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International

L'administration Trump expulse des centaines d'immigrants malgré l'ordre d'un juge

L'administration Trump a transféré des centaines d'immigrants au Salvador, malgré l'ordonnance d'un juge fédéral.

Sur cette photo fournie par le service de presse présidentiel du Salvador, un gardien de prison transfère des personnes expulsées des États-Unis, soupçonnées d'appartenir à un gang vénézuélien, au centre de détention pour terroristes de Tecoluca, au Salvador, le dimanche 16 mars 2025.
Sur cette photo fournie par le service de presse présidentiel du Salvador, un gardien de prison transfère des personnes expulsées des États-Unis, soupçonnées d'appartenir à un gang vénézuélien, au centre de détention pour terroristes de Tecoluca, au Salvador, le dimanche 16 mars 2025.
/ Associated Press

L'administration Trump a transféré des centaines d'immigrants au Salvador, malgré l'ordonnance d'un juge fédéral interdisant temporairement les expulsions en vertu d'une déclaration de guerre du XVIIIe siècle visant les membres de gangs vénézuéliens, ont indiqué des responsables dimanche. Des vols étaient en cours au moment de la décision.

Le juge de district américain James E. Boasberg a rendu samedi une ordonnance bloquant les expulsions, mais des avocats lui ont indiqué que deux avions transportant des immigrants étaient déjà en vol: l'un à destination du Salvador, l'autre à destination du Honduras. Le juge Boasberg a ordonné verbalement que les avions fassent demi-tour, mais ils ne l'ont apparemment pas fait et il n'a pas inclus cette directive dans son ordonnance écrite.

Dans un document déposé dimanche, le ministère de la Justice, qui a fait appel de la décision du juge Boasberg, a déclaré que les immigrants «avaient déjà été expulsés du territoire américain» lorsque l'ordonnance écrite a été émise à 19 h 26.

Les alliés de Trump se sont réjouis de ces résultats.

«Oups… Trop tard», a écrit sur X le président salvadorien, Nayib Bukele, qui a accepté d'héberger environ 300 immigrants pendant un an dans les prisons de son pays pour un coût de 6 millions $ US. Ce message a été relayé par le directeur de la communication de la Maison-Blanche, Steven Cheung.

Le secrétaire d'État, Marco Rubio, qui avait négocié un accord antérieur avec le président Bukele pour l'hébergement des immigrants, a publié sur le site : «Nous avons envoyé plus de 250 ennemis étrangers membres du Tren de Aragua, que le Salvador a accepté de détenir dans ses excellentes prisons à un prix équitable, ce qui permettra également d'économiser l'argent des contribuables.»

Steve Vladeck, professeur au Centre de droit de l'Université de Georgetown, a indiqué que l'ordre verbal du juge Boasberg de refouler les avions ne faisait pas techniquement partie de son ordre final, mais que l'administration Trump en avait clairement violé l'«esprit».

«Cela ne fait qu'inciter les futurs tribunaux à être extrêmement précis dans leurs ordonnances et à ne laisser aucune marge de manœuvre au gouvernement», a expliqué M. Vladeck.

Une loi peu invoquée

Les immigrants ont été expulsés après la promulgation par Donald Trump de l'Alien Enemies Act de 1798, qui n'a été invoquée que trois fois dans l'histoire des États-Unis.

Cette loi, invoquée pendant la guerre de 1812 et les deux guerres mondiales, oblige le président à déclarer les États-Unis en état de guerre, ce qui lui confère des pouvoirs extraordinaires pour détenir ou expulser des étrangers qui, autrement, bénéficieraient de la protection des lois sur l'immigration ou pénales. Elle a été invoquée pour la dernière fois pour justifier la détention de civils nippo-américains pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un porte-parole du ministère de la Justice a fait référence dimanche à une déclaration antérieure de la procureure générale, Pam Bondi, fustigeant la décision du juge Boasberg, sans toutefois répondre immédiatement aux questions sur le non-respect par l'administration de l'ordonnance de la Cour.

Le Tren de Aragua est né dans une prison tristement célèbre de l'État central d'Aragua et a accompagné l'exode de millions de Vénézuéliens, dont l'écrasante majorité cherchait de meilleures conditions de vie après la crise économique de leur pays au cours de la dernière décennie. Donald Trump s'est emparé du gang pendant sa campagne pour dresser un portrait trompeur de communautés qu'il accusait d'être «prises» par une poignée de hors-la-loi.

L'administration Trump n'a pas identifié les immigrants expulsés ni fourni de preuve de leur appartenance au Tren de Aragua ni de leur implication dans des crimes aux États-Unis. Elle a également envoyé au Salvador deux membres importants du gang salvadorien MS-13, qui avaient été arrêtés aux États-Unis.

Une vidéo diffusée dimanche par le gouvernement salvadorien montre des hommes sortant d'avions sur le tarmac d'un aéroport bordé d'agents en tenue antiémeute. Les hommes, les mains et les chevilles entravées, peinaient à marcher tandis que les agents leur forçaient à se baisser la tête.

La vidéo montre également les hommes transportés vers la prison dans un important convoi de bus, surveillé par des véhicules de police et de l'armée, ainsi que par au moins un hélicoptère. Les hommes sont agenouillés au sol, la tête rasée, puis revêtus de l'uniforme blanc de la prison et placés en cellule.

Les immigrants ont été conduits au tristement célèbre centre CECOT, pièce maîtresse de la campagne de M. Bukele pour pacifier son pays autrefois ravagé par la violence, par des mesures policières sévères et des restrictions aux droits fondamentaux.

Des poursuites intentées

L'administration Trump a souligné que le président avait signé vendredi soir la proclamation affirmant que le Tren de Aragua envahissait les États-Unis, mais ne l'a annoncée que samedi après-midi. Des avocats spécialisés en droit de l'immigration ont déclaré avoir constaté, vendredi soir, que des Vénézuéliens, qui autrement ne pouvaient pas être expulsés en vertu de la loi sur l'immigration, étaient transférés au Texas pour des vols d'expulsion. Ils ont alors intenté des poursuites pour faire cesser ces transferts.

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«En pratique, tout citoyen vénézuélien aux États-Unis peut être expulsé sous prétexte d'appartenir au Tren de Aragua, sans aucune possibilité de défense», a averti Adam Isacson, du Bureau de Washington pour l'Amérique latine, une organisation de défense des droits humains, sur X.

La procédure judiciaire ayant conduit à la suspension des expulsions a été engagée au nom de cinq Vénézuéliens détenus au Texas. Selon leurs avocats, ils craignaient d'être faussement accusés d'appartenir au gang. Une fois la loi invoquée, ont-ils averti, Trump pourrait simplement déclarer n'importe qui membre du Tren de Aragua et l'expulser du pays.

Le juge Boasberg a interdit l'expulsion de ces Vénézuéliens samedi matin, lors du dépôt de la plainte, mais n'a étendu cette interdiction à toutes les personnes en détention fédérale susceptibles d'être visées par la loi qu'après son audience de l'après-midi. Il a souligné que cette loi n'avait jamais été utilisée auparavant en dehors d'une guerre déclarée par le Congrès et que les plaignants pourraient faire valoir avec succès que Donald Trump a outrepassé ses pouvoirs légaux en l'invoquant.

L'interdiction des expulsions est valable jusqu'à 14 jours et les immigrants resteront en détention fédérale pendant cette période. Le juge Boasberg a prévu une audience vendredi pour entendre des arguments supplémentaires dans cette affaire.

Il a déclaré qu'il devait agir, car les immigrants dont l'expulsion pourrait violer la Constitution américaine méritaient d'avoir la possibilité de faire entendre leurs arguments devant un tribunal.