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Société

Droit de grève retiré aux procureurs: leur association demande d'invalider la loi

Cette loi de 2011 avait été adoptée après une grève des procureurs.

Le palais de justice de Montréal le 27 mars 2019.
Le palais de justice de Montréal le 27 mars 2019.
Lia Lévesque
Lia Lévesque / La Presse canadienne

L’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales vient de déposer une requête à la Cour supérieure, lui demandant d’invalider plusieurs articles d’une loi qui leur avait retiré le droit de grève pour le remplacer par des mécanismes de règlement des différends.

Cette loi de 2011 avait été adoptée après une grève des procureurs.

La loi leur avait retiré le droit de grève et avait institué, en contrepartie, deux mécanismes distincts pour décider de l’augmentation de leur rémunération et de leurs clauses normatives.

Ce sont ces mécanismes que l’Association des procureurs conteste, estimant qu’ils ne sont pas justes et équitables et qu’ils ne lient pas les deux parties.

La rémunération

Le mécanisme qui vise à statuer sur leur rémunération passe par un comité qui doit, tous les quatre ans, évaluer celle-ci en se basant sur sept critères. Mais ce comité sur la rémunération ne fait que des recommandations au gouvernement.

Par exemple, au moment de statuer sur la rémunération des procureurs pour les années 2019 à 2023, les trois membres du comité étaient divisés. Deux recommandaient d'accorder 19,25 % d'augmentation aux procureurs sur quatre ans et l'autre recommandait 10 %. Le gouvernement avait choisi de suivre la recommandation du membre dissident.

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Qui plus est, les procureurs ne peuvent négocier certaines conditions de travail, comme le régime de retraite et les droits parentaux, puisque cela n'est pas prévu dans le mandat de ce comité.

«Les conclusions du rapport du Comité sur la rémunération n'ont pas de conséquences contraignantes ou coercitives à l'endroit du gouvernement, puisque les conclusions ne lient pas l'Assemblée nationale, qui est libre d'approuver, modifier ou rejeter, en tout ou en partie, ces recommandations», souligne l'Association dans sa requête.

Les clauses normatives

Le second mécanisme, qui vise à statuer sur les clauses normatives, prévoit la négociation entre l'Association et le Directeur des poursuites criminelles et pénales ou à défaut d'entente: l'arbitrage. Là aussi, la décision de l'arbitre constitue une recommandation au gouvernement, qui décide en fin de compte.

Là encore, lorsque l'arbitre a rendu sa décision, en septembre 2023, pour les années 2023 à 2027, «le gouvernement a modifié 13 recommandations et rejeté deux autres recommandations de l'arbitre», souligne l'association dans sa requête. 

L’Association soutient que, jusqu’ici, dans son application, «la loi a tout simplement pour effet de retirer le pouvoir de négociation détenu par les procureurs pour les transférer, dans leur totalité, au gouvernement».

Droit de grève et mécanismes

L’Association rappelle qu'en janvier 2015, la Cour suprême du Canada a statué, dans l'arrêt Saskatchewan, que le droit de grève devait bénéficier d'une protection constitutionnelle et qu'il était une composante indispensable de la négociation collective.

«L'existence d'un mécanisme véritable et efficace de règlement des différends devient obligatoire, dès que le législateur restreint ou interdit l'exercice du droit de grève: un tel mécanisme n'est donc pas une option, mais une obligation», souligne l'Association dans sa requête.

«La Cour suprême établit qu'afin d'assurer un processus de remplacement véritable et efficace, ce dernier doit comporter les caractéristiques suivantes: il doit être efficace, être juste, il doit permettre le règlement des différends, être équitable, il doit reposer sur un tiers impartial et indépendant, il doit compenser la perte du pouvoir des salariés résultant de la privation du droit de grève et mettre sur un pied d'égalité les employés et l'employeur et enfin, il ne doit pas exclure de matières ouvertes à la négociation», affirme l'Association dans sa requête.

L'association soutient aussi que ce processus équitable «doit nécessairement lier les parties et être exécutoire».

L'Association soutient donc que la loi est inconstitutionnelle, parce qu'elle contrevient aux chartes québécoise et canadienne des droits et qu'elle entrave de manière substantielle son droit à un processus de négociation collective véritable.

Elle demande à la Cour supérieure d’ordonner la mise en place d’un véritable mécanisme de règlement des différends, conforme aux exigences constitutionnelles en matière de droit de grève.

Lia Lévesque
Lia Lévesque / La Presse canadienne