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Québec veut «dédier 25 % de l'enveloppe budgétaire globale actuelle à la performance».
Le gouvernement du Québec vient de déposer sa proposition aux médecins de famille dans le contexte de la négociation pour le renouvellement de l'Accord-cadre 2015-2023. Québec veut modifier le modèle de rémunération des médecins de famille, en y introduisant notamment les codes de couleurs par patient.
L'offre publiée sur le site web du Conseil du trésor stipule aussi que le gouvernement souhaite introduire «un principe à la performance, lié à des indicateurs cliniques de performance pertinents déterminés» par le ministère de la Santé.
Québec veut que 25 % de l'enveloppe budgétaire globale actuelle soit dédié à la performance. Autrement dit, le modèle de rémunération à l'acte des médecins de famille serait complètement transformé en y intégrant des objectifs de performance qui seraient établis par l'État.
La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, n'a pas précisé quels seront ces critères. Elle a seulement dit que ce serait discuté avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) à la table de négociation.
Le document ne donne pas de précisions non plus sur les critères de performance. On mentionne toutefois une volonté «d’associer les clientèles vulnérables, notamment les personnes âgées, les personnes vivant avec des maladies chroniques et celles en situation de précarité à un professionnel assurant la continuité des soins que requiert leur condition de santé».
«Si les objectifs ne sont pas atteints, les sommes dédiées à la performance prévues à l’enveloppe budgétaire globale ne sont pas dues à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec», peut-on lire dans le document.
Le président de la FMOQ, Dr Marc-André Amyot, affirme qu'il demandera un mécanisme d'arbitrage si les négociations continuent d'être aussi houleuses avec le gouvernement. «Ce qui est présenté sur la table, c'est tout à fait irréaliste et inacceptable. Ça n'améliore pas l'accessibilité pour la population et des solutions on en a proposé», a-t-il commenté en entrevue, citant notamment le 1 million de rendez-vous offerts par les médecins de famille via le Guichet d'accès à la première ligne (GAP).
Dr Amyot souligne par ailleurs que la FMOQ «est tout à fait d'accord» avec la révision du mode de rémunération des médecins, mais pas «imposé comme c'est fait actuellement».
Concernant le 25 % du budget qui a trait à la performance, Dr Amyot soutient que les médecins n'ont pas les outils nécessaires pour y arriver. Il a profité de la fièvre du hockey alors que le Canadien est en séries éliminatoires pour expliquer son propos. «C'est comme si on jugeait la performance d'un joueur de hockey, mais on lui donne des patins pas aiguisés, pas de lacets, avec un bâton cassé. Et après on dit: on ne comprend pas, il n'est pas performant ce joueur de hockey», a-t-il illustré.
Québec indique clairement son souhait de changer les façons de faire en première ligne. On retrouve dans la proposition du gouvernement les codes de couleurs établis par l'INESSS en fonction de la condition de santé du patient qui serviront à déterminer la rémunération du médecin de famille.
Le gouvernement veut que la moitié du salaire du docteur repose sur le modèle de rémunération par capitation, c'est-à-dire qu'au lieu d'être payés pour chaque service rendu, les médecins recevraient un montant annuel fixe pour chaque patient sur leur liste.
Les forfaits annuels par couleur iraient comme suit: 12 $ pour un patient vert (patients avec des problèmes épisodiques); 74 $ pour un patient jaune (problèmes de santé mineurs chroniques sans impact fonctionnel); 124 $ pour un patient orange (problèmes de santé modérés nécessitant un suivi régulier, par exemple un cancer); et 223 $ pour un patient rouge (troubles de santé majeurs ayant des conditions complexes).
La FMOQ est contre ces codes de couleurs. «Je pourrais vous donner de nombreux exemples de patients qui sont verts aujourd'hui et rouges demain. Ils vont peut-être attendre avant de devenir rouges si on les éloigne du médecin de famille. Parce que si vous êtes vert, vous allez avoir plus de difficulté à voir votre médecin de famille», expose Dr Amyot.
Dans le modèle proposé par Québec, 30 % de la rémunération du médecin continuerait de s'effectuer à l'acte, à laquelle s'ajoute un tarif horaire additionnel à hauteur de 20 % du salaire du médecin.
Les tarifs déterminés selon la rémunération à l'acte varient selon le type de consultation. Un tarif de 16,50 $ serait attribué pour une consultation virtuelle; 18 $ pour une interaction en personne; 25 $ pour une interaction en groupe, en personne ou en vidéo; 33,50 $ pour une visite en clinique d'au moins 30 minutes; 79 $ pour une interaction au domicile du patient; 25 $ pour la consultation d'un autre professionnel.
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, n'a pas commenté le contenu des nouvelles propositions. Questionné à savoir pourquoi il avait décidé de les rendre publiques, M. Dubé a répondu que c'était dans le but d'être transparent avec la population pour qu'elle sache ce que le gouvernement demande aux médecins. «Pour être sûr que l'information est claire pour toutes les parties, tous les médecins, pour la population, qu'est-ce qui est demandé et quel est l'état des négociations», a-t-il dit en mêlée de presse.
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Le porte-parole de Québec solidaire en matière de santé, Vincent Marissal, est d'accord pour revoir le mode de rémunération des médecins pour qu'ils deviennent salariés et non rémunérés à l'acte. Il dénonce toutefois que le gouvernement crée «un écran de fumée» pour cacher divers enjeux comme les difficultés d'accès aux soins.
«Il n'y a pas de problème à viser la performance, soutient M. Marissal. Il y a un problème à négocier sur la place publique et à se servir d'une chicane avec les médecins pour cacher les ratés du gouvernement en matière de santé.»
Le député Pascal Paradis, du Parti québécois, soulève que l'idée d'une réforme du mode de rémunération des omnipraticiens ne date pas d'hier chez la Coalition avenir Québec. «Le gouvernement de la CAQ s'est présenté aux élections avec une promesse formelle de réformer de fond en comble la rémunération des médecins, en commençant par mettre fin à l'incorporation des médecins, qui fait en sorte que les médecins au Québec ne paient pas leur juste part d'impôt. C'est important, ça [...] et le gouvernement ne respecte pas sa promesse. Il ne va pas là», déplore-t-il.
De son côté, le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, croit qu'il faut des incitatifs dans la rémunération. «Je pense que les médecins veulent rencontrer les patients, les médecins veulent offrir les services. [...] Je pense qu'il faut qu'ils trouvent une entente puis il faut qu'il y ait des incitatifs, puis leur donner les moyens de voir des patients», a-t-il commenté.