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Un candidat conservateur du Québec a encensé dans une lettre le projet de loi libéral visant à augmenter le contrôle des armes à feu.
Le candidat conservateur du Québec qui a encensé dans une lettre le projet de loi libéral visant à augmenter le contrôle des armes à feu ne croyait pas un mot de ce qu'il écrivait et il est loin de tenir C-21 en haute estime, jure la campagne de Pierre Poilievre, dont tous les députés ont voté contre la pièce législative après s'y être farouchement opposés.
«M. (Jacques) Painchaud, à titre de président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec, était appelé à s'exprimer sur des enjeux reflétant la position de son organisation et non sa position personnelle», a indiqué Audrey Lepage, une porte-parole de M. Poilievre.
La Presse Canadienne a sollicité une entrevue auprès de Jacques Painchaud au sujet de C-21, mais le Parti conservateur du Canada – qui avait pourtant promis de mener une campagne parmi les «plus (...) transparentes de l'histoire récente» – a annoncé que son candidat ne répondrait pas aux questions.
La porte-parole conservatrice a néanmoins affirmé que leur candidat dans la circonscription de Compton—Stanstead, en Estrie, «est en accord» avec la promesse conservatrice d'abolir la loi.
M. Painchaud croit en fait, dit-elle, que la loi C-21 «manque de clarté, risque de pénaliser des citoyens respectueux de la loi, détourne les ressources policières des véritables priorités et n’apporte pas de solution efficace au fait que les crimes violents impliquant des armes à feu sont commis avec des armes obtenues illégalement, souvent issues du trafic ou du crime organisé».
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M. Painchaud avait pourtant pris la plume en mars 2023 pour signer de sa main une lettre où il affirme que C-21 est «nécessaire, souhaitable et dans l'intérêt supérieur de l'ensemble des citoyens canadiens».
«Nous vous encourageons donc à aller de l'avant avec ce projet de loi dans les meilleurs délais», tranchait-il dans la missive qu'il adressait à Marco Mendicino, le ministre fédéral de la Sécurité publique qui pilotait le projet de loi.
Dans sa lettre, M. Painchaud notait que l'association qu'il présidait, soit le syndicat des 5800 policiers de la Sûreté du Québec, appuie «sans équivoque» les intentions du gouvernement libéral d'interdire les armes de style d'assaut tout en protégeant celles qui servent «raisonnablement» à la chasse.
Il soulignait au passage la «satisfaction» de son organisation que le gouvernement Trudeau maintienne son intention de rendre prohibées toutes les armes de type militaire.
M. Painchaud, qui, semble-t-il, avalait la couleuvre, y allait même d'un conseil. Le «défi» des libéraux était selon lui de bien définir les armes interdites, puisque «des groupes proarme» pourraient «profiter de la confusion» afin de «désinformer» la population et «saboter» le projet de loi.
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Et le chef syndical serait allé encore plus loin dans la législation. «Nous croyons qu'une véritable interdiction des armes d'assaut doit nécessairement inclure une prohibition des chargeurs à grande capacité. Nous vous encourageons donc à modifier le règlement en ce sens dès que possible», poursuivait-il.
Cette proposition correspond à une promesse actuelle des libéraux de Mark Carney. M. Trudeau avait pris le même engagement en 2021, mais son gouvernement minoritaire n'a pas agi à cet effet.
Au moment où M. Painchaud signait la lettre, les libéraux venaient de reculer devant le tollé suscité par la liste de 300 pages d'armes qu'ils tentaient de proscrire à travers le projet de loi. Cela visait à enchâsser l'interdiction dans la législation – plutôt que dans un simple décret – de sorte qu'elle ne puisse pas être facilement balayée par un éventuel gouvernement conservateur.
Le retrait des amendements controversés n'avait pas convaincu les conservateurs qui jugeaient que les droits des chasseurs et des tireurs sportifs continuaient d'être brimés. Le projet de loi avait finalement été adopté avec l'appui des bloquistes et des néo-démocrates.
Outre l'interdiction de futures armes de style d'assaut selon une définition large, C-21 renforce le gel (les restrictions) sur les armes de poing et définit des protocoles qui permettent à quiconque de demander à un tribunal de confisquer des armes à feu ou de suspendre le permis de leur titulaire, des mesures qui visaient à lutter contre la violence conjugale.
Dans leur «énoncé politique», les conservateurs précisent qu'ils reconnaissent «la légitimité de la possession privée d’armes à feu» et s'engagent à ne pas priver les citoyens canadiens des armes qu'ils détiennent légalement.
Bien que M. Poilievre n'ait pas dévoilé sa plateforme électorale, il a répété à maintes reprises, y compris en janvier dans une entrevue avec celui qui est de facto le principal porte-parole du lobby des armes au Québec, Guy Morin, qu'il compte «protéger les chasseurs et les tireurs sportifs en abrogeant C-21».
M. Poilievre affirme aussi qu'il abrogerait C-71, qui resserrait les vérifications lors de la vente des fusils et carabines.
«Je veux protéger les Canadiens des criminels. Justin Trudeau et Mark Carney veulent protéger les dindes des chasseurs», a-t-il résumé à la blague le mois dernier lors d'un rassemblement de campagne à Sudbury, en Ontario.
L'an dernier, dans le balado «Ballistically Speaking» (Balistiquement parlant), le directeur régional pour l'Ontario de l'Association nationale des armes à feu, Rick Igercich, a raconté avoir eu trois réunions avec M. Poilievre et qu'il a «une bonne intuition à propos de ce type».
«Il reste campé sur ses positions, ce qui est énorme, parce qu’il ne tergiverse sur rien, et il m’a assuré qu’il allait apporter des changements majeurs à la Loi sur les armes à feu, au Code criminel, et qu’il allait demander à des gens comme moi et vous de le conseiller à ce sujet au lieu d’un groupe d’avocats et de bureaucrates qui ne connaissent rien aux armes à feu», a-t-il dit.
Depuis l'adoption du projet de loi C-21 par la Chambre des communes en mai 2023, le gouvernement libéral a élargi, peu avant la campagne électorale, la liste des armes prohibées qu'il considère comme trop dangereuses pour être utilisées par les chasseurs ou les tireurs sportifs.
Des organismes luttant pour le contrôle des armes à feu avaient salué «l'interdiction quasi totale des armes de style d'assaut» et appelé Ottawa à les retirer de la circulation en étendant son programme de rachat aux particuliers.
Le lobby des armes ne l'entendait pas ainsi. Selon la Coalition canadienne pour le droit aux armes à feu, la plus récente annonce fédérale était «trompeuse et mensongère».
Jacques Painchaud n'est pas le premier policier à changer son fusil d'épaule après avoir joint les rangs conservateurs. L'un de ses prédécesseurs à la présidence du même syndicat policier, Jean-Guy Dagenais, militait pour le maintien du registre des armes à feu jusqu'à ce qu'il soit candidat conservateur, puis nommé au Sénat par Stephen Harper, a signalé à La Presse Canadienne le groupe PolySeSouvient.