Passer au contenu principal
À voir:

Début du contenu principal.

International

Un chef de gang haïtien accusé d’avoir massacré une centaine de personnes âgées pour se venger

Après la mort de son fils, il a accusé des personnes plus âgées de la communauté «de pratiquer la sorcellerie et de faire du mal à l'enfant».

Un policier kenyan, membre d'une force multinationale soutenue par l'ONU, patrouille dans une rue de Port-au-Prince, en Haïti, le jeudi 5 décembre 2024.
Un policier kenyan, membre d'une force multinationale soutenue par l'ONU, patrouille dans une rue de Port-au-Prince, en Haïti, le jeudi 5 décembre 2024.

Source

Associated Press
Associated Press

Un chef de gang haïtien qui contrôle un port clé de Port-au-Prince est accusé d'avoir massacré des personnes âgées et des chefs religieux vaudous de sa communauté pour venger la mort de son fils, selon le gouvernement et des organismes de défense des droits de la personne, qui estiment que cette tuerie a fait plus de 100 morts.

Les rapports sur le nombre de morts dans ce quartier de Wharf Jérémie, à Port-au-Prince, peuvent varier considérablement dans un pays où de tels meurtres se produisent souvent dans des zones contrôlées par les gangs, en grande partie inaccessibles pour les autorités et les médias. 

Le gouvernement haïtien a condamné «avec une indignation absolue l’atrocité inhumaine» perpétrée à Wharf Jérémie, «qui a coûté la vie à environ 180 compatriotes sans défense». Dans un communiqué, le gouvernement indique qu'«une ligne rouge a été franchie» et que «l’État mobilisera toutes ses forces pour traquer et anéantir ces criminels». 

Volker Türk, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, a déclaré lundi aux journalistes qu'au moins 184 personnes avaient été tuées par un puissant chef de gang. On ne sait pas exactement où son bureau a obtenu ce chiffre, et un porte-parole n'a pas répondu à une demande de commentaire. 

Les organismes de surveillance haïtiens ont également estimé que plus de 100 personnes avaient été tuées, citant parfois des résidents de la communauté. 

Violence «angoissante» en Haïti: le nouveau premier ministre pourra-t-il changer les choses?

Le Comité pour la paix et le développement, une organisation locale de défense des droits de la personne, a déclaré dans un communiqué dimanche que son unité de surveillance avait constaté qu’une vingtaine de personnes âgées avaient été tuées. Elle a toutefois noté que des résidents non identifiés de la communauté contrôlée par le chef de gang Micanor Altès, également connu sous le nom de Monel Felix et Wa Mikanò, ont affirmé qu’il y avait plus de 100 victimes. 

Le Réseau national de défense des droits humains, une autre organisation locale, a déclaré qu’au moins 110 personnes avaient été tuées entre vendredi et samedi. L'organisme et son directeur, Pierre Espérance, n’ont pas précisé où ils avaient obtenu cette information, et M. Espérance n’a pas répondu aux demandes de commentaires. 

Ces informations troubles sont un signe inquiétant dans un pays en proie à une violence généralisée des gangs criminels. 

Vengeance pour un enfant malade

Le chef de gang accusé contrôle les communautés côtières de Wharf Jérémie, La Saline et Fort Dimanche et était connu pour ses vols, extorsions et détournements de marchandises et de camions, selon un rapport de l'ONU publié plus tôt cette année. 

«Micanor n'était pas connu pour être aussi brutal que d'autres chefs de gang — pas jusqu'à maintenant», a déclaré Diego Da Rin, analyste à l’International Crisis Group. 

Le chef de gang n'a pas pu être contacté pour commenter et n'a pas publié sur les réseaux sociaux. Un porte-parole de la Police nationale d'Haïti n'a pas répondu à un message pour commenter. 

Selon le Réseau national de défense des droits humains, le massacre s'est produit parce que l'enfant du chef de gang était gravement malade, ce qui l'a incité à demander conseil à un prêtre vaudou. Après la mort de son fils, il a accusé les personnes âgées de la communauté «de pratiquer la sorcellerie et de nuire à l'enfant». 

Le Comité pour la paix et le développement a déclaré que, selon les informations circulant dans la communauté, Micanor avait accusé les gens du quartier d'avoir provoqué la maladie de son fils. 

«Il a décidé de punir cruellement toutes les personnes âgées et les pratiquants (du vaudou) qui, dans son imagination, seraient capables de jeter un mauvais sort sur son fils», a indiqué l'organisme. 

Le comité a déclaré que des hommes armés avaient rassemblé des dirigeants communautaires bien connus et les avaient emmenés dans le bastion du chef de gang, où ils ont été exécutés. Des conducteurs de motos qui tentaient de sauver certaines victimes ont également été tués. 

Le groupe a également noté qu’il est interdit aux personnes de quitter la communauté «afin de continuer à identifier les pratiquants (du vaudou) et les personnes âgées dans le but de procéder à des meurtres discrets». 

Pas documentés

M. Da Rin a souligné que les meurtres en Haïti sont généralement documentés et publiés sur les réseaux sociaux, bien qu’ils puissent être difficiles à vérifier. «Dans ce cas, il n’y avait même pas de message sur WhatsApp ou de vidéo sur TikTok, ce qui est très inhabituel», a-t-il déclaré. 

Le Comité pour la paix et le développement a rappelé que Micanor avait déjà ciblé des pratiquants du vaudou, tuant une douzaine de femmes âgées et de dirigeants vaudous «accusés à tort de sorcellerie» ces dernières années. 

Il n’est pas rare que des Haïtiens demandent des conseils médicaux et autres à des prêtres vaudous connus sous le nom d’«houngans». La religion qui mélange le catholicisme et les croyances animistes est à l’origine de la révolution qui a conduit Haïti à devenir la première république noire libre du monde en 1804.

Le massacre de Port-au-Prince survient deux mois après que plus de 70 personnes ont été tuées dans la ville centrale de Pont-Sondé, où des gangs se disputent le contrôle de plus de territoires.

De tels massacres ont dépassé les capacités de la police nationale d’Haïti et d’une mission soutenue par l’ONU et dirigée par la police kényane, qui manque de fonds et de personnel, alors que les États-Unis et d’autres pays font pression pour qu’on déploie une mission de maintien de la paix de l’ONU en bonne et due forme.

«La crise en Haïti a atteint des niveaux catastrophiques, les groupes criminels alliés intensifiant les attaques coordonnées à grande échelle contre la population et les infrastructures clés de l’État», a déclaré lundi l'organisme Human Rights Watch, appelant à l’envoi d’une mission de l’ONU.

L’organisme a noté que «de nombreux Haïtiens vivent dans la peur constante d’être tués, violés, kidnappés ou recrutés de force, alors même qu’ils luttent chaque jour pour trouver suffisamment de nourriture, d’eau et de soins de santé pour survivre». 

Selon l'ONU, plus de 4500 personnes auraient été tuées en Haïti cette année.

Source

Associated Press
Associated Press