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Un nombre croissant de ces soignants se tournent vers le Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ) pour obtenir du soutien auprès de leurs pairs, selon des données transmises à Noovo Info.
Le sommet de la crise pandémique maintenant derrière nous, certains pourraient être portés à croire que le moral des troupes s’améliore sur le terrain, et pourtant…
«Nous avons eu une augmentation des demandes d’aide de 23 % en 2022. Et depuis ce moment-là, on a déjà une augmentation de 15 % si on compare les mêmes périodes avec l’année dernière. Et les mois les plus occupés sont à venir», constate la Dre Marie-Chantal Brien, directrice de la prévention et de l’intervention au PAMQ
En tout, ce sont environ 5 % de tous les médecins du Québec qui obtiennent des services de soutien auprès de l’organisme sans but lucratif.
L’épuisement professionnel, la surcharge de travail, les conditions de travail difficiles et l’anxiété qui en découle sont parmi les motifs les plus souvent évoqués par la clientèle du programme.
«Il y a aussi cette pression qu’ils ressentent dû aux récentes lois et réformes dans le système de santé. […]», tient à ajouter la Dre Brien.
Environ 12 % de la clientèle du PAMQ affirmaient – à différents degrés - avoir eu des pensées suicidaires.
Vous avez des idées noires ? Vous avez besoin de parler ? Plusieurs ressources sont là pour vous aider, dont le service d’intervention téléphonique 1 866 APPELLE.
À certains endroits, ce sont le quart des médecins travaillant dans les urgences qui sont en arrêt de travail pour épuisement professionnel, affirme le Dr Jean-Joseph Condé, membre du conseil d’administration de l’Association médicale canadienne (AMC).
«Ils ne peuvent plus travailler de manière sécuritaire, et ça a un effet direct sur ceux qui restent qui n'ont pas le choix de prendre la charge de travail des autres», explique-t-il.
«Et les médecins attendent souvent d’être au bout du rouleau avant de demander de l’aide», déplore le Dr Condé.
Il y a quelques mois, l’AMC publiait un sondage sur l’état de santé psychologique des médecins au pays pour l’année 2021. Les statistiques étaient d’ores et déjà alarmantes.
Au Québec, 60 % des répondants affirmaient vivre avec des symptômes d’épuisement professionnel, 22 % ressentaient de l’anxiété modérée ou sévère et près de la moitié (48 %) présentaient des signes de dépression.
Pour le Dr Jean-Joseph Condé, la situation risque fort bien de s’être dégradée depuis cette collecte de données.
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«Je suis médecin de famille depuis 35 ans, pour moi, c’est du jamais-vu», dit-il, précisant du même souffle que les médecins travaillent désormais avec une population vieillissante ce qui signifie des cas «plus lourds» à traiter, et donc une charge de travail accrue.
«Avant nos patients étaient plus jeunes, moins malades. Maintenant, même si nous avons plus de médecins, ils doivent traiter plus de patients qui ont des maladies plus complexes», explique le Dr Condé.
La pandémie est aussi devenue un bruit de fond dans le quotidien de bon nombre de Québécois, mais c'est une tout autre réalité entre les murs des hôpitaux.
«Pour la population en générale, on a l’impression de ne plus être en essoufflement pandémique, mais ce n’est vraiment le cas pour les soignants. En raison des délais dans plusieurs domaines, il faut maintenant mettre les bouchées doubles pour compenser», confirme la Dre Marie-Chantal Brien.
Selon le Dr Jean-Joseph Condé, le gouvernement provincial a déjà mis en actions certaines mesures pour alléger le fardeau des soignants, mais plusieurs soignants sont encore en attente des résultats.
«Les politiciens ont un service à livrer, et la population a des attentes. Ils font ce qu’ils peuvent. Il y a eu la mise en place de certaines équipes multidisciplinaires par exemple. Ce n’est pas un manque de volonté, mais les effets tardent à se concrétiser», dit-il.
«Un autre exemple: je passe encore le quart de ma journée à remplir de la paperasse et à faire du médico-administratif en soirée. […] Il faut aussi travailler sur le plaisir au travail, et la culture organisationnelle, car la grande majorité des médecins disent ne pas s’épanouir dans leur travail», ajoute-t-il.
Pour mieux prévenir, il faut aussi des données. Et au Québec, les experts avancent parfois dans une certaine noirceur. Outre quelques études ciblées, les données sur le suicide sont rarement ventilées par profession.
Il y a quelques années, le Programme d’aide aux médecins du Québec réclamait un registre des suicides au sein de la profession afin de mieux saisir l’ampleur du problème. La demande est restée lettre morte.
«Un tel registre existe chez les policiers, car ce sont les premiers répondants et ils sont plus à risque. Les médecins sont aussi plus à risque selon la plupart de la littérature existante», précise la Dre Brien.
Selon elle, un registre serait un outil intéressant pour mieux comprendre les facteurs de risque et des facteurs déclencheurs de manière plus précise.
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