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Va-t-il démissionner ou va-t-il rester en tant que chef du parti conservateur?
Le Parti conservateur du Canada a fait quelques progrès lors des dernières élections fédérales, mais quelle est la prochaine étape pour le chef Pierre Poilievre, qui a perdu son siège lundi soir?
Un stratège conservateur, qui a qualifié ces élections d'«évidentes pour les livres d'histoire», affirme que l'ancien député de la circonscription d'Ottawa-Carleton retrouvera son siège à la Chambre des communes, mais que ce qui sera plus intéressant à observer, c'est la suite des événements.
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.
Jamie Ellerton a expliqué mardi matin à CTV News Channel, que M. Poilievre «trouvera un siège pour se présenter et revenir à la Chambre», après l'annonce de sa défaite dans la circonscription de Carleton face au libéral Bruce Fanjoy.
Traditionnellement, les chefs de parti sont censés occuper un siège à la Chambre ou en rechercher un «dès que possible», selon les usages de la Chambre des communes. Mais la définition de «dès que possible» a varié dans le passé.
Si le chef n'est pas membre du Parlement, le parti choisit généralement un membre qui agit à titre de chef du parti à la Chambre jusqu'à ce que le chef soit élu lors d'une élection partielle.
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Il existe des précédents à différents niveaux de la politique canadienne pour trouver une place aux chefs de parti sans siège, y compris ceux qui ont perdu dans leur circonscription mais ont remporté l'élection. On peut citer l'exemple des élections provinciales de 2013 en Colombie-Britannique, lorsque la chef du parti de l'époque, Christy Clark, a perdu son siège, mais que son parti libéral a remporté les élections. Dans ce cas, une circonscription est choisie, un élu se retire et une élection partielle est déclenchée afin de permettre au chef du parti de revenir au gouvernement – dans le cas de Mme Clark, à l'Assemblée législative provinciale.
Au niveau fédéral, Joe Clark a été élu chef du Parti progressiste-conservateur lorsque le chef précédent a démissionné en 1988, mais il n'avait pas de siège à l'époque. La députée Elsie Wayne a donc assumé la direction du parti jusqu'à l'élection de Clark lors d'une élection partielle près de deux ans plus tard. Une histoire similaire concerne l'ancien chef du NPD, Jack Layton, qui a pris la direction du parti en janvier 2003, mais n'est devenu député qu'à l'été 2004.
On ne sait pas encore si les conservateurs fédéraux ont en tête une circonscription où Poilievre pourrait se présenter pour redevenir député.
Le stratège Jamie Ellerton a fait remarquer que la ville d'Ottawa était devenue «résolument rouge», contrairement à la vallée d'Ottawa, plus bleue et plus rurale.
Pour Scott Reid, commentateur politique de CTV News et ancien directeur de la communication de l'ancien premier ministre libéral Paul Martin, il est clair que M. Poilievre n'a pas l'intention de démissionner.
Dans un discours concédant la victoire aux libéraux de Mark Carney, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a annoncé qu'il démissionnerait de son poste dès qu'un chef intérimaire serait nommé, mais M. Poilievre n'a fait aucune déclaration de ce genre dans son discours de concession.
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«Oui, il a perdu les élections, des élections que tout le monde pensait qu'il allait remporter haut la main il y a quelques mois à peine, mais qu'il ait été battu dans son propre fief ou non, Pierre Poilievre l'a clairement dit hier soir», a mentionné Scott Reid dans une entrevue sur CTV News Channel.
«[Pierre Poilievre] a l'intention de provoquer de nouvelles élections le plus rapidement possible, il se concentre sur sa mission, qui est, depuis son adolescence, "de se faire élire à titre de premier ministre", et cette mission se poursuit.»
Selon M. Reid, il y a peut-être certains membres du parti qui reprochaient à leur chef d'avoir laissé filer ce qu'il a qualifié d'«avance gigantesque de 26 points» et qui souhaitaient le voir partir. Mais, il pense qu'«ils parviendront à évincer cet homme, qui dispose, selon moi, d'une force suffisante au sein du caucus et du parti pour rester où il est».
Jamie Ellerton attribue la défaite de Poilievre dans sa circonscription à plusieurs facteurs, notamment «l'effondrement total du NPD, en particulier en Ontario, qui a conduit à des résultats étranges».
Pour lui, la «grande question» pour le parti à l'heure actuelle est de savoir quelle stratégie il adoptera lorsque les députés reprendront le travail.
«Je pense que tous les partis doivent vraiment examiner sérieusement (les résultats des élections) et ne pas tirer de conclusions hâtives», a soutenu M. Ellerton à CTV News.
«Si vous êtes conservateur en ce moment, je pense que vous devez prendre la température. Je ne pense pas que les Canadiens aient vraiment envie de retourner aux urnes très rapidement ; je pense qu'ils en ont assez de la politique en ce moment. Beaucoup de Canadiens étaient indécis et ont retenu leur souffle en votant libéral ou conservateur la semaine dernière, ce choix entre deux partis», a-t-il poursuivi.
Jamie Ellerton recommande au parti de se concentrer sur le soutien au gouvernement dans des mesures spécifiques, telles que les projets d'infrastructure, une initiative qui, selon lui, contribuerait à «renforcer la crédibilité du Parti conservateur aux yeux de ses détracteurs qui, franchement, ont voté libéral lors de la dernière campagne».
Deux anciens stratèges conservateurs ne s'attendent pas, pour l'heure, à ce que M. Poilievre fasse face à une grogne importante au sein des troupes conservatrices.
«Je ne sens pas des lendemains aussi difficiles qu'après 2019 et 2021», dit Marc-André Leclerc, ex-chef de cabinet d'Andrew Scheer quand il était à la tête du Parti conservateur. L'ancien stratège conservateur fait ainsi référence aux deux précédentes campagnes électorales, qui se sont toutes deux soldées par une victoire des libéraux.
M. Leclerc s'est remémoré, en entrevue avec La Presse Canadienne, avoir «vécu le rodéo» quand M. Scheer a mordu la poussière en 2019. «Le lendemain matin, je me suis rendu compte que ça allait être difficile pour M. Scheer de rester comme chef. Là, j'ai l'impression contraire», résume-t-il.
Yan Plante, qui a été conseiller auprès de l'ex-premier ministre conservateur Stephen Harper, est d'avis que M. Poilievre a un «argumentaire légitime» pour demeurer chef de sa formation politique.
Sous sa gouverne, les conservateurs ont recueilli un score historiquement élevé au niveau du vote populaire, obtenant 41,3 % des voix.
«M. Harper, son plus haut score, c'était 39,67 %. Oui, ça avait formé un gouvernement majoritaire parce que le vote de centre gauche avait été mieux divisé, disons dans la perspective conservatrice, entre les néo-démocrates et les libéraux», compare M. Plante.
Les troupes de M. Poilievre ont réussi à aller chercher plus de 20 sièges de plus que ceux qu'ils détenaient au moment du déclenchement de la campagne électorale, avec d'importants gains en Ontario. À l'élection de 2021, les conservateurs avaient obtenu 37 sièges en Ontario. Cette fois-ci, ils en obtiendront 53, selon les résultats préliminaires d'Élections Canada.
Les gains faits par les conservateurs lundi soir ne doivent toutefois pas empêcher la formation politique de faire un bilan afin de mieux performer à la prochaine élection, prévient M. Plante.
M. Poilievre semble prêt à cet exercice, puisqu'il a déclaré dans son discours prononcé dans la nuit de lundi à mardi que des leçons devraient être tirées.
«Le changement est difficile à faire arriver et ça prend du temps. Ça prend du travail et c'est pourquoi nous devons tirer les leçons de ce soir afin que nous puissions avoir d'encore meilleurs résultats la prochaine fois.»
Il s'est montré déterminé à continuer de se «battre» en vue d'entraîner un changement de gouvernement pour lequel bien des électeurs ont voté malgré la victoire des libéraux.
Or, toute défaite électorale vient avec des mécontents, note M. Plante. Pour tenter de «couper l'herbe sous le pied des gens qui pourraient vouloir s'organiser pour lui mettre de la pression», M. Poilievre ferait bien, selon l'ex-stratège, de se diriger vers un vote de confiance qui survienne assez rapidement.
Cela doit survenir au cours du prochain congrès du Parti conservateur. «Probablement que la logique stratégique pour M. Poilievre serait d'annoncer rapidement la date d'un congrès des membres, peut être dans un horizon de trois ou quatre mois», croit M. Plante.
M. Leclerc est du même avis. «Je pense que ce serait à l'avantage de M. Poilievre de déjà donner cette date, ce que M. (Erin) O’Toole n'avait pas fait. Ça lui avait joué un peu des tours», a-t-il dit en faisant référence au prédécesseur de l'actuel chef conservateur.
Quoi qu'il en soit, M. Poilievre devra, dans un premier temps, remédier au fait qu'il n'a pas de siège à la Chambre des communes. Il devra donc trouver une circonscription sûre pour les conservateurs où se présenter, après avoir mis de côté un candidat élu dans ses rangs.
Après le désistement du député conservateur désigné, une élection partielle devra être lancée.