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Société
Chronique |

Sans nos éducatrices, nous sommes foutus

Ce n’est pas compliqué: reconnaissez-les. Et payez-les. Point.

Sans elles, nous sommes foutus. Pendant que les éducatrices soignent, éduquent et cajolent nos tout-petits, nous, parents, pouvons aller travailler, rapporter de l’argent et nous épanouir professionnellement. 

Il est grand temps qu’on reconnaisse leur apport crucial, à la base du fonctionnement de notre société.

Catherine, 48 ans, est éducatrice depuis 26 ans à Sorel-Tracy. Son métier, elle l’aime encore.

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Mais elle est à bout de souffle.

«Je suis tannée de me battre aux trois ans, tannée de me faire dire: "lâche pas, continue". Je suis fatiguée. J’ai toujours eu espoir que les conditions changent, mais ça va de mal en pis.»

L’écœurantite de cette mère de famille représente bien le niveau de découragement des éducatrices. Au Québec, les travailleuses de 400 centres de la petite enfance (CPE) affiliés à la CSN ont tenu jusqu’ici treize jours de grève cette année. Leur convention collective elle, est échue depuis le 31 mars 2023.

Au cœur de leurs demandes: une revalorisation de leur métier qui passe par de meilleures conditions de travail et un meilleur salaire. Elles ne le font pas que pour elles, elles le font pour la continuité et la survie des CPE.

Actuellement, le métier n’attire pas suffisamment d’étudiantes dans les programmes d’études. Pour ajouter au désastre, les conditions de travail actuellement offertes ne retiennent pas non plus le personnel en place. En novembre 2024, on estimait que plus de 4000 éducatrices avaient quitté leur emploi dans la dernière année... 4000 !

Un rappel : le salaire moyen d’une éducatrice dans un CPE est estimé à 21,29 $/heure, soit environ 46 000 $ par année.

Accompagner, soutenir, élever, aimer nos enfants, les citoyens de demain, ne vaut-il pas plus que ça?

Je pose la question, car cette grève, elle nous concerne tous.

À VOIR ÉGALEMENT | Le ton monte dans les CPE avec d'autres jours de grève annoncés

Le casse-tête des parents

Je le répète, sans elles, nous sommes foutus. On en voit bien la preuve, multipliée par mille, ces jours-ci. La grève cause des maux de tête à des milliers de parents du Québec. Les parents de 50 000 enfants sont touchés par ce conflit de travail.

«Je capote! Je suis enceinte de mon quatrième enfant et je veux juste travailler, je ne veux pas piger dans mes vacances», confie Anik, mère de trois garçons qui vit en Abitibi. «Mon conjoint travaille à l’extérieur. Je risque de faire un burnout et je sais que je ne suis pas la seule!»

Anik, comme bien des parents, est en colère: elle ne comprend pas pourquoi le gouvernement «ne se déguédine pas».

Pourquoi ça ne bouge pas?

Parce que d’un côté, le syndicat dénonce l’écart entre la rémunération en CPE et celui du secteur public, dans les écoles par exemple. Autrement dit, pour un travail similaire, les éducatrices sont payées 7% de plus dans les écoles.

Et de l’autre côté, le gouvernement considère que leur offre est juste puisqu’elle est la même que celle faite aux autres employés du secteur public, soit une augmentation de 17,4% sur cinq ans.

Quel filet de sécurité?

Il y a une impasse dans la lecture de la situation. Et ce sont les parents qui sont pris en souricière pendant ce temps.

Dans leur cœur, ils appuient les revendications des éducatrices, mais dans les faits, la vie est drôlement compliquée sans accès aux CPE. C’est un beau casse-tête qui demande inventivité, flexibilité… et lâcher-prise. Comment respecter ses livrables au travail, comment accomplir ses tâches quand on a la marmaille dans nos pattes?

Ce ne sont pas tous les parents qui ont accès à un réseau. Certains peuvent compter sur leurs propres parents, mais les grands-parents aussi commencent à être au bout du rouleau.

On aime souvent parler au Québec du «filet de sécurité», ce fameux filet qui permet de rester vigilant et de s’entraider quand les choses vont moins bien. On l’a beaucoup vanté pendant la pandémie: plusieurs familles n’avaient soudainement plus accès au filet de sécurité sociale, se retrouvant plus isolées, plus seules, plus démunies et vulnérables.

Pas compliqué

Ce filet de sécurité, c’est également le réseau de CPE. Admiré et cité en exemple partout dans le monde, il se fissure tranquillement, il se dissout.

Pourquoi on ne donnerait pas aux éducatrices un statut dans notre société qui représente la vraie place qu’elles occupent dans nos vies?

Alors, ce n’est pas compliqué: reconnaissez-les. Et payez-les. Point.

Parce que sans elles, nous sommes foutus.

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