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La police de Longueuil a été émerveillée par les dessins du jeune homme de 25 ans qui représentent les voix dans sa tête. «Dès qu’on parle aux personnes comme Maxime, on n’a plus peur de la schizophrénie.»
«J’entends des voix: c’est la chose la plus dure que j’ai dite de toute ma vie», raconte Maxime Morency.
Mais le jeune homme de 25 ans atteint de schizophrénie est passé de la peur à une ovation de la part de policiers grâce au dessin. Lors d’un long entretien de plus de 30 minutes avec Noovo Info, Maxime n’a pas épargné un seul détail de son histoire inspirante. La voici.
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L’homme de 25 ans se souvient parfaitement de sa réaction lorsqu’il a reçu un diagnostic de schizophrénie en octobre 2016. Bien qu’il s’est dit soulagé de savoir que ce qu’il vivait n’était pas normal et qu’il pouvait être traité, l’annonce a tout de même eu l’effet d’une onde de choc.
«Ma mère et mon grand-père étaient présents lorsque j’ai appris que j’étais atteint de la schizophrénie. Ça m’a pris un bout de temps pour m’en remettre», a confié le Saguenéen à l’auteur de ces lignes.
Maxime Morency ne s’est toutefois pas apitoyé sur son sort. Plus de six ans plus tard, celui qui travaille au Métro de Jonquière donne aujourd'hui des conférences. Il a su attirer l’œil du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) et de l’organisme Le Phare, tous intéressés de connaître son histoire et sa réalité.
C’est ainsi que Maxime s’est donné une nouvelle mission: démystifier la schizophrénie auprès de la population par le biais de ces conférences. Noovo Info s’est également entretenu avec le conseiller au sein du SPAL, Farid Bekal, première personne ayant tendu la main à Maxime afin d’en apprendre davantage sur sa maladie.
«Il a su normaliser [la maladie], il a su rendre aux personnes atteintes de schizophrénie leur droit d’humanité, leur droit d’exister normalement», affirme M. Bekal.
Maxime Morency souligne que la schizophrénie n’est pas vécue de la même manière par tous les individus atteints de la maladie. Certains ont des hallucinations auditives, tandis que d’autres peuvent avoir des hallucinations visuelles, voire tactiles, olfactives et même gustatives. Dans le cas de Maxime, il est plutôt question d’hallucinations auditives et visuelles. Selon la Société québécoise de la schizophrénie (SQS), cette «maladie du cerveau» touche environ 85 000 Québécois, soit 1% de la population. Maxime souhaite également mettre fin au cliché des personnalités multiples, qui n’est pas du tout lié à la schizophrénie.
Maxime Morency en entrevue avec Noovo Info. Crédit: Émeric Montminy | Noovo Info
Le souvenir de l'arrivée des premiers symptômes est plutôt nébuleux dans la mémoire de Maxime Morency. Les signes sont apparus à la fin de l’école primaire. Avec l’arrivée de la puberté, le jeune garçon croyait fermement que ce qu’il vivait «faisait partie du développement normal».
«J’entendais (les autres répéter): "Il y a une petite voix dans ma tête qui m’a dit ça." Donc, je me disais que c’était littéral et que tout le monde vivait ce que je vivais. Et je n’en ai pas parlé avant ma première année de cégep, six ans plus tard», ajoute Maxime, qui regrette à ce jour de ne pas avoir fait part de ces signes avant-coureurs plus tôt.
Maxime mentionne qu’il ne comprenait tout simplement pas ce qui se passait, alors que son entourage ne réagissait pas à ce qu’il voyait ou entendait.
«Je me suis souvent rabaissé avec ça quand j’étais jeune. Puisque je pensais que tout le monde le vivait, le problème n’était pas que je voyais (des personnages), le problème c’est que j’avais plus de difficulté que les autres à vivre avec ça.»
C’est ensuite que Maxime a vécu l’un des pires moments de sa vie, soit l’épisode où il a compris qu’il avait besoin d’aide.
Le tout premier personnage apparu aux yeux du Saguenéen se dénommait Mad Max (aucun lien avec les films à succès), qui était au départ une version miniature de lui-même. Cette voix était devenue si violente au fil du temps qu’elle avait décidé, en février 2016, de s’en prendre aux autres voix dans sa tête et même de tuer certaines d’entre elles.
«Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie, affirme-t-il. C’est là que je me suis dit: “OK Max, il faut que tu en parles, personne d’autre autour de toi a l’air de vivre ça.”»
Mad Max, une des hallucinations auditives de Maxime Morency, dessiné de sa main. Crédit photo: Maxime Morency
C’est à la suite de cet élément déclencheur, désigné comme «le règne de la terreur» par Maxime, qu’il a décidé de s’ouvrir pour la première fois à sa mère. La situation était devenue invivable, se souvient-il.
«Au début, c’était carrément 14 voix dans ma tête. Certaines n’avaient juste pas de nom, c’étaient juste des entités. Il y en a que je voyais plus souvent que d’autres, c’est vraiment avec la médication que la majorité d’entre elles sont parties.»
D'autres hallucinations de Maxime Morency. Crédit photo: Maxime Morency
Souffrant de problèmes de concentration, le jeune homme admet que la maladie avait eu un impact sévère sur sa vie sociale et sur son parcours scolaire.
«Certaines voix voulaient m’aider, d’autres voulaient me saboter, d’autres n’avaient pas étudié et étaient mêlées par les questions… Ce n’était pas évident.» Le Jonquiérois a tout de même réussi à avancer à braver cette tempête et à obtenir un diplôme du Programme d'études internationales (PEI) au secondaire.
Aujourd’hui, Maxime se sent mieux grâce à la médication et à un suivi régulier avec un psychiatre. Il consomme du rispéridone au besoin, un antipsychotique sous forme de pilules.
«Au début, je prenais du 4 mg tous les jours et là, c’est rendu du 0,5 mg au besoin. Donc, j’aime dire que je vais huit fois mieux qu’il y a quelques années.»
Malgré la médication, deux personnages sont restés et une autre voix s’est ajoutée aux côtés de Maxime. Ayant un grand talent pour le dessin, Maxime a décidé de mettre un visage à la maladie en dessinant les voix dans sa tête — Chose qui a tout simplement fasciné les employés du SPAL lors des conférences. Maxime a su expliquer avec brio pourquoi les voix ont débarqué dans son quotidien.
Parmi les voix toujours présentes, un personnage connu de la culture populaire partage sa vie depuis de nombreuses années: le célèbre Joker de l’univers Batman. Maxime raconte que le film de Tim Burton, paru en 1989, l’a grandement marqué.
Le Joker, une des hallucinations de Maxime. Crédit photo: Maxime Morency
«J’avais la performance de Jack Nicholson dans ma tête et ça a dû prendre de la place dans une certaine partie de mon cerveau, parce que c’est vraiment resté. C’est une version vivante du personnage de bande dessinée avec une voix qui sonne vraiment rauque. J’ai de la difficulté à leur mettre des âges; je vieillis, mais pas eux. Lui, on jurerait qu’il a l’énergie d’un enfant, mais il a l’apparence d’un gars de 40 ans.»
Au secondaire est apparue Félicia, expression «du côté plus féminin, tendre et attentionné» de Maxime.
Félicia, voix féminine dans la tête de Maxime. Crédit photo: Maxime Morency
«La première fois que je l’ai vue, je croyais que c’était juste une femme normale, mis à part le fait qu’elle était vraiment blême. Elle s’était assise à côté de moi. Je lui parlais jusqu’à ce quelqu’un s’approche et me demande: "À qui parlez-vous, monsieur?"»
Un troisième personnage s’est par la suite ajouté: une dame que Maxime a nommée Helena, «une représentation de mon besoin de ressentir de l’affection et de mes frustrations amoureuses», estime-t-il.
Helena, représentation du besoin d'affection de Maxime Morency. Crédit photo: Maxime Morency
Avec Félicia et Helena, «il n’y a pas une journée pareille. Elles sont assez imprévisibles», souligne Maxime.
Les voix vont réagir à absolument tout ce qui se passe dans la vie du jeune homme. Surtout le Joker.
«Quand quelqu’un me fait vraiment chier, il va faire un petit commentaire pour détendre l’atmosphère ou pour se défouler.»
Questionné au sujet des types de voix, l’homme de 25 ans explique qu’il y aurait quatre tiers: le positif, l’inquiétant, le dépressif et le négatif. Les trois voix toujours présentes sont catégorisées dans le positif et ne sont pas considérées comme étant dangereuses, assure Maxime. Avant la médication, la majorité des voix étaient «dans l’inquiétant, le dépressif et le négatif», dont Mad Max, indique-t-il.
«J’ai toujours peur qu’il revienne, c’est une crainte. Une crainte qui me motive à me médicamenter.»
En 2018, Maxime Morency s’était confié sur son diagnostic à l’auteur de ces lignes, accompagné des journalistes Camille Boutin et Gabrielle Paul dans le cadre d’un projet collégial. Le reportage du Cégep de Jonquière a été retrouvé sur internet par le SPAL et Farid Bekal. Ce dernier s’est dit profondément touché par le témoignage de Maxime et a décidé de l’inviter, en novembre 2021, à quitter sa région natale afin de raconter son histoire au personnel du service de police en vue du déploiement du programme Immersion, un stage où les policiers s’invitent au cœur de plusieurs communautés et de diverses réalités. Un défi que Maxime a relevé avec brio, se souvient M. Bekal.
«C’était une découverte pour nos policiers et nos intervenants. Ils étaient à la fois émus, surpris par son courage, sa sincérité et sa connaissance de ses propres symptômes. Il est un très bon orateur, il est capable d’expliquer les choses avec des mots simples. Il a su capter l’attention des gens, mais aussi leurs émotions», avance le conseiller en prévention au SPAL.
Farid Bekal, conseiller du SPAL, en entrevue avec Noovo Info. Crédit photo: Émeric Montminy | Noovo Info
À la fin de la conférence, Maxime a répondu aux nombreuses questions du personnel et a reçu une ovation de la part des policiers. «C’était l’un des plus beaux moments de toute ma vie. Je n’ai jamais ressenti autant de fierté que ça.»
Crédit photo: Maxime Morency
Ayant eu un coup de cœur pour le témoignage de Maxime, M. Bekal a décidé de le réinviter l’année suivante afin de former de nouveaux policiers face à sa réalité et souhaite que Maxime revienne à Longueuil en 2023.
Maxime conseille aux personnes aux prises avec des troubles de santé mentale de simplement en parler à leur entourage.
«Je me sens chanceux où ce que je suis présentement, mais il n’y a pas une journée qui passe sans que je me dise que si j’en avais parlé avant, est-ce que j’irais encore mieux aujourd’hui? C’est une question que je me pose souvent.»
Depuis qu’il s’est ouvert à sa mère, Maxime parle de sa maladie sans gêne et sait aborder le sujet de la meilleure des manières. Il peut désormais compter sur de nombreux membres de sa famille ainsi que plusieurs amis pour l’épauler. «Les gens autour de vous sont là pour votre bien et ce n’est pas en intériorisant ça que j’aurais pu m’en sortir.»
Une conférence avec l’organisme Le Phare attend Maxime, à La Baie. Même s’il a reçu un diagnostic de schizophrénie depuis déjà quelques années, le Saguenéen d’origine admet qu’il n’a jamais rencontré d’autres personnes atteintes de schizophrénie. Mais cela pourrait changer lors de cette conférence, révèle-t-il. En effet, certaines personnes schizophrènes pourraient se retrouver dans l’audience.
«Juste de voir et d’interagir avec des personnes comme moi, ce serait un méchant honneur. Ça ma resterait à l’esprit», conclut Maxime.
Crédit photo: Maxime Morency