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Économie

Des entreprises modifient leurs étiquettes pour attirer les consommateurs canadiens

«Nous n'avons pas le choix.»

Une cliente parcourt les rayons d'une épicerie Metro à Toronto, le vendredi 2 février 2024.
Une cliente parcourt les rayons d'une épicerie Metro à Toronto, le vendredi 2 février 2024.
Rosa Saba
Rosa Saba / La Presse canadienne

Alors que les Canadiens écument les rayons des épiceries à la recherche de produits canadiens en pleine guerre commerciale avec les États-Unis, certaines entreprises modifient leurs emballages pour mettre en valeur leurs origines locales.

Crosby Foods en fait partie. Cette entreprise néo-brunswickoise, qui vend de la mélasse et d'autres produits et emploie un peu moins de 100 personnes, a été fondée en 1879 par l'arrière-arrière-grand-père de son actuel président, James Crosby.

L'entreprise canadienne emballe sa mélasse ici, où elle subit également une certaine transformation.

La compagnie ne peut toutefois pas afficher la mention «Fabriqué au Canada» ou «Produit du Canada», que de nombreux fabricants, américains et internationaux, peuvent utiliser.

«Nous n'avons pas le choix, car notre mélasse de qualité supérieure, la mélasse de première qualité que nous importons, est un produit direct de la canne à sucre, a expliqué James Crosby. Et nous ne pouvons pas cultiver de la canne à sucre au Canada.»

L'entreprise modifie plutôt ses emballages pour mieux attirer l'attention des consommateurs patriotes.

Le dos des emballages de Crosby Foods arbore maintenant un emblème déclarant l'entreprise «Fièrement Canadienne» et indiquant son année de fondation. Cet emblème sera bientôt placé sur le devant.

Il faudra cependant quelques mois avant que les nouveaux emballages n'apparaissent sur les tablettes des magasins, a indiqué M. Crosby, car l'entreprise conserve généralement des emballages pour plusieurs mois.

Mais il estime que l'investissement en vaudra la peine.

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«Je ne pense pas que les consommateurs pardonneront facilement à Donald Trump, a déclaré M. Crosby. Je pense qu'il a vraiment touché une corde sensible chez les Canadiens.»

Les consommateurs examinent les étiquettes des produits beaucoup plus attentivement qu'auparavant, et cela se voit: les épiciers constatent une baisse des ventes de produits américains tandis que celles de produits canadiens augmentent.

«C'est de loin le changement le plus radical et le plus rapide que j'ai observé dans le comportement des consommateurs», a souligné Peter Chapman, fondateur du cabinet de conseil SKUFood et ancien cadre de Loblaw.

Là pour durer

Les fabricants et les épiciers réagissent aussi rapidement, a ajouté le spécialiste. Étant donné que les changements d'étiquettes ou de fournisseurs peuvent prendre des mois, le fait que les entreprises procèdent à ces changements montre qu'elles pensent que la tendance à acheter canadien est là pour durer.

Les consommateurs étant plus attentifs, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) indique qu'elle reçoit davantage de plaintes concernant les allégations d'origine sur les étiquettes des aliments ou dans les publicités.

Selon l'ACIA, les produits alimentaires peuvent être étiquetés «produit du Canada» lorsque la totalité ou la quasi-totalité des principaux ingrédients, de la transformation et de la main-d'œuvre qui les composent sont canadiens. Les faibles quantités d'ingrédients qui ne sont pas produits ou cultivés au Canada, comme les épices, le sucre de canne ou les vitamines, ne sont pas prises en compte, tout comme les matériaux d'emballage.

La mention «Fabriqué au Canada» peut être utilisée lorsque la dernière «transformation substantielle» du produit a eu lieu au Canada, même si certains ingrédients proviennent d'ailleurs. Les entreprises doivent également inclure une mention expliquant si le produit est fabriqué à partir d'ingrédients importés ou d'une combinaison d'ingrédients importés et nationaux.

Certaines marques, comme Nature's Path, ajoutent ou rendent ces mentions plus visibles sur leurs emballages. L'entreprise ajoute des étiquettes sur le devant des emballages de produits fabriqués au Canada, notamment ses croustilles de maïs Que Pasa, a mentionné sa porte-parole, Angie Sell.

Produits Kruger, établi à Montréal et fabricant de marques bien connues comme Cashmere, Purex et Scotties, affichait déjà la mention «Fabriqué au Canada» sur le devant de ses emballages. Afin de tenir compte des attentes des consommateurs en matière de recherche sur les tablettes des épiceries, l'emblème a été agrandi sur certains produits, a expliqué Susan Irving, directrice du marketing chez Kruger.

«Je ne pense pas que ce soit un feu de paille, a indiqué Mme Irving. Je pense que la tendance s'est accentuée actuellement, mais, compte tenu du sentiment des consommateurs et de ce que nous constatons, je pense que c'est un élément qui continuera d'être important.»

Les entreprises utilisent également diverses expressions pour montrer aux consommateurs leurs racines.

L'entreprise Aliments Maple Leaf appose des autocollants «Fièrement canadien» sur certains de ses produits de volaille, selon Charlene Magnaye, porte-parole de l'entreprise. Elle met également à jour certaines étiquettes afin de préciser la provenance de certains produits au pays, par exemple en remplaçant «élevé dans des fermes canadiennes» par «élevé dans des fermes de l'Ouest canadien».

Peter Chapman a également été frappé par la rapidité avec laquelle les entreprises ont lancé des campagnes de marketing patriotiques.

L'une d'elles l'a particulièrement marqué: «Look for the Leaf» («Cherchez la feuille»), lancée par Maple Leaf en partenariat avec d'autres marques canadiennes, dont Dare Foods, Gay Lea, Chapman’s, Neal Brothers et Summer Fresh. M. Chapman a précisé que le caractère coopératif du programme était quelque chose que «nous n’aurions jamais pensé il y a cinq mois».

Les épiciers ont aussi rapidement ajouté une signalisation supplémentaire pour aider les consommateurs à identifier les produits canadiens.

Pas toujours simple de s'y retrouver

Dans cette optique, les fabricants tiennent à s'assurer que leurs produits sont correctement étiquetés. M. Crosby fait appel à des courtiers commerciaux qui vérifient les magasins pour son compte afin de s'assurer que les produits de l'entreprise sont inclus dans toute image de marque canadienne.

«Les entreprises doivent se défendre elles-mêmes pour s'assurer que tout est bien affiché, a avancé M. Chapman. Il s'agit d'examiner les rayons, mais aussi les produits en ligne.»

James Crosby comprend pourquoi les consommateurs peuvent être désorientés ou frustrés lorsqu'ils réalisent qu'acheter au Canada n'est pas une évidence.

Après tout, son entreprise a été fondée il y a près de 150 ans au Canada. Elle ne peut toutefois pas affirmer que ses produits sont fabriqués ici. Pourtant, Kraft Heinz, dont le siège social est à Chicago, dans l'Illinois, fabrique du beurre d'arachide Kraft, du ketchup Heinz, du fromage à la crème Philadelphia et de nombreux autres produits au Canada. 

L'entreprise a récemment diffusé une publicité mettant en vedette son usine de Montréal et a annoncé qu'elle rafraîchissait certains de ses emballages afin de mieux refléter l'identité canadienne de produits, comme le fromage à la crème Philadelphia.

M. Crosby estime que les consommateurs devraient soutenir non seulement les entreprises canadiennes comme la sienne, mais aussi les produits fabriqués ici, même si le propriétaire n'est pas canadien, «qu'il s'agisse de Crosby, de Kraft Heinz ou de Coca-Cola».

«Ce sont toutes des entreprises qui investissent dans notre pays. Elles emploient des Canadiens. Et si nous cessons soudainement d'acheter des produits fabriqués au Canada, des gens se retrouveront sans emploi, a rappelé M. Crosby. C'est la dernière chose que nous souhaitons.»

Rosa Saba
Rosa Saba / La Presse canadienne