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Une étude menée par l’université McGill met en évidence des messages cruciaux que les parents de couleur doivent transmettre à leurs enfants afin de les préparer à la discrimination et aux préjugés.
Le Pr Keita Christophe est l’auteur principal de l’article décrivant l’étude, récemment publié dans la revue «Developmental Psychology». Le professeur adjoint de psychologie à l'Université McGill explique que la socialisation ethnique et raciale est un processus très important qui consiste en un ensemble de conversation que les parents issus de groupes ethniques minoritaires doivent avoir avec leurs enfants.
Il s’agit de préparer les enfants de couleur, les enfants racialisés à l'existence de certaines inégalités sociales pour leur faire prendre conscience que la discrimination existe et qu'ils peuvent en faire l'expérience. « Il faut savoir être prêt s'ils sont personnellement discriminés», souligne le professeur.
Pour cette étude, le Pr Christophe et son équipe ont sondé environ 600 familles américaines appartenant aux groupes noirs, latino-américains et asiatiques, puis un système d’algorithmes a fait émerger des discours communs et récurrents.
Keita Christophe a fondé l’étude sur des familles américaines, car lorsque celle-ci a débuté, en 2021, il travaillait encore aux États-Unis. Cependant, lui qui est arrivé il y a un peu moins de trois ans au Québec, il a pu constater, grâce à ses travaux impliquant des familles canadiennes, une différence importante entre les familles de chaque côté de la frontière. Il a noté que «pour le meilleur ou pour le pire, aux États-Unis, il semble qu’il y ait un passif de discussions sur ces différences, ces inégalités», tandis qu’au Canada, même si beaucoup de familles disent parler des questions ethniques avec leurs enfants, sur le plan sociétal, la population n’en parle pas autant.
«On parle de multiculturalisme et de ça, et on accepte très bien les nouveaux arrivants, les immigrants, etc., c'est vrai, concède le scientifique. Mais ça n'élimine pas ou ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus de problèmes.»
Les discours les plus importants qui en sont ressortis se concentrent sur la préparation à la discrimination, la fierté envers qui ils sont ainsi que la construction d’une identité forte pour veiller au bien-être de l’enfant. «Nous avons trouvé que c’était important, et d'autres recherches montrent que (ces messages) vous aident à développer des compétences d'adaptation et à être prêt à gérer efficacement les situations stressantes», détaille le Pr Christophe.
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A contrario, les discours inculquant la méfiance vis-à-vis d’autres groupes ethniques ou la minimisation de la race ont tendance à être associés à des effets négatifs sur les enfants. Heureusement, précise le scientifique, ces messages sont plutôt rares.
Le plus récurrent des deux est l’aspect de la minimisation. C'est lorsque les parents disent que la race n'a pas d'importance ou que nous ne devrions pas voir la couleur, détaille Keita Christophe. «C'est quelque chose qui peut être vraiment difficile et qui conduit à des résultats négatifs chez les enfants de couleur, simplement parce que, que cela nous plaise ou non, la race, l'ethnicité, la couleur de peau, tout ça compte dans la société.»
La minimisation crée un décalage entre le discours des parents et la réalité de l’enfant. «D'autant plus que les enfants seront probablement confrontés à des situations où ils seront traités différemment en raison de leur origine ou de la couleur de leur peau», ajoute-t-il.
Lui-même, s’il avait à aborder les questions de la race et de la discrimination avec son enfant, se concentrerait sur «l'apport d'un équilibre entre différents types de messages». Le Pr Christophe raconte qu’il faut aider l’enfant à se sentir bien dans son origine ethnique, à savoir ce qu’elle signifie pour lui et à en tirer de la fierté. «Il a été démontré que la fierté de votre origine ethnique conduit à de meilleures notes et à une meilleure santé mentale des enfants, à moins de dépression, à moins d'anxiété et à un meilleur soi», surenchérit-il.
Il nuance tout de même son approche en ajoutant qu’il n’hésiterait pas à aborder les problèmes de discrimination, pour que l’enfant en ait conscience, car différentes recherches ont déjà montré que, dès les premières années d’école, les enfants de couleur signalent des expériences de discrimination. «Cela peut avoir de grandes répercussions sur leur santé mentale cinq, six, sept ou huit ans plus tard et au-delà», insiste-t-il. Il recommande d’ailleurs, dans ces situations, que l’enfant en parle à l’enseignant ou qu’il tente de se concentrer sur autre chose, même si, et le Pr Christophe est catégorique sur ce point, les recommandations individuelles sont très personnelles et différentes pour chaque famille.
Enfin, la dernière chose dont il parlerait serait de célébrer la différence. Plutôt que d’en avoir peur, il faut explorer la différence pour en révéler la richesse.
Keita Christophe rappelle que le but de l’étude est de donner aux parents une idée des messages sur lesquels se concentrer lorsqu'ils parlent à leurs enfants afin de s'engager efficacement dans la socialisation ethnique et raciale. «Ces messages que les parents transmettent, je pense simplement qu'ils donnent aux enfants une sorte de moyen de se comprendre eux-mêmes, de se comprendre par rapport aux autres», conclut le professeur.