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«C’est un bon gars et je l’aime bien, mais nous sommes très, très stressés sur le plan économique.»
Justin Trudeau a entamé chacun de ses trois mandats de premier ministre de la même manière: il s’est rendu à la station de métro Jarry de Montréal le lendemain des élections pour remercier personnellement les résidants de sa circonscription de leur soutien.
La circonscription multiethnique de Papineau s’étend sur plusieurs quartiers de Montréal. Elle est remplie d’immeubles d’appartements, de rangées de multiplexes avec des escaliers métalliques en colimaçon et de zones commerciales avec des magasins familiaux et des restaurants servant des plats du monde entier.
Cette circonscription densément peuplée et diversifiée vote pour Justin Trudeau depuis 2008, souvent de manière retentissante. Mais lundi, peu après qu’il a annoncé qu’il quitterait ses fonctions de chef libéral et de premier ministre, les gens dans les magasins et les rues de Papineau ont exprimé des sentiments mitigés à l’égard de son leadership, plusieurs d’entre eux soutenant sa décision de démissionner.
Faisal Amin, propriétaire d’un magasin de fruits et légumes sur la rue Hutchison, a déclaré qu’il était un grand admirateur de M. Trudeau sur le plan personnel, mais qu’il pensait qu’il était temps pour lui de partir.
«C’est un bon gars et je l’aime bien, mais nous sommes très, très stressés sur le plan économique», a expliqué M. Amin, qui a rencontré le premier ministre lors d’un défilé de la communauté grecque dans la circonscription, il y a quatre ans. «Dans cette situation, je pense qu’il est préférable de démissionner et de donner à (...) quelqu'un d’autre (une chance) de réussir.»
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Le commerçant a ajouté qu'il y avait trop d'immigrants pour trop peu d'emplois et que les gens étaient déprimés, surtout depuis la COVID-19. «Nous ne pouvons pas dire que c'est entièrement de sa faute, mais il est temps», a-t-il dit.
Confronté à des sondages désastreux et à une pression croissante au sein de son propre caucus, Justin Trudeau a annoncé lundi qu'il démissionnerait de son poste de chef libéral et de premier ministre dès qu'un nouveau chef du parti serait choisi. Il a déclaré avoir rencontré la gouverneure générale, Mary Simon, qui a accepté sa demande de prorogation du Parlement jusqu'au 24 mars.
Plusieurs personnes qui ont parlé à La Presse Canadienne lundi dans la circonscription de Papineau ont déclaré qu'elles aimaient bien M. Trudeau - ou que cela avait déjà été le cas - mais qu'elles estimaient qu'il n'avait d'autre choix que de démissionner étant donné sa perte de soutien. Certains ont critiqué sa gestion de l'économie et - même dans une circonscription où beaucoup sont nés à l'extérieur du Canada - ont soutenu qu'il avait perdu le contrôle de l'immigration.
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Éric Tremblay, qui s'est arrêté pour discuter en entrant dans une épicerie, a confié qu'il était attristé par cette démission et par la façon dont elle s'est produite. Il a estimé que M. Trudeau avait été un bon premier ministre, dans l'ensemble. «Il a été pratiquement mis à la porte, a pointé M. Tremblay. C'est triste pour n'importe quel chef.»
Au sein d'un groupe de quatre amis réunis devant un Tim Hortons sur le boulevard Jean-Talon, les avis étaient partagés. Victor Pham a proclamé que Justin Trudeau était «toujours le meilleur au Canada», le félicitant d'avoir augmenté l'aide financière aux gens, en particulier aux familles avec de jeunes enfants. L'un de ses compagnons a cependant déploré que les politiques d'immigration du premier ministre avaient fait grimper les loyers, ajoutant qu'il avait précédemment voté libéral, mais qu'il prévoyait appuyer les conservateurs de Pierre Poilievre aux prochaines élections.
Dans un parc à chiens du parc Jarry, Isabelle Chicoine raconte qu’elle avait voté pour M. Trudeau dans le passé, mais qu’il n'avait plus le choix. «J'ai comme l'impression qu'il n'y avait pas de ligne de claire, indique-t-elle. Et l'histoire avec Chrystia Freeland a beaucoup diminué la confiance (des gens).» Chrystia Freeland, qui était ministre des Finances et vice-première ministre, a démissionné le mois dernier.
Mais Lana Hammo, une autre visiteuse du parc à chiens, a affirmé que les Canadiens méritaient mieux que ce qu'ils ont vécu sous Trudeau. Elle a déclaré qu'elle et son mari envisagent de quitter le pays en raison de plusieurs facteurs, notamment la hausse du coût de la vie et le mauvais état des services, comme les soins de santé.
Par rapport à son arrivée en 2009, le Canada n'offre plus un bon rapport qualité-prix aux travailleurs pour les impôts qu'ils paient, a-t-elle assuré, ajoutant que «peut-être que le prochain premier ministre servira mieux les Canadiens, comme ils le méritent vraiment».
À l'entrée du métro Jarry, où Justin Trudeau saluait autrefois une foule en délire qui réclamait des égoportraits, il n'y avait qu'un homme d'un certain âge, bien habillé, qui tenait une tasse et demandait de la monnaie aux gens qui prenaient les escaliers roulants. Cet homme, qui a donné pour seul nom Richard, a déclaré qu'il avait déjà été refoulé par le bureau de circonscription du premier ministre alors qu'il était allé demander de l'aide.
«Je suis content qu'il parte, car le bateau coule», a-t-il déclaré à propos de M. Trudeau, ajoutant qu'il voterait pour le Bloc québécois, comme il l'avait fait lors des élections précédentes.