Début du contenu principal.
Au terme de plus de trois ans de travail, le Bureau du coroner a dévoilé 63 recommandations, mercredi, dans son rapport d'enquête publique sur la thématique du suicide.
La coroner Me Julie-Kim Godin a déposé 63 recommandations, mercredi, dans le rapport qui vient clore l'enquête publique sur la thématique du suicide, lancée en décembre 2019. Elle se dit convaincue que leur mise en application par les institutions visées pourrait prévenir de nombreux décès évitables.
En conférence de presse au grand quartier général de la Sûreté du Québec, à Montréal, Me Godin a tenu à rappeler que le suicide constitue toujours un important enjeu de santé publique. Elle a souligné qu'il arrive au huitième rang des causes de décès et que 1055 personnes avaient mis fin à leurs jours en 2020. Un nombre qu'il faudrait multiplier par 30 pour estimer le nombre de tentatives de suicide chaque année.
Dans son rapport, la coroner Godin souligne que «cette vaste enquête publique a permis de renforcir la nécessité d'agir en amont». Elle écrit qu'il faut accorder une grande importance à «déceler précocement les troubles de santé mentale» ainsi que les troubles «liés à l'usage de substances» dans le but de prévenir une escalade de problèmes.
Les troubles concomitants, c'est-à-dire la présence à la fois de problèmes de santé mentale et de consommation, doivent être traités dans leur ensemble par des professionnels qui travaillent en collaboration, plaide la coroner qui souhaite la fin des interventions en silo.
Elle insiste aussi sur la nécessité de prendre au sérieux «toutes les personnes susceptibles de développer un risque suicidaire ou qui présentent des manifestations suicidaires». Ces personnes doivent avoir accès «sans délai» aux services de santé dont elles ont besoin.
Ce qui se dégage de l'ensemble du rapport intitulé «POUR la protection de LA VIE humaine» est une volonté de solidifier le filet social afin de mieux soutenir les personnes en détresse. La coroner cherche à resserrer les mailles par une action mieux coordonnée, l'ajout de ressources et un renforcement des compétences des intervenants, qu'ils soient policiers, médicaux ou sociaux.
Ses dizaines de recommandations s'adressent à divers ministères, à des corps policiers, à des établissements de santé, à des organismes communautaires, à plusieurs ordres professionnels et à l'École nationale de police.
Si elle ne dispose pas du pouvoir de les contraindre à agir, la coroner se réjouit tout de même des nouvelles dispositions législatives qui obligent les institutions à prendre connaissance du rapport. Elles «doivent informer la coroner en chef des actions qu'ils prendront pour répondre aux recommandations», a-t-elle mentionné.
Me Godin demande notamment aux ministères de la Sécurité publique, de la Santé et de la Justice de créer un comité consultatif chargé de réviser le cadre juridique entourant le partage de renseignements confidentiels ou protégés par le secret professionnel.
«Il faut que des assouplissements soient considérés pour mieux protéger et prévenir des décès violents, a-t-elle répondu à une question de La Presse Canadienne. Mais il faut que ces assouplissements soient toujours faits en respect des droits et libertés de la personne.
«Comme société, on veut protéger nos êtres chers, mais il faut également protéger leurs droits», a-t-elle insisté en invitant les institutions à débattre de cet enjeu.
À titre d'exemple, une approche particulière en cas de situation de crise pourrait possiblement permettre une meilleure intégration des proches dans le processus d'intervention. Des personnes importantes dans l'entourage de l'individu en détresse pourraient être tenues informées des développements dans son dossier.
Dans le même ordre d'idées, les services policiers pourraient peut-être, lors d'interventions délicates, bénéficier de certaines informations médicales ou psychosociales au sujet de la personne concernée.
Dans une autre recommandation soumise conjointement à la Sécurité publique et à la Santé, elle propose d'intensifier les efforts pour déployer des équipes mixtes d'intervention, incluant policiers et intervenants psychosociaux, dans toutes les régions du Québec.
Elle appelle également les autorités publiques à fournir «toutes les ressources requises» aux organismes communautaires dont la mission est d'assurer un filet de sécurité aux personnes à risque.
«Faisons en sorte que la santé mentale ne soit pas l'enfant pauvre du système de santé et que les investissements requis soient faits pour y parvenir et répondre à la pénurie de main-d'œuvre», renchérit la coroner dans son rapport.
Dans une réaction écrite transmise par le cabinet du ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, on dit prendre acte des recommandations et que celles-ci seront «analysées avec minutie».
«Nous avons fait de l'accès aux services en santé mentale une priorité et nous allons continuer à le faire», promet-on.
Cette enquête publique avait été ordonnée par la coroner en chef du Québec, Me Pascale Descary, en septembre 2019. Elle s'est officiellement amorcée quelques mois plus tard, en décembre, d'abord sous la présidence de la coroner Andrée Kronström. Me Godin a pris le relais en octobre 2021.
Cinq événements impliquant six décès, soit un homicide et cinq suicides, ont été analysés par le bureau du coroner au cours de cette démarche. Il s'agit des dossiers de Mikhaël Ryan, de Joceline Lamothe, de Suzie Aubé, de Jean-François Lussier, de Marc Boudreau et de Dave Murray.
Plus de 126 témoins ont été entendus lors des audiences, dont des professionnels de la santé, des représentants d'organismes de prévention et des proches endeuillés.
Si vous êtes en détresse et cherchez à obtenir de l'aide, plusieurs ressources sont disponibles: Tel-Jeunes: https://www.teljeunes.com/Accueil ; Suicide Action Montréal: 1 866 277-3553 www.suicide.ca