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Bernard Drainville «plante littéralement un couteau dans le dos du Parti Québécois».
Le gouvernement Legault manque de profondeur pour amorcer un long travail de pression et de négociation avec le fédéral sur les questions qu’il juge essentielles en matière de défense de la langue et de l’identité québécoise. Et qui voilà soudainement, tel un chat qui sort du sac? Bernard Drainville.
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En quelques semaines, le gouvernement Legault a essuyé plusieurs rebuffades des libéraux fédéraux. La plus humiliante, sans doute, c’est d’avoir vu le premier ministre refuser sa demande de pouvoirs supplémentaires en matière d’immigration en moins de 24 heures. Ce faisant, Trudeau a envoyé le message à tous les Québécois qu’il ne juge pas les demandes de François Legault valable ou légitime. Il peut se contenter de les balayer du revers de la main et il considère que sa désinvolture lui fera même marquer des points dans l’électorat.
Même chose avec la décision annoncée de Trudeau d’impliquer le gouvernement dans la poursuite intentée par des groupes en cour suprême contre la loi 21. À chacune de ces escarmouches, c’est lui-même qui a dû monter au front pour exprimer son indignation. Comme il aurait été stratégiquement payant d’envoyer Bernard Drainville ou Caroline Saint-Hilaire au front au lendemain de ces attaques de Trudeau. Mais à part ces deux recrues, qui d’autres aurait pu le faire?
Aucun de ses ministres n’a la capacité de faire valoir des menaces en prétendant parler au nom du peuple. Pas qu’ils soient mauvais ; mais ils sont trop jeunes et n’ont pas assez de cicatrices sur le corps — et ils n’ont pas l’habitude des longs combats.
Drainville a tout cela. Il a une réelle crainte sur la disparition du français et une crainte tout aussi tenace sur le rejet de la laïcité par une partie des immigrants. Ce n’est pas la crainte du jour ; ce n’est pas un coup de gueule à la sortie d’un congrès partisan. C’est une crainte affichée tout au long de son parcours. Par ailleurs, il croit dans la discussion et la pédagogie — comme ses années de radio l’ont démontré. Il est prêt à parcourir tout le Québec et toutes les tribunes médiatiques pour écouter les Québécois et pour faire valoir son point de vue. Finalement, il est prêt à rajuster son tir s’il vise mal. Il multipliera les tentatives de différents angles ; passera de la menace à la collaboration ; fera feu de tout bois ; proposera des alliances avec les autres partis.
Pour toutes ces raisons, il ne pourra pas être chassé du revers de la main comme porteur de la nouvelle du jour. Il sera là le lendemain ; avec les mêmes demandes, avec les mêmes exigences et la même insistance.
Il personnifie le dossier du nationalisme identitaire. Sa seule présence au conseil des ministres sera la preuve de l’engagement et de la pérennité des intentions de la CAQ en la matière.
Évidemment, ces qualités de persévérance, d’écoute et de pédagogie étaient celles de son ancien parti qui ne s’est jamais lassé de tenter de convaincre les Québécois de la nécessité du projet indépendantiste — et en attendant — de l’obtention de concessions par les fédéraux.
En prenant cette pôle et en l’amenant à la CAQ, il plante littéralement un couteau dans le dos du Parti Québécois.
Je ne pense pas qu’il ait pris cette décision de gaieté de cœur. Mais la possibilité de faire avancer son dossier avec un gouvernement déjà au pouvoir ; la possibilité de rejoindre le conseil des ministres ; la quasi-assurance de la victoire a dû peser dans la balance. Il aura finalement eu l’impression qu’il vaut mieux travailler pour le Québec que pour le Parti québécois.
La CAQ et Legault ont une seule chose à perdre, mais elle est énorme. L’absence de résultats, même avec un chien de garde comme Bernard Drainville, donnerait raison au Parti Québécois qui a toujours prétendu qu’il n’y a plus rien à attendre d’Ottawa. Un échec du couple Legault-Drainville dans quatre ans serait la preuve de l’impossibilité de réformer les lois québécoises sous le grand chapeau du Canada et permettra une poussée du Parti Québécois. Ou au contraire, les Québécois seront lassés de cette bataille sans issue et se tourneront vers les libéraux.
Une chose est certaine, ils se fatigueront d’un gouvernement qui aurait agité pendant quatre ans des craintes exacerbées sur l’assimilation, mais sans jamais arriver avec un résultat concret de la négociation avec le fédéral.