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Politique

Patriotisme à deux vitesses: les politiciens achètent pour 900 000$ de pub à Meta

Un mélange de colère, de frustration et d’attachement à la patrie teinte l’état d’esprit des électeurs en ce début de campagne.

Logo de Facebook.
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/ La Presse canadienne

Dans la semaine qui a précédé le déclenchement des élections, les principaux partis politiques fédéraux ont acheté pour plus de 900 000 $ de publicité à Meta, une entreprise américaine qui interdit le partage de vraies nouvelles sur ses plateformes, mais qui permet la prolifération de fausses nouvelles.

Un mélange de colère, de frustration et d’attachement à la patrie teinte l’état d’esprit des électeurs en ce début de campagne.

Le sentiment de trahison envers le gouvernement américain est perceptible dans les boycottages de produits au supermarché, dans les annulations de voyages, dans les stades de sport et aussi dans les discours des politiciens.

Toutefois, ce patriotisme renouvelé n’empêche pas ces mêmes politiciens d’acheter de la publicité sur les grands réseaux sociaux américains, comme Meta, qui possède Facebook et Instagram.

Si on se fie aux données de la «bibliothèque des publicités» de Meta, le Parti conservateur du Canada (PCC) est celui qui a le plus misé sur les réseaux de Mark Zuckerberg avec 540 912 $ en dépenses publicitaires entre le 17 et le 23 mars, jour de déclenchement de la campagne électorale.

 

Les données de Meta montrent que les hommes entre 35 et 45 ans sont particulièrement ciblés par le PCC.

Toujours selon les données de l'entreprise de Mark Zuckerberg, le compte du Parti libéral du Canada (PLC) et celui de Mark Carney ont investi respectivement 154 089 $ et 196 980 $ pour un total de 351 069 $ en publicité sur Meta durant la même semaine.

La région de Toronto, les provinces maritimes et le Québec étaient particulièrement dans la mire des libéraux entre le 17 et le 23 mars, selon les données de Meta.

Toujours selon Meta, les néo-démocrates ont investi 7248 $, le Parti vert du Canada 6586 $ et le Bloc québécois (BQ) 2695 $ pendant cette période.

Le PLC, le BQ et les verts ont confirmé l’exactitude des données de Meta à La Presse Canadienne, alors que le PCC et le NPD, de leur côté, n’avaient rien confirmé au moment de publier cet article.

Au détriment de l'information et de l'économie locale

La présidente de Réseau.Presse, qui regroupe une vingtaine de médias francophones à travers le pays, voit dans ces placements publicitaires plusieurs contradictions.

«Ça va enrichir des entreprises qui ne sont pas des entreprises canadiennes au détriment des médias locaux», a indiqué Maryne Dumaine, en expliquant que, si de petits médias avaient pu se partager une telle somme, «on aurait pu faire beaucoup de choses».

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Les médias locaux, «surtout en situation minoritaire, jouent un rôle clé dans la vitalité démocratique, la vitalité culturelle, dans la vitalité linguistique du pays», a réagi Mme Dumaine.

La présidente de Réseau.Presse dénonce également que les différents partis politiques encouragent financièrement des plateformes qui privent les citoyens d’informations essentielles et sur lesquelles pullulent la désinformation.

«Ce sont des plateformes sur lesquelles on ne peut plus trouver de l'information fiable», étant donné que Meta, «en tout cas au Canada, a bloqué les sources d’informations fiables».

Ces plateformes, s'est-elle plainte, «ont fait chuter la découvrabilité des médias locaux et elles ont privé les citoyens d'informations essentielles».

Favoriser les médias canadiens?

Est-ce que les partis politiques ont l’intention de favoriser les médias canadiens dans l’achat de publicité au cours de la campagne électorale?

À cette question, le Parti vert a indiqué, par courriel, que les publicités sur Meta ne représenteront que «10 % du budget total» et que la «majeure partie de nos publicités sont diffusées dans les médias canadiens».

De son côté, le Bloc québécois s’engage, «pour chaque dollar investi sur les plateformes numériques étrangères, à doubler ce montant et l’investir dans des médias imprimés, numériques, télévisuels et radiophoniques québécois».

Le PCC et le NPD n’avaient pas répondu à cette question de La Presse Canadienne au moment de publier l'article.

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En marge d’un événement vendredi dernier, l’agence de presse a demandé au candidat libéral Steven Guilbeault si son parti comptait privilégier les médias canadiens pendant la campagne.

Il a répondu «qu’il faut bien comprendre qu'une campagne électorale, c'est un moment très précis dans le temps» et que ce «qui est important, c'est ce qu'on fait en dehors des campagnes électorales, lorsque nous sommes au pouvoir».

Celui qui a occupé le poste de ministre du Patrimoine canadien de 2019 à 2021 et qui est présentement ministre de la Culture a rappelé que «le Parti libéral a mis en place un boycottage de la publicité sur Facebook pendant de nombreux mois. Donc on est très préoccupés par cette question-là et on veut mettre de l'avant plus de mesures».

Refus d'indemniser les médias

Le gouvernement fédéral avait cessé en juillet 2023 d’acheter des espaces publicitaires en ligne à la société mère d’Instagram et de Facebook afin de protester contre la décision de Meta de cesser d’autoriser le partage, sur ses plateformes au Canada, de contenus de médias d’information.

Meta avait annoncé son blocage au Canada en réaction au projet de loi C-18, depuis adopté, visant à forcer les entreprises du numérique à indemniser les médias pour le partage de leur contenu.

Meta n’a pas fait marche arrière depuis, ce qui n’a pas empêché le gouvernement fédéral de recommencer à acheter de l’espace publicitaire sur Facebook et Instagram en janvier dernier.

Un «choix difficile»

Les partis politiques choisissent d’acheter des publicités sur Instagram et Facebook parce que ces plateformes de médias sociaux atteignent efficacement les Canadiens, a expliqué Aengus Bridgman, directeur de l’Observatoire de l’écosystème des médias.

«C’est là qu’ils peuvent rencontrer les Canadiens, alors les politiciens sont confrontés à un choix difficile.»

Toutefois, celui qui est également professeur adjoint à l’École Max Bell de politique publique de l’Université McGill, met en garde les politiciens qu'en achetant de la publicité à Meta, «ils valident, en quelque sorte, les choix de cette plateforme» qui «ne sert pas, de plusieurs façons, l’intérêt des Canadiens».

Soutenir la «démocratie de proximité»

Maryne Dumaine, de son côté, ne réclame pas que les partis politiques achètent de la publicité uniquement dans les médias locaux, mais souhaite «qu’il y ait un meilleur équilibre».

Ne pas «encourager nos médias lors de grandes campagnes publicitaires comme ça, c'est mettre un pas en avant vers leur disparition» et «favoriser la publicité électorale dans les médias peut vraiment soutenir la démocratie de proximité».

Les Canadiens «lisent aussi leurs médias locaux, donc, quand on veut cibler les citoyens, si on passe par les médias qui les touchent directement et qui parlent de ce qui se passe chez eux, c’est aussi une façon de les atteindre», a rappelé celle qui est directrice de l'Aurore boréale, un journal francophone du Yukon.

Si un parti politique ou un candidat achète de la publicité dans un média local, «il pose également un geste de reconnaissance pour encourager ces médias, pour reconnaître que ces communautés existent et c’est un geste qui sera reconnu par les gens qui lisent ces médias-là» .

/ La Presse canadienne