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«Je pense qu'il devrait au moins dire que possiblement il a mal calculé ses paroles et qu'il devrait revenir, dire et faire une excuse publique.»
La famille des ressortissants salvadoriens installés dans la circonscription du député conservateur Richard Martel et qualifiés par l'élu de «réfugiés illégaux» estime que ce genre de commentaires est «offensant» et relève de l'«ignorance».
Dans une entrevue accordée en français, mardi, à La Presse Canadienne, le beau-frère d'une immigrante vivant dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Leticia Cruz, a dit espérer que M. Martel présente des excuses.
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«Je pense qu'il devrait au moins dire que possiblement il a mal calculé ses paroles et qu'il devrait revenir, dire et faire une excuse publique», a soutenu à l'autre bout du fil José Nicola Lopez.
Racontant l'histoire de sa famille, il l'a décrite comme un bel exemple d'intégration à la société québécoise.
«Je pense que nous, de notre côté, on a rien à nous reprocher comme citoyens que nous sommes et se faire offenser de la façon que M. Martel l'a fait, eh bien ça donne mal au c?ur», a laissé tomber celui qui travaille dans le milieu des transports en commun.
Il a indiqué être arrivé au Québec il y a environ 24 ans avec sa conjointe et ses enfants et avoir eu «une intégration impeccable».
«On a fait tout un travail pour nous intégrer à la société québécoise, a-t-il insisté. Je pense que nous avons bien réussi et aujourd'hui nous sommes des citoyens canadiens et québécois. Nous sommes fiers d'être devenus citoyens canadiens et de vivre dans une région francophone qui nous a donné un bel accueil.»
Sa belle-soeur, Leticia, a voulu rejoindre José Nicola Lopez et ses autres proches, en 2018, en traversant irrégulièrement la frontière canado-américaine par le chemin Roxham, situé en Montérégie. Elle était alors accompagnée de son fils, Raul, a raconté M. Lopez.
Il a expliqué que Mme Cruz craignait l'expulsion dans son pays d'origine en raison de politiques instaurées par l'ex-administration américaine de Donald Trump.
«Les personnes comme ma belle-s?ur et mon neveu se sont retrouvés qu'ils n'avaient pas le choix. (C'était) soit de partir au Salvador ou de revenir nous (rejoindre) ici, nous, comme famille», a résumé M. Lopez.
Le chemin Roxham est bien connu comme étant le principal - voire le seul - point d'entrée de fortune pour mettre les pieds au Québec depuis les États-Unis. L'Entente sur les tiers pays sûrs, qui fait l'objet d'une renégociation entre Ottawa et Washington, fait en sorte qu'un réfugié potentiel se présentant à un poste frontalier officiel canadien et ayant d'abord foulé le sol américain est refoulé puisqu'il doit poursuivre sa demande d'asile dans le premier «lieu sûr» où il est arrivé. Ainsi, des demandeurs d'asile passent par le chemin Roxham.
«Après avoir vécu beaucoup de temps en dehors du pays d'origine, (les) personnes (comme ma belle-soeur), si elles veulent revenir au Salvador, sont des cibles faciles pour les gangs de rue (?) C'est mettre en danger sa vie», a dit M. Lopez.
Le résidant de Saguenay - municipalité incluse dans la circonscription fédérale de Richard Martel - a affirmé que sa belle-soeur et et son neveu ont essuyé un refus de statut de réfugié et qu'un avis a ensuite été reçu en vue d'une expulsion en date du 8 décembre dernier.
C'est alors que la famille s'est tournée vers le bureau de M. Martel pour lui demander de l'aide, ce qu'il a refusé de faire selon le récit de M. Lopez.
Dans des propos rapportés par Radio-Canada, M. Martel n'a pas démenti ce refus.
Il a expliqué qu'il n'a pas offert son soutien à ces nouveaux arrivants puisqu'ils sont arrivés au pays par le chemin Roxham.
«On parle de réfugiés illégaux, qui ont passé par le chemin Roxham, pendant qu'il y a des réfugiés légaux qui attendent! Ce cas-là, c'est des réfugiés illégaux. Moi, je n'embarque pas là-dedans», a-t-il dit dans cette entrevue accordée au diffuseur public.
La Presse Canadienne a sollicité une entrevue avec M. Martel, demande qui est demeurée sans réponse tout au long de la journée de mardi.
M. Lopez a précisé qu'il reproche au député conservateur ses propos voulant que sa belle-soeur et son neveu soient des «réfugiés illégaux» plutôt que son refus de les aider à éviter l'expulsion du Canada.
«Ça fait plus de trois ans qu'ils travaillent pour le même employeur qui est content de les avoir», a-t-il souligné, en mentionnant qu'il avait fait des démarches pour que Leticia et Raul Cruz apprennent le français, et ce, dès leur arrivée.
Leur dossier s'est finalement réglé quand le ministre de l'Immigration, Sean Fraser, est intervenu à la demande du député bloquiste Mario Simard.
«Pour travailler ici ça prend un permis de travail, ça prend un statut (?) Ils ne sont pas dans l'illégalité, a ajouté M. Lopez. L'illégalité, ce serait un bandit qui entre sans demander rien, pour passer et traverser le territoire ainsi que se cacher là, ou ne rien faire. Ça, c'est différent.»
Libéraux, bloquistes et néo-démocrates ont aussi vivement critiqué M. Martel pour ses commentaires.
«La décision d'un député conservateur de refuser un service à une famille en détresse est inappropriée, mais aller jusqu'à les qualifier de «illégaux» est incompatible avec les valeurs de compassion et d'inclusion que nous chérissons en tant que Canadiens», a tranché le ministre Fraser dans une déclaration écrite transmise par son équipe.
Il a exhorté ses «collègues» de tous les partis à tenir des débats sur les politiques d'immigration «de manière humaine et compatissante, sans recourir à des étiquettes nocives et à une catégorisation divisive».
Le bloquiste Mario Simard a abondé dans le même sens, rappelant que son parti demande la suspension de l'Entente sur les tiers pays sûrs, mais que d'avoir un débat politique ne signifie pas que l'on puisse faire des amalgames.
«Il y a des gens qui ont fait des demandes qui sont inhabituelles, mais ça n'existe pas un réfugié illégal (...) Je pense que Richard (Martel) devrait s'excuser (...) parce que ce qu'il a dit sans connaître le dossier et sans connaître tout ce que supposent les différents statuts peut avoir des conséquences négatives sur ces gens-là», a dit M. Simard en entrevue.
À son avis, la famille Cruz est sans conteste un modèle d'intégration qu'il faut saluer.
Le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice, estime que les propos et agissements de M. Martel sont «dégoûtants».
«Franchement, je trouve que c'est une façon assez inhumaine de traiter les gens», a-t-il soutenu en entrevue.
En plus de réclamer des excuses de la part du député conservateur, M. Boulerice voudrait que son chef de parti, Pierre Poilievre, donne «des directives, des instructions très claires qu'il n'accepte pas ce genre de discours-là».
«S'il est honnête avec le fait qu'il veut être ouvert aux immigrants et à l'immigration, eh bien, qu'il donne un mot d'ordre précis à l'ensemble de son caucus que ce n'est pas une manière de traiter les gens», a lancé celui qui est aussi député de la circonscription montréalaise de Rosemont_La Petite-Patrie.
Un porte-parole conservateur n'avait pas donné suite, au moment d'écrire ces lignes, à une demande de commentaire qui serait formulée par le bureau de M. Poilievre.
Une demande d'entrevue de La Presse Canadienne auprès de Pierre Paul-Hus, lieutenant politique du Québec pour l'opposition officielle, est restée lettre morte.
Néanmoins, une déclaration écrite de M. Paul-Hus a été fournie. «Nos députés aident les gens de tous horizons et soutiennent les Canadiens qui sont laissés pour compte par le gouvernement Trudeau tout en défendant un système d'immigration juste et compatissant», assure l'élu conservateur.
M. Paul-Hus en a profité pour critiquer le gouvernement libéral de Justin Trudeau dans le dossier de l'immigration.
«Le Parti conservateur soutient que le Canada est un pays ouvert, inclusif et diversifié, mais aussi un pays qui protège ses frontières, respecte la primauté du droit et favorise la sécurité, a-t-il déclaré. Au lieu de créer un arriéré massif et des années de retards comme l'ont fait les libéraux, nous allons corriger la mauvaise gestion et nous assurer que le processus pour les immigrants réguliers est sans faille afin qu'ils puissent se joindre à nos communautés et enrichir notre pays.»
Le NPD demande, comme le Bloc québécois, la suspension de l'Entente sur les tiers pays sûrs. De leur côté, les conservateurs ont signalé par le passé qu'ils souhaitent l'application uniforme de cette entente tout le long de la frontière, poste d'entrée officiel ou non.