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«On a finalement réussi à faire parler de la Palestine à certaines de nos plus grandes vedettes québécoises.»
Hey! On a réussi.
On a finalement réussi à faire parler de la Palestine à certaines de nos plus grandes vedettes québécoises.
Ça aura pris presque huit mois (et 75 ans, n’est-ce pas), des vidéos d’enfants décapités et de gens brûlés vifs, mais on l’a eu!
Ou était-ce plutôt la fameuse story que vous avez sûrement vue des centaines de fois, une photo – qui s’est avérée être générée par l’intelligence artificielle – avec prise de vue aérienne d’un campement où les tentes forment les mots «All eyes on Rafah»?
Ta chanteuse pref’, ton influenceur favori, ton humoriste de prédilection, tout le monde est finalement sorti de sa torpeur et a sauté dans le train de l’activisme de réseaux sociaux déjà bien en marche. Le temps de cette story, du moins.
Au moment d’écrire ces lignes, elle avait été partagée des dizaines de millions de fois. Pour plusieurs, il s’agissait d’une toute première prise de parole sur le sujet.
Et ce n’est pas (exactement) ça le problème. Le souci, c’est: pourquoi juste maintenant? Et pourquoi une photo générée par l’intelligence artificielle, alors que nos fils d’actualités pullulent de vraies images que des photographes, des journalistes et de simples civils palestinien.ne.s se démènent à nous partager, jour après jour et au péril de leur vie, depuis des années?
Aux gens qui l’ont relayée mais qui soutiennent la cause publiquement depuis le début; le chapeau ne devrait pas vous faire. C’est le soutien performatif qui est dénoncé, le même que celui des personnes qui avaient partagé le célèbre carré noir en 2020 sans jamais véritablement soutenir le mouvement Black Lives Matter.
Alors aux gens qui l’ont partagée parce que c’était trendy et qui vont retomber dans un silence radio total dès que Rafah ne fera plus la une: vous pouvez faire mieux.
La journaliste de données Kiana Kazemi a dit: «Les choses que l’on partage sur Internet peuvent avoir une véritable valeur, mais lorsqu’on met notre solidarité sur le pilote automatique, nos gestes n’ont pas de réel impact.»
Je ne suis pas sociologue ou politologue. Je ne suis qu’une ancienne journaliste sportive québéco-tunisienne reconvertie en humoriste. Mais j’ai un cœur. Et une tribune.
Je me questionne beaucoup sur le rôle qu’on a comme artiste (et personnalité publique en général) quand on est en pleine crise humanitaire comme ça. Ce qu’on entend souvent, c’est: «Votre rôle, c’est de nous divertir!»
Vraiment? Quand comme spectateur.ice tu viens de subir une rupture ou que ton lave-vaisselle vient de te lâcher, peut-être. Mais quand «il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant que des actes de génocide contre les Palestiniens à Gaza a été atteint»? Car c’est bien ce qu’a conclu la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens dans son rapport déposé en mars devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU.
Notre rôle devrait être d’utiliser notre tribune, certes, mais pas simplement pour «détendre l’atmosphère». Plutôt pour amplifier les voix de celles et ceux qui n’en ont pas. Les personnalités publiques, on a une sapristi de tribune disproportionnée par rapport à notre pertinence parfois – surtout les humoristes – et c’est le temps de l’utiliser à bon escient.
Très peu de membres de notre star system – qui est composé majoritairement de personnes blanches – ont tendance à s’indigner publiquement des problématiques vécues par des groupes marginalisés alors qu’elles détiennent un si grand pouvoir d’influence positive et de conscientisation.
J’aimerais donc dire ceci, en toute bienveillance: oui, parfois, c’est dur de se mettre dans la peau des autres. C’est difficile de s’imaginer concrètement ce qu’un groupe auquel on n’appartient pas peut ressentir et donc d’agir en conséquence. Mais pourquoi attendre de comprendre à 100% ce que l’autre vit avant d’élever sa voix? Le savez-vous que... ça n’arrivera peut-être jamais? Vous ne pourriez pas juste... leur faire confiance?
La parole des personnes qui sont directement touchées devrait être suffisante. Elles ne devraient pas avoir à attendre que vous sentiez autant l’humiliation et l’invisibilisation qu’elles, ni que leur souffrance soit «à la mode», pour espérer un peu d’humanité.