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Les voyagistes sont lourdement endettés alors que le tourisme reprend.
Maureen Gordon a déjà traversé des moments difficiles dans sa carrière de voyagiste.
Elle et son mari ont commencé à diriger la société d'écotourisme Maple Leaf Adventures à Vancouver environ un mois avant les attentats terroristes du 11 septembre, qui ont asséné un dur coup aux voyages internationaux en 2001.
La reprise a été toutefois relativement rapide. Mais les effets de la COVID-19 ont duré beaucoup plus longtemps.
«La pandémie a bien sûr été incroyablement tumultueuse et effrayante, comme elle l'a été, je pense, pour la plupart des voyagistes au Canada», a déclaré Mme Gordon, qui organise des séjours d'une semaine sur une goélette, un remorqueur converti et un catamaran le long de la côte du Pacifique.
«C'était une période vraiment traumatisante. Nous n’avons pas pu fonctionner du tout à cause des diverses restrictions gouvernementales, se souvient-elle. Nous avions peur, notre banque avait peur.»
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Et puis 2022 a été «incroyable»: les Canadiens qui cherchaient soudain à dépenser l’énergie refoulée pendant la pandémie se sont tournés vers les voyages intérieurs. Mais 2023 a été marquée par un «contretemps», dans un contexte de hausse des taux d’intérêt qui a refroidi certains voyageurs.
«Bien que l'industrie du tourisme – en termes d'intérêt pour les voyages et les réservations – se rétablisse, les entreprises souffrent vraiment, admet Mme Gordon. Je pense que nous sommes tous endettés comme nous ne l’avons jamais été. Certainement.
«Nous avons traversé l'océan après le naufrage de notre bateau et maintenant (...) nous essayons tous de ne pas mourir sur la plage.»
Le tourisme est revenu en force après le creux pandémique, mais les voyagistes affirment que le secteur n'a pas encore atteint les niveaux d'avant la COVID-19 — et l'endettement demeure un lourd fardeau pour des milliers de petites entreprises à travers le pays.
Le nombre de visiteurs internationaux est resté en baisse par rapport à quatre ans plus tôt, les touristes en provenance des États-Unis représentant 85 % des niveaux de 2019 et ceux d'ailleurs dans le monde à 78 %, selon la société d'État Destination Canada.
L'industrie du tourisme a généré plus de 109 milliards $ de revenus l'année dernière, soit environ 4 % de plus qu'en 2019, mais nettement moins en termes réels lorsqu'on tient compte de l'inflation, selon l'Association de l'industrie touristique du Canada.
Beth Potter, qui dirige l'association, a demandé au gouvernement fédéral de créer spécifiquement pour cette industrie un nouveau programme de prêts à faible taux d'intérêt et un volet de travailleurs étrangers temporaires.
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«Nous n’avons eu aucune indication que ça arriverait», a-t-elle déploré. En fait, le gouvernement fédéral souhaite réduire la part des résidents temporaires dans la population canadienne au cours des trois prochaines années.
L’impact ne sera pas «aussi extrême» dans le tourisme que dans l’agriculture ou la transformation alimentaire, admet Mme Potter. Mais cela touchera par exemple les stations de ski et les régions dépendantes du tourisme comme le Grand Nord ou Niagara Falls, en Ontario.
Les offres de voyages, d’hôtellerie et de loisirs sont en réalité des «denrées périssables», ce qui signifie qu’il est particulièrement difficile de récupérer les revenus perdus. «Si vous ne réservez pas la chambre d'hôtel ce soir, vous ne pouvez pas réserver cette chambre deux fois demain soir», a souligné Mme Potter.
La reprise du secteur touristique continue d’être inférieure à celle du monde des affaires en général. En décembre dernier, le nombre d'entreprises liées au tourisme actif était légèrement inférieur aux niveaux d'avant la pandémie, tandis que le nombre d'entreprises en général dépassait les chiffres de 2019, selon les données de Destination Canada.
Tous secteurs économiques confondus, deux petites et moyennes entreprises sur trois détenaient encore des dettes liées à la pandémie à la fin de l'année dernière, avec une moyenne de 107 700 $, selon un sondage de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante mené auprès de 3148 membres. Sur 14 secteurs interrogés, les entreprises en hôtellerie et en transports étaient parmi les plus pessimistes quant à l'année à venir. Seul le commerce de détail a obtenu une pire note.
Les stations de ski et les hauts lieux touristiques comme la vallée de l’Okanagan ont connu une année particulièrement difficile. «Nous avons eu des hivers qui n'étaient pas des hivers pour nous», a expliqué la ministre fédérale du Tourisme, Soraya Martinez Ferrada, lors d'un entretien téléphonique.
«Nous avons été vraiment touchés l'année dernière par le changement climatique en termes d'incendies, de sécheresse et d'inondations, a-t-elle poursuivi. En fait, les gens annulaient leur voyage au Canada parce qu'ils pensaient que tout le pays était en feu. Souvenez-vous de la fumée à New York.»
Alors que certaines statistiques touristiques pour les quatre plus grandes villes du Canada – Toronto, Montréal, Vancouver et Calgary – sont désormais en passe de dépasser les chiffres de 2019, les régions les plus éloignées du pays continuent par ailleurs de connaître des difficultés.
«Les régions un peu plus éloignées de ces très grands pôles ont eu plus de mal à retrouver leur dynamique», souligne la ministre Martinez Ferrada. Les voyages d'affaires et les congrès continuent également à traîner de la patte, a-t-elle ajouté.
Le transport régional n’a pas non plus réussi à rebondir, avec une capacité intérieure de sièges à 84 % des niveaux de 2019 au quatrième trimestre de 2023, selon Destination Canada. Cela peut nuire aux marchés nationaux des voyages et des loisirs.
«Si les gens veulent voyager entre l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve en hiver, lorsque le traversier ne circule pas, il leur faudra prendre l'avion jusqu'à Toronto», a souligné Beth Potter, de l'Association de l'industrie touristique du Canada.
La ministre a cité les engagements énoncés dans le budget fédéral pour soutenir le tourisme. Le gouvernement s’est engagé à fournir de nouveaux fonds pour remplacer la flotte vieillissante de Via Rail sur les itinéraires à l’extérieur du corridor Québec-Windsor — un montant n'a pas encore été précisé en raison du mécanisme d'acquisition à venir.
La ministre Martinez Ferrada a également souligné 124 millions $ pour les activités de traversier de l'Atlantique, ainsi que les investissements dans les opportunités de développement dans le Nord et pour les activités touristiques autochtones annoncés l'année dernière.
Même si aucun nouveau prêt sectoriel n’est à l’horizon, elle a présenté les 2,5 milliards $ de «remises carbone» qui devraient atterrir sur les comptes bancaires des petites et moyennes entreprises au cours des prochains mois comme un soutien financier.
De retour à Vancouver, Maureen Gordon estime que l'année 2024 s'annonce prometteuse, avec quelques réserves. «La plupart des gens n’ont pas confiance à 100 % dans leurs projections, a-t-elle admis. Ce n’est pas une reprise linéaire (…) Nous croyons tous que le marché est vraiment imprévisible en ce moment.»