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Une tendance qui peut avoir un impact négatif sur l’image corporelle et inciter à des comportements «violents pour le corps» pour perdre du poids, prévient une psychologue.
Vous souhaitez perdre 100 livres? Vous pouvez le faire en un clic au moyen du filtre «100 lbs down», populaire sur le réseau social Tik Tok. Une tendance qui peut avoir un impact négatif sur l’image corporelle et inciter à des comportements «violents pour le corps» pour perdre du poids, prévient une psychologue.
«J’ai besoin de commencer à aller au gym», a écrit en anglais une utilisatrice de Tik Tok, sous une publication ayant récolté 1,9 million de «j’aime» où elle utilise le filtre de perte de poids. Et elle n’est pas la seule à avoir participé à la tendance: des dizaines de vidéos de la sorte peuvent être visionnées sur le réseau social.
«À la base, ce que je pensais, c’est que c’était surtout des personnes plus grosses qui utilisaient ce filtre-là pour se projeter et essayer de comprendre, ou visualiser […] ce à quoi ils ressemblaient s’ils perdaient du poids», a affirmé Caroline Huard, mieux connue sous le nom de Loounie, autrice de livres de recettes véganes et animatrice du balado À plat ventre: la culture des diètes avec Loounie.
Mais plusieurs personnes minces utilisent aussi le filtre, au moyen d’une première application qui les grossit sur leurs photos. Puis, les utilisateurs y apposent le filtre de perte de poids pour créer une vidéo Tik Tok.
«Ça cause du tort, parce que ça vient encore une fois confirmer l’idée selon laquelle on est une meilleure personne, on est plus désirable, quand on a du poids en moins. Ça vient encore une fois soutenir qu’il y a une hiérarchie dans la forme de nos corps», a évoqué Caroline Huard. L’animatrice, aussi productrice de contenu, rappelle que l’insatisfaction corporelle se trouve à la base de la culture des diètes, mais aussi des troubles de conduite alimentaire.
Ce filtre préoccupe également la Dre Janick Coutu, une psychologue qui intervient notamment auprès des personnes ayant des troubles alimentaires.
«Je suis inquiète que ça motive des gens à avoir des comportements très violents pour le corps pour perdre ce poids-là. C’est aussi très grossophobe comme filtre, parce que le message sous-jacent, c’est qu’il faudrait perdre 100 livres pour être plus beau», a affirmé la psychologue.
Les filtres ont également un impact plus insidieux, que les patients de la professionnelle ne sont pas nécessairement en mesure de nommer.
«Ça amène des standards à atteindre qui sont complètement irréalistes, puisqu’ils sont filtrés, modifiés. Ce qu’on observe dans les études, c’est que même si les jeunes savent que les images sont modifiées, il reste que ça construit quand même une attente, un standard, qu’ils vont vouloir atteindre», a expliqué Mme Coutu.
Et certaines personnes peuvent même développer une dépendance aux filtres. «On observe aussi une déconnexion de l’apparence réelle. Donc si j’utilise constamment des filtres sur mes réseaux sociaux, je peux avoir de la difficulté avec mon image dans mon miroir. Je peux avoir l’impression que ce n’est pas nécessairement mon visage, que je préfère le visage que j’ai sur les réseaux sociaux», a évoqué la psychologue.
Tout comme au retour du temps des Fêtes, le printemps est un terreau fertile pour l’industrie des diètes. L’arrivée du beau temps et de la saison des maillots de bain engendre chez plusieurs personnes une réflexion sur leur poids.
«On est déjà dans une période fragile pour les gens qui ont des difficultés d’image corporelle, donc en plus de ça, marteler des idées de culture des diètes, de grossophobie, c’est effectivement très nocif», a évoqué Janick Coutu, en faisant référence au filtre de perte de poids sur Tik Tok.
Et c’est d’ailleurs du 1er au 6 mai que l’organisme ÉquiLibre tenait la Semaine sans diète.
«L’idée, c’est de comprendre qu’on n’a pas le plein contrôle sur notre poids. C’est pas vrai qu’on peut le modeler aussi facilement que ce qu’on voit avec un filtre, c’est très compliqué et multifactoriel ce qui détermine le poids d’une personne. Et en plus, il y a beaucoup de facteurs qui ne sont pas contrôlables, comme la génétique», a expliqué Andrée-Ann Dufour Bouchard, nutritionniste et cheffe de projets chez ÉquiLibre.
«La seule chose qu’on peut faire pour améliorer notre santé, c’est de changer graduellement nos habitudes de vie, et de s’assurer que ça devienne des choses qu’on aime faire, et qu’on peut maintenir à long terme, parce qu’on n’a pas de contrôle sur le poids. Ça, c’est quand même très ingrat, mais c’est comme ça dans la vie, dans la biologie de notre corps», a ajouté Mme Dufour Bouchard.
Pour Caroline Huard, il est important de ne pas baisser notre garde sur les réseaux sociaux, car même si le filtre «100 lbs down» commence à être dénoncé, un autre prendra inévitablement sa place.
«Je pense que c’est important d’avoir un "feed", de suivre des comptes qui présentent des corps les plus diversifiés possible, parce que notre œil va s’habituer, et on va comprendre un peu mieux c’est quoi la normalité, la normalité étant la diversité», a-t-elle souligné.