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Il n’y a plus de toit, plus de vitres, ni même une seule porte. Tout ce qu’il reste du lieu où elle a vécu toute sa vie, ce sont quatre murs de pierre. «Voici où était le salon, voici où se trouvait la cuisine», nous explique-t-elle, les deux pieds dans les débris partiellement enneigés de ce qui était autrefois son univers.
DOSSIER | Noovo Info en Ukraine
La guerre est passée par ici. Et, elle a été sans pitié pour le village de Korobochkyne à l’est de Kharkiv.
Mais comme pour des milliers d’autres aînés de l’Ukraine, la babushka — grand-mère en ukrainien — refuse catégoriquement de quitter son village, même si cela implique de traverser l’hiver dans un minuscule bâtiment, sans eau courante ni électricité.
«Je ne veux pas partir, je ne veux pas m’enfuir de cette épreuve. C’est la décision de Dieu», croit avec fermeté l’octogénaire.
En Ukraine, une personne sur quatre est âgée de plus de 60 ans. Au moment de l’invasion surprise de la Russie, et alors que des millions de personnes fuyaient vers l’Ouest, plusieurs aînés ont fait le choix de rester derrière.
Inna Kazacova, Lyudmyla Hubareva et Nina Haline. | Crédits photo: Noovo Info
Conflit armé ou non, bombes ou pas, hors de question de fuir, ils sont chez eux ici après tout.
«Les aînés ont une forte appartenance à leur village. C’est ici qu’ils ont vécu leur vie, qu’ils ont bâti leur maison. Ils font partie de la communauté», explique la travailleuse sociale de Nina, Lyudmyla Hubareva.
Depuis des mois, Lyudmyla accompagne ces bénéficiaires âgés dans leurs tâches quotidiennes, comme le nettoyage, le paiement de factures, le chauffage, mais — surtout — elle est là pour discuter, prendre un thé, d’être humain à être humain.
D’autres aînés ukrainiens auraient toutefois espéré pouvoir s’enfuir, mais l’isolement social, la maladie ou un handicap physique les en a empêchés.
Lors des évacuations, la fracture numérique intergénérationnelle a aussi eu des conséquences regrettables. Les alertes étaient principalement diffusées en ligne ou sur les téléphones intelligents. Avant que le message ne se rende à une clientèle plus âgée, les soldats russes se trouvaient dans leur cour arrière.
«Du jour au lendemain, des aînés se sont retrouvés emprisonnés dans leur propre maison», explique la coordonnatrice de HelpAge à Kharkiv, Inna Kazacova. «Ils sont abandonnés, laissés à eux-mêmes, dans d’horribles conditions. Ça pourrait être les derniers moments de leur vie.»
La coordonnatrice de l'organisme, Inna Kazacova lors de l'entrevue. | Crédits photo: Noovo Info
L’organisation non gouvernementale HelpAge vient en aide aux aînés vulnérables du pays — comme Nina — en leur fournissant des produits de base, mais aussi de l’aide psychologique. Dans la grande région de Kharkiv, deuxième plus grande ville du pays, l’organisme soutient des centaines de personnes âgées.
L’équipe est débordée, épuisée par 12 mois de guerre, mais déterminée à poursuivre sa mission, une mission qui leur donne «une raison de vivre».
Une aînée bénéficiaire de l'organisme HelpAge. | Crédits photo: Noovo Info
«J’ai un peu de colère pour être honnête», lance Inna. «Comment certains proches peuvent-ils prendre la décision de laisser leurs parents seuls?»
En fin de journée, notre équipe a poursuivi sa visite avec Oleg, cette fois, pour distribuer des dons.
Nous sommes dans Saltivka, le quartier le plus dévasté de Kharkiv. Des passants marchent devant des immeubles éventrés ou effondrés, pas un seul coup d’œil, ils sont se sont habitués au paysage de destruction.
Au sixième étage d’un bâtiment sans électricité, Alina nous ouvre sa porte. À la vue de Oleg et de notre caméra, la dame âgée fond en larmes. Son mari est mort il y a quelques mois d’une crise cardiaque, à la suite d’un bombardement dans son quartier. Elle vit maintenant seule, sans travail et sans revenu.
Voici la réaction d'Alina à notre arrivée. | Crédits photo: Noovo Info
«Sans eux, sans Oleg, je ne serais plus en vie», dit-elle, la gorge serrée par l’émotion.
Selon le Programme des Nations Unies pour le développement international, 90% de la population ukrainienne risque de tomber dans la pauvreté si la guerre se poursuit.
Voyez le reportage de Louis-Philippe Bourdeau.