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Société

«Tout le monde a peur»: le personnel de La Baie d'Hudson craint les pertes d'emploi

«Tout le monde a peur. Tout le monde est incertain de ce que l'avenir nous réserve.»

Un client quitte le magasin La Baie d'Hudson au centre-ville de Calgary, en Alberta, le jeudi 20 mars 2025.
Un client quitte le magasin La Baie d'Hudson au centre-ville de Calgary, en Alberta, le jeudi 20 mars 2025.

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La Presse canadienne
La Presse canadienne

Dernièrement, Kevin Grell ressent une lourdeur instantanée en franchissant la porte du centre de traitement des commandes de La Baie d'Hudson à l'est de Toronto.

Avec les autres employés du site de Scarborough, il prépare les commandes en ligne pour le détaillant. L'avenir de l'entreprise les inquiète depuis des mois, mais, lorsque celle-ci s'est placée sous la protection de ses créanciers le 7 mars, puis a demandé la permission de liquider tous ses magasins dix jours plus tard, M. Grell a expliqué que l'inquiétude est devenue inéluctable.

«On sent la différence. Tout le monde est inquiet. Tout le monde a peur. Tout le monde est incertain de ce que l'avenir nous réserve», a raconté M. Grell, un opérateur de commerce électronique qui a fêté ses huit ans d'expérience dans le conditionnement de commandes pour La Baie en novembre.

 

«Les gens ont des factures à payer et des hypothèques à rembourser. Ils ne savent pas quoi faire et c'est difficile, car beaucoup sont tristes», a-t-il ajouté.

Travaillant malgré l'émotion, ils ont préparé l'afflux de commandes de Canadiens désireux de se procurer des souvenirs de l'entreprise en difficulté, tout en se demandant combien de temps encore ils toucheront leur salaire.

Un coût humain

Leurs expériences et leurs sentiments offrent un aperçu du coût humain de la chute de la plus ancienne entreprise du Canada et préfigurent les jours sombres qui pourraient survenir si l'entreprise, vieille de 355 ans, ne trouve pas suffisamment de financement pour annuler son plan de liquidation.

Pour les 9364 employés de l'entreprise, la fermeture potentielle de 80 magasins La Baie d'Hudson, de trois magasins Saks Fifth Avenue et de 13 magasins Saks Off 5th au Canada aura de lourdes conséquences.

La Baie d'Hudson n'a pas voulu commenter.

Toutefois, sa présidente-directrice générale, Liz Rodbell, a déclaré dans un communiqué la semaine dernière que la détermination de l'entreprise «est renforcée par le soutien massif des clients et des associés».

«Ces expériences marquantes nous rappellent pourquoi nous devons continuer à saisir toutes les occasions possibles pour obtenir le soutien nécessaire des principaux propriétaires et des autres parties prenantes afin de sauver La Baie.»
-Liz Rodbell, présidente-directrice générale

Dans la situation actuelle, les employés pourraient voir leur emploi disparaître en quelques jours ou semaines, selon la rapidité avec laquelle l'entreprise réagit. Nombre d'entre eux ignorent s'ils conserveront leur retraite et leurs avantages sociaux, voire s'ils recevront une indemnité de départ.

«Évidemment, dans des situations comme celle-ci, l'indemnité de départ est au plus bas, a souligné M. Grell. Tout le monde en est arrivé à la conclusion qu'il pourrait ne pas y avoir d'indemnité de départ et ils ne sont pas satisfaits.»

Licencier du personnel pour éviter le versement d'indemnités de départ permet à l'entreprise d'économiser 100 millions $, estime Andrew Hatnay, avocat représentant les employés.

Depuis que La Baie d'Hudson s'est placée sous la protection de ses créanciers, il constate une avalanche de questions de la part d'employés en quête d'un peu de réconfort.

Des documents judiciaires montrent que le régime de retraite de l'entreprise comptait plus de 21 000 membres au 31 décembre, dont certains ont travaillé pour Simpsons, Zellers et Kmart Canada, acquis par La Baie d'Hudson. Ils affirment que le régime était «suffisamment financé» et «capable de s'acquitter de ses obligations».

On a assuré aux employés que leurs retraites étaient sûres, mais un régime de retraite complémentaire, qui couvre les cadres, selon Me Hatnay, est sous-financé de plusieurs millions de dollars, tout comme certains régimes d'avantages sociaux, d'après les documents judiciaires.

La situation est «décevante et embarrassante», a témoigné Margaret Henry, qui travaille comme préparatrice en commerce électronique dans le même centre de traitement des commandes que M. Grell.

Bien qu'elle soit à un âge où elle pourrait prendre sa retraite, d'autres n'auront pas cette chance, car ils sont plus jeunes. Elle s'inquiète également pour le personnel qui a des difficultés avec l'anglais.

M. Grell a indiqué que de nombreux employés de son usine sont «d'âge mûr». Par exemple, il a 61 ans, ce qui le place à quelques années de la retraite.

Il a décroché son emploi en 2016 grâce à une agence d'intérim et est immédiatement tombé sous le charme de l'entreprise et de ses collègues.

L'esprit de camaraderie l'a incité à revenir, même après que La Baie d'Hudson l'a licencié pas moins de trois fois ces dernières années.

Mme Henry, qui occupe ce poste depuis 2012, s'est habituée à voir des employés perdre leur emploi par vagues successives, pour ensuite se voir offrir la possibilité de revenir peu après, lorsque la demande a repris.

Le cycle s'est répété à tel point qu'elle estime aujourd'hui qu'il y a environ 60 employés dans l'immeuble.

À ses débuts, il y avait 35 employés, mais, grâce à l'investissement de La Baie d'Hudson dans ses activités de commerce électronique, l'équipe est passée à environ 400 personnes à un moment donné.

Une inquiétude qui ne date pas d'hier

L'équipe s'est habituée aux heures supplémentaires abondantes lors des périodes de magasinage clés, comme Noël ou les célèbres Jours La Baie, mais quelque chose a changé autour du Vendredi fou en 2023, selon Mme Henry.

On avait fait croire aux employés que les ventes seraient élevées, mais dès 8 heures du matin, ils ont compris que ce n'était pas le cas. Les employés savaient que quelque chose n'allait pas.

Par exemple, les cafétérias ont perdu leurs téléviseurs. Les serviettes en papier sont devenues difficiles à trouver.

Mme Henry a supposé que la chute des ventes était liée au manque de modernisation de l'entreprise et à la concurrence féroce de détaillants plus branchés et de géants du commerce électronique, comme Temu et Shein.

Elle a ensuite remarqué que les produits habituellement acheminés par l'entrepôt avaient cessé d'arriver des fournisseurs.

«J'ai compris à ce moment-là qu'ils ne payaient pas les créanciers», a-t-elle déclaré.

L'intuition de Mme Henry a semblé se confirmer lorsque des documents judiciaires ont révélé que son employeur devait des centaines de millions à une liste de créanciers de 26 pages, dont Chanel, Columbia Sportswear et Diesel.

Mme Henry et M. Grell, tous deux délégués syndicaux, ont découvert l'ampleur réelle des difficultés de l'entreprise grâce aux médias.

Me Hatnay estime que l'entreprise aurait dû se mettre sous la protection de ses créanciers bien avant que sa situation financière ne se détériore autant.

M. Grell est d'accord. Il surveille les offres d'emploi externes, mais, avec les consommateurs plus soucieux des coûts de nos jours et les entreprises confrontées à des droits de douane, il sait qu'il ne sera pas facile de trouver un nouvel emploi.

Alors qu'il se concentre sur le temps qu'il lui reste à un emploi qu'il considère comme «plus qu'un simple chèque de paie», il tient à ce que les clients sachent que préparer leurs commandes a été un honneur.

«Nous sommes tous très tristes de vous voir partir et très fiers de vous servir», a-t-il soutenu.

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