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Parmi les milliers d’adolescentes et de femmes qui choisissent de partager leur histoire, on retrouve plusieurs Québécoises
Même si la violence conjugale est moins discutée chez les jeunes que chez les adultes, plus du quart des adolescents québécois ont déjà subi ou infligé de la violence dans le cadre d’une relation amoureuse. Sur TikTok, des jeunes femmes choisissent de briser le silence et de dénoncer ce qu’elles ont vécu.
Né aux États-Unis dans le cadre du mois national de prévention de la violence conjugale, le mot-clic #domesticabuseawareness compte près de 5 milliards de vues sur TikTok. Parmi les milliers d’adolescentes et de femmes qui choisissent de partager leur histoire, on retrouve plusieurs Québécoises, dont Roseline* (nom fictif).
Roseline* avait 16 ans lorsqu’elle a rencontré son ex-copain sur les réseaux sociaux. «Au début, c’était une lune de miel, un conte de fées, juste qu’à ce qu’il emménage chez moi», se remémore-t-elle. «Il a commencé à me traiter de nom, en texto ou le soir dans ma chambre.»
La violence conjugale n’est pas seulement physique. Elle peut se présenter sous différentes formes comme la violence psychologique, verbale, économique, physique, sexuelle et même spirituelle.
Même le personnel de la santé doit être mieux sensibilisé à la violence intime chez les jeunes, croit Roseline, qui raconte s’être fait dire qu’elle était «bien trop jeune pour avoir vécu autant d’affaires», quand elle a raconté son histoire à un docteur et une technicienne en éducation spécialisé.
«Chez les jeunes, on en parle moins ou on la voit moins parce qu’ils n’habitent pas ensemble. Elle va se produire en cachette à l’école, en texto ou même chez les parents, mais très subtilement», explique la présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Annick Brazeau.
Pourtant, en 2021, au Québec, les 18-24 ans étaient le troisième groupe d’âge le plus susceptible de subir de la violence conjugale, après les 25-29 ans et les 30-39 ans. Une donnée qui n’englobe toutefois que les cas où l’infraction a été signalée à la police.
«Je l’aimais tellement aussi. Je ne comprenais pas comment quelqu’un qui était aussi gentil, avant, pouvait me dire ça.»
Quatre mois après le début de la relation, Roseline est devenue isolée et anxieuse. Son chum l’avait convaincue que ses amies complotaient dans son dos. Les messages de manipulations qu’il lui envoyait régulièrement par texto, jouait sur sa santé mentale.
«J’ai perdu un emploi à cette époque-là. Entre autres, parce que mon ex attendait que j’aille travailler pour me texter qu’il allait voir d’autres filles ou pour m’insulter.»
«Un signe à surveiller, à cet âge-là, c’est le comportement avec les amis», avertit Annick Brazeau
«Une adolescente qui commence à moins voir ses amis, à toujours texter son chum quand elle est avec eux, à lâcher ses activités extrascolaires pour être avec son chum, ça doit sonner une cloche», insiste-t-elle.
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«Tu restes figée la première fois que tu te fais frapper. Ça surprend», confie Roseline.
«Toutes les autres filles qui ont vécu de la violence conjugale avec qui j’ai discuté m’ont dit avoir vécu la même chose que moi: ton corps est tellement sous le choc qu’il ne réagit pas», raconte la jeune femme.
La première fois qu’elle a été victime de violence physique, Roseline affirme avoir reçu une claque dans le visage pendant qu’elle écoutait un film avec son ancien copain. Rapidement, elle raconte que les claques se sont multipliées, tous comme les ecchymoses sur ses bras serrés trop fort.
«Un matin il m’a pris et m'a lancé par terre pour me réveiller», raconte-t-elle. «Quand tu es dedans c’est difficile de quitter. J’ai déjà dit à ma mère que je préférais être avec lui et être maltraitée que d’être seule.» Après sept mois de relation, Roseline s’en est sortie.
«Il ne faut pas bousculer la personne que l’on souhaite aider à sortir de la violence conjugale. Il faut plus poser des questions, être là pour elle, lui permettre de se confier», conseille Annick Brazeau.
Deux ans plus tard, les séquelles sont encore bien présentes pour Roseline.
Elle affirme avoir gardé une bosse derrière la tête du jour où son ex, venu lui rendre ses affaires, s'en est pris à elle. Les séquelles psychologiques sont aussi importantes, bien qu’invisibles. «Avec mon copain actuel, j’ai eu de la difficulté à établir une relation saine et simple. Tu ne penses pas que tu mérites quelque chose de bon après avoir vécu ça. Ton corps devient en manque de l’adrénaline que tu vivais dans la relation toxique et tu veux le recréer, mais tu le sais que c’est pas sain. C’est troublant», explique-t-elle.
Roseline rêve du jour où l’amour, les relations saines et la violence conjugale seront enseignées à l’école. «Les gens pensent encore que t’en que ton chum ne te frappe pas, ce n’est pas de l’abus. Ce n’est pas vrai. Je le sais et c’est pour ça que j’en parle. Pour aider les autres.»
Pour Annick Brazeau, du Regroupement des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, la question de la violence intime chez les jeunes mériterait davantage d’attention. «Il faut savoir ce qu’elles vivent, [connaître] leur réalité et leurs besoins, pour ensuite mieux les aider», insiste-t-elle.