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Économie

Les boutiques hors taxes voient leur activité chuter en contexte de guerre tarifaire

Les ventes ont chuté de 40 à 50 % à l'échelle du pays.

Une pancarte indiquant la présence d'une boutique hors taxes au poste frontalier canado-américain de Saint-Bernard-de-Lacolle, au Québec, le jeudi 10 avril 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes
Une pancarte indiquant la présence d'une boutique hors taxes au poste frontalier canado-américain de Saint-Bernard-de-Lacolle, au Québec, le jeudi 10 avril 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes
Christopher Reynolds
Christopher Reynolds / La Presse canadienne

Un groupe de propriétaires de boutiques hors taxes constate une chute des ventes à la frontière, les voyageurs canadiens évitant les États-Unis en raison de la colère suscitée par les droits de douane et les menaces d'annexion du président américain Donald Trump. 

Philippe Bachand était dans la mi-vingtaine lorsqu'il a participé à l'ouverture de la boutique hors taxes familiale à une heure au sud de Montréal.

En 37 ans, il n'a jamais constaté une baisse aussi importante de l'achalandage et des ventes pendant que la frontière canado-américaine est ouverte.

Après que le président américain Donald Trump a lancé sa guerre commerciale et envisagé d'annexer le Canada, les revenus ont commencé à chuter, parallèlement à la diminution du nombre de voyageurs.

«Janvier n'était pas si mal. Février commençait à ralentir, puis mars, avec les nouveaux droits de douane et tout le reste, mon achalandage canadien a chuté de 50 %, a indiqué M. Bachand, 63 ans, dont la boutique est située à Philipsburg, en Estrie. Ce n'est pas drôle.»

Son expérience reflète le coup dur que subissent les propriétaires de boutiques hors taxes partout au pays.

Les ventes ont chuté de 40 à 50 % à l'échelle du pays depuis fin janvier, les passages frontaliers plus éloignés signalant des baisses allant jusqu'à 80 %, selon l'Association Frontière Hors Taxes.

«Cela s'est effondré», a expliqué la directrice générale Barbara Barrett, dont l'association représente 32 magasins.

Les commerces familiaux, qui vendent des produits hors taxes allant des biscuits à l'érable au whisky Canadian Club, commençaient tout juste à se remettre de la pandémie de COVID-19 lorsque la guerre commerciale a éclaté, selon les propriétaires.

«Je viens de me réveiller de ma gueule de bois de la COVID et je vis un cauchemar tarifaire», a raconté John Slipp, en se rendant en voiture à la boutique hors taxes de Woodstock, au Nouveau-Brunswick, fondée par son père en 1985.

Des piliers de l'économie locale

Bien que les boutiques hors taxes aux postes frontaliers terrestres soient près d'une trentaine, Mme Barrett estime qu'elles peuvent être des piliers de l'économie locale dans les zones rurales. La boutique Bachand employait 50 personnes à son apogée en 2019, et en compte aujourd'hui 20.

Des licenciements sont toutefois possibles si les affaires ne se redressent pas.

L'association, dont les membres n'ont pas la possibilité de se tourner vers la livraison ou la vente en ligne, demande au gouvernement fédéral d'offrir un soutien sous forme de subventions ou de prêts pour surmonter les perturbations.

«Nous dépendons à 100 % de ces déplacements transfrontaliers, a souligné Mme Barrett. Il faut se rendre aux États-Unis pour entrer dans nos magasins.»

Selon Statistique Canada, le nombre de Canadiens rentrant chez eux en voiture depuis les États-Unis a diminué de près de 32 % le mois dernier par rapport à mars 2024, ce qui représente le troisième mois consécutif de baisse sur un an.

À certains postes frontaliers, les Américains rentrant chez eux constituent la majorité des acheteurs. Les visites en voiture des résidents américains ont cependant diminué de 11 % le mois dernier par rapport à l'année précédente, soit le deuxième mois consécutif de baisse sur un an.

«On dirait que les Américains sont gênés de venir au Canada, a avancé M. Bachand, qui a évoqué les huées que les équipes sportives américaines ont essuyées au Canada ces deux derniers mois. Ce n'est pas accueillant.»

À Woodstock, M. Slipp a précisé que les acheteurs locaux du côté américain représentaient autrefois un cinquième de ses ventes.

«C'est zéro maintenant, a-t-il lâché. Et je crois que c'est dû à l'anxiété liée à la frontière. Les Américains de la région ne savent tout simplement pas ce qui se passe à la frontière.»

Des informations faisant état d'étrangers envoyés en détention ou en centre de traitement pour de longues périodes, notamment la Canadienne Jasmine Mooney, ainsi que deux touristes allemands et un routard gallois, ont également semé la frousse au nord de la frontière, dissuadant certains Canadiens de partir aux États-Unis.

Des commerçants ont indiqué que la proportion de clients canadiens par rapport aux clients américains fluctue traditionnellement en fonction de la monnaie des deux pays. Or, les visites canadiennes aux États-Unis ont bondi de 7 % en décembre, alors que le huard était également en baisse, mais que la rhétorique tarifaire n'avait pas encore explosé.

Si l'alcool est son gagne-pain, M. Slipp a tenu à rappeler aux Canadiens que les boutiques hors taxes proposent une gamme de produits régionaux: dans son cas, des peintures réalisées localement, du chocolat et des stylos en bois artisanaux, des bijoux artisanaux en étain de Fredericton et du sirop d'érable provenant des exploitations voisines.

C'est à la Maison-Blanche qu'il vaudrait mieux faire part de sa colère, juge-t-il, plutôt que les villes de l'autre côté de la frontière, où lui et d'innombrables Canadiens ont des amis et de la famille.

Mme Barrett a également appelé à un discours plus calme, affirmant que «la frontière est utilisée comme un ballon de football politique».

Christopher Reynolds
Christopher Reynolds / La Presse canadienne