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Économie

La Baie d'Hudson n'a pas pu rivaliser avec des concurrents agiles, selon des experts

Des gens passent devant le magasin La Baie d'Hudson à Toronto, le 10 mars 2025.
Des gens passent devant le magasin La Baie d'Hudson à Toronto, le 10 mars 2025.

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La Presse canadienne
La Presse canadienne

Les experts du commerce de détail affirment que la disparition imminente de la Compagnie de la Baie d'Hudson en tant que présence nationale constituerait une «perte historique», mais pas surprenante, compte tenu de l'incapacité du détaillant à attirer les clients en magasin.

«La Baie en particulier (…) a eu beaucoup de mal à s'adapter à l'évolution des habitudes d'achat, des préférences et de la demande des consommateurs», a expliqué Jamie Hyodo, professeur adjoint en comportement des consommateurs à l'Université Western, lors d'une récente entrevue.

 

Fondée en 1670 comme entreprise de traite des fourrures, La Baie d'Hudson a connu son apogée au XXe siècle, lorsque le magasin servait de guichet unique pour les Canadiens à la recherche de vêtements, de cosmétiques et d'articles pour la maison de qualité, a indiqué M. Hyodo.

Mais avec l'évolution du paysage du commerce de détail — les détaillants à bas prix ont commencé à se généraliser dans les années 1960 et 1970 et les marques de luxe ont ouvert des magasins indépendants leur permettant de vendre directement aux consommateurs sans passer par un grand magasin —, La Baie d'Hudson a «perdu sa clientèle, tant bas de gamme que haut de gamme», selon M. Hyodo.

«Nous avons également assisté à l'essor de détaillants spécialisés dans une catégorie de produits, qui connaissent encore un grand succès aujourd'hui, des organisations et des marques comme Best Buy et Home Depot, qui dominent une catégorie de produits entière, a ajouté l'expert. L'étendue et la richesse de leur offre dans cette catégorie sont incomparables.»

Les difficultés financières de La Baie d'Hudson ont atteint leur paroxysme le 7 mars, lorsqu'elle a déposé une demande de protection contre ses créanciers. Le détaillant a attribué ses difficultés à la faiblesse des dépenses de consommation, aux tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis et à la baisse de l'achalandage dans les magasins après la pandémie.

L'entreprise a reçu vendredi l'autorisation de liquider l'ensemble de ses 80 magasins de La Baie d'Hudson, à l'exception de six d'entre eux, ainsi que trois magasins Saks Fifth Avenue et 13 magasins Saks Off 5th au Canada, qu'elle détient dans le cadre d'un accord de licence.

Ce n'est pas la première fois qu'un grand magasin à rayons est en difficulté au Canada.

Eaton a fermé ses portes en 2002, Sears Canada en 2018 et le géant américain de la vente au détail Nordstrom a quitté le Canada en 2023.

Plus adaptée à la demande

Malgré l'engouement actuel pour la marque La Baie d'Hudson — comme en témoignent les clients qui se sont précipités en magasin cette semaine pour ses emblématiques produits rayés —, le détaillant souffre d'une trop grande taille qui ne s'est pas adaptée à la demande des consommateurs pour le magasinage en ligne et les magasins expérientiels, selon les experts.

Lisa Hutcheson, directrice associée du groupe J.C. Williams, a mentionné que La Baie d'Hudson n'avait «pas de stratégie claire et précise» depuis une dizaine d'années.

«Les clients veulent faire leurs achats en magasin, ils veulent des boutiques attrayantes et expérientielles, et il n'y avait plus aucune raison impérieuse de se rendre dans un magasin La Baie d'Hudson», a-t-elle souligné lors d'une entrevue.

Pour illustrer la réussite des détaillants traditionnels, elle a cité Aritzia et le géant de la beauté Sephora. Tous deux proposent des offres similaires à celles de La Baie, mais offrent aux clients des expériences en magasin intéressantes.

«Ils connaissent très bien leurs clients», a-t-elle ajouté, soulignant que les vitrines et les cafés de certains magasins Aritzia attirent les clients, tandis que la diversité de choix et de services de Sephora rend superflues les visites dans un grand magasin.

Les magasins TJX Companies se démarquent également au Canada, Mme Hutcheson attribuant leur succès à la taille réduite de leurs magasins, qui nécessitent moins de personnel et s'adressent davantage au consommateur moyen, soucieux d'en avoir pour son argent plutôt que de magasiner dans un environnement haut de gamme.

«Le consommateur a des problèmes de budget et (…) est très économe et soucieux de son revenu disponible, il migrerait donc vers Winners ou Marshalls», a analysé Mme Hutcheson.

Une transition tardive

Même si La Baie d'Hudson avait souhaité s'adresser davantage aux consommateurs soucieux de leur budget avant ses difficultés, il était peut-être trop tard, juge M. Hyodo.

Selon lui, les tentatives de transition vers un modèle économique plus durable auraient dû avoir lieu «il y a des décennies», en réduisant son inventaire, la taille de ses magasins et en ciblant mieux sa clientèle.

«Il est très difficile de proposer une offre de qualité qui soit appréciée de tous, car alors on n'est pas le plus apprécié de tous», a estimé M. Hyodo.

Les experts ont également constaté que La Baie d'Hudson peinait à s'adapter à un paysage commercial où les clients se tournaient vers les achats en ligne.

M. Hyodo a expliqué que le détaillant avait adopté sa stratégie numérique plus tardivement que d'autres et avait manqué l'occasion de se constituer une clientèle attirée par sa marque, mais qui n'avait pas le temps de faire ses achats en personne.

Diane Brisebois, présidente-directrice générale du Conseil canadien du commerce de détail, a avancé que, même si, peu avant la pandémie, La Baie d'Hudson avait tenté de mieux s'adresser à une génération de jeunes consommateurs qui achetaient en ligne, le fait que le principal marché de l'entreprise ait longtemps été une population plus âgée n'a pas aidé.

Mme Brisebois a également souligné que leurs efforts avaient été tempérés par les confinements liés à la COVID-19 et un marché en ligne déjà concurrentiel.

Mme Hutcheson a précisé que l'entreprise avait perdu de vue l'objectif d'offrir une expérience d'achat positive aux clients en magasin, alors qu'elle adoptait un modèle de commerce électronique loin d'être idéal.

La plateforme en ligne de l'entreprise n'était pas bien intégrée à ses magasins physiques, ne mettait pas l'accent sur les produits uniques qu'elle offrait et ne parvenait pas à intégrer pleinement sa plateforme en ligne à l'offre des magasins, contrairement à ses concurrents, a-t-elle indiqué.

«Le client ne se dit pas: "Je vais magasiner uniquement sur mon ordinateur ou en magasin". Il veut pouvoir le faire instantanément, en s'intégrant aux médias sociaux», a expliqué Mme Hutcheson.

— Avec des informations de Tara Deschamps, à Toronto

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