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Emmanuelle Bernheim, titulaire d'une chaire de recherche du Canada, craint que les récentes tragédies ayant frappé le Québec stigmatisent les gens souffrant de maladie mentale.
Emmanuelle Bernheim, titulaire d'une chaire de recherche du Canada, craint que les récentes tragédies ayant frappé le Québec stigmatisent les gens souffrant de maladie mentale.
Par exemple, la sergente Maureen Breau de la Sûreté du Québec a été poignardée le 27 mars lors d'une intervention par un homme qui aurait éprouvé des problèmes de santé mentale. Cet individu, qui a été abattu par la police, avait été déclaré non criminellement responsable au moins cinq fois pour des infractions passées.
Ce meurtre survenait après d'autres événements tragiques: deux enfants ont été tués dans une garderie de Laval lorsqu'un chauffeur a lancé son autobus contre l'immeuble, trois personnes sont mortes après avoir heurté par une camionnette sur un trottoir d'Amqui ou un adolescent a été accusé d'avoir poignardé à mort trois membres de sa famille.
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À la suite de ces drames, divers politiciens, dont le premier ministre du Québec François Legault, ont souligné la nécessité d'améliorer les soins en santé mentale. Certains ont soulevé l'hypothèse d'imposer des traitements.
La Pre Bernheim, qui enseigne aussi à l'Université d'Ottawa, affirme que la précipitation à lier la violence à la santé mentale se fonde sur «une fausse association». Elle ajoute que des recherches n'ont pas démontré que les personnes souffrant de maladie mentale soient plus violentes que les autres.
Au contraire, elles sont plus souvent les victimes d'un crime. Mais ce stéréotype persiste, peut-être parce que les gens cherchent à trouver un sens à une tragédie, croit la Pre Bernheim.
«Cela en dit long sur comment nous sommes incapables de gérer ce genre de comportement», lance-t-elle.
François Legault a décrit la mort de Mme Breau comme «un autre drame violent».
«C’est clair qu’il y a des problèmes de santé mentale», a-t-il ajouté. Il a promis que les gens représentant un danger pour eux-mêmes ou pour autrui seraient traités rapidement.
La Pre Bernheim juge que les commentaires du premier ministre sont «hasardeux» parce qu'ils peuvent créer une méfiance envers tous ceux souffrant d'une maladie mentale. De plus, elle constate que les hospitalisations involontaires et les traitements forcés sont en hausse au cours des récentes années.
Citant de données gouvernementales, elle dit que le nombre des hospitalisations involontaires ont augmenté de près de 30% de 2015 à 2020. Le nombre de traitements forcés s'est élevé de 45%.
«Quand on dit que l'on va traiter les gens contre leur volonté, qu'on va les hospitaliser contre leur volonté et que cela réglera le problème. Les pratiques actuelles démontrent que ce n'est pas du tout le cas», souligne-t-elle.
La Pre Bernheim note qu'aucun des suspects pour les meurtres à Laval et à Amqui, ne semblait avoir des antécédents psychiatriques.
L’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ) a annoncé mardi le lancement d'une pétition réclamant un protocole sur le partage de renseignements, afin que les policiers soient prévenus de l'état de santé d'une personne avant leur intervention.
La Pre Bernheim craint qu'une telle mesure fasse en sorte que tous ceux qui seront libérés sous condition seront considérés comme violents, sans raison. S'il faut catégoriser ces gens, «cela soulève de la question sur la façon dont on procédera et sur les personnes qui prendront les décisions».
«Les discours que nous avons entendus au cours des derniers jours aident à créer une association entre la maladie mentale et la violence, entre des gens qui ne sont pas criminellement responsables et la violence, sans preuve scientifique», déplore-t-elle.