasie ou la stérilisation forcée), invoquant notamment l’importance des valeurs humaines, et de la vie elle-même.
Le concept devait cela dit faire son chemin plus tard aux États-Unis, copiés par l’Allemagne nazie et sa barbarie sans nom : du fait du programme Aktion T4 et autres lois sur-mesure, le Troisième Reich en vint à euthanasier des enfants avec handicap, et procéder à leur stérilisation forcée. Des chiffres? Environ 400 000, entre 1933 et 1945.
Dans une entrevue à Oprah Winfrey, en 1988, Donald affirme: «Être chanceux, dans la vie, signifie être né avec les bons gênes.» Il ajoute plus tard «avoir un oncle, Dr. John Trump, ayant étudié au MIT et qui est devenu un super professeur. C’est donc dans mon sang, d’être brillant.»
Bien entendu.
En 2016, il lance : «j’ai toujours dit qu’être un gagnant fait partie de ma personne, intrinsèquement. C’est probablement un truc de gène […] Je suis fier d’avoir du sang allemand, pas de doute. Great stuff.»
À l’été 2020, en discutant avec son propre neveu, il balance, à propos du fils de celui-ci aux prises avec une maladie rare : «Peut-être devrais-tu tout simplement le laisser mourir.»
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En octobre dernier, en pleine campagne électorale, il accuse les immigrants d’avoir de mauvais gènes, ceci faisant en sorte que plusieurs d’entre eux auraient «tué à de nombreuses reprises, mais vivent aujourd’hui aux États-Unis. Vous savez, quand vous êtes un tueur, c’est dans vos gènes. Et nous avons beaucoup de mauvais gènes dans notre pays, en ce moment.»
La chasse aux mauvais gènes, donc.
Après Darwin, l’eugénisme, version Donald.
L’air est lourd, vicié. Un rendez-vous avec l’Histoire, celui que l’humanité aurait dû s’éviter. D’un pas lent, feutré et nerveux, j’entre doucement dans la salle du deuxième.
Derrière la première vitrine, à gauche, s’empilent les orthèses et autres béquilles. Des centaines, peut-être des milliers. Impossible, pour tout non-psychopathe, de ne pas se retrouver immédiatement transi.
La pratique Auschwitz, on le confirme sur place, ne laissait aucun doute quant à la survie, même temporaire, de quiconque présentant un handicap. Les premiers, sans surprise, à se retrouver gazés.
Empathie identique pour les autres qui, même sans handicap, ne purent éviter le chemin des fours crématoires. Leur délit? Présenter des gènes contraires à ceux envisagés par Hitler et la race arienne.
Après quelques heures d’atrocités, le visiteur a l’impression de marcher en pleine brume, d’avoir vu le surréel. De craindre la suite de l’Humanité. Si celle-ci a provoqué et laissé l’immonde se produire, à quand la réitération?
La recherche, en gros, de l’humain «parfait». Tuer ou interdire, au figuré ou au propre, la différence. Parce qu’elle serait, dit-on, gênante ou encombrante.
Curieux, quand même. Parce que pour l’ensemble de mes expériences et amitiés, je suis persuadé qu’il en va de la norme et non de l’exception – la différence émancipe, tisse la solidarité, propulse le genre humain. Pas l’inverse.
N’en déplaise aux Nazis, et à ceux qui, aujourd’hui, flirtent allègrement et sans complexe avec le concept de gènes supérieurs.
Peu importe leurs idées précises de la suite des choses, honte solidement à eux.
Parce que même sans camp de concentration, la seule dichotomie bons gènes/mauvais gènes suffit à faire régurgiter les fantômes de la bêtise sanguinaire.
Avant de sombrer à nouveau dans celle-ci, rappel de la sage Hannah Arendt : «l’eugénisme moderne n’est pas un rêve scientifique, mais un cauchemar politique.»
Et tout un, à part ça.
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