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Trois des cinq principaux partis fédéraux, le Bloc québécois, le Parti vert et le Nouveau Parti démocratique, s’engagent à mettre fin au financement public de l’industrie pétrolière et gazière, principale source de gaz à effet de serre au pays.
En 2024, le gouvernement du Canada a accordé au moins 29,6 milliards $ en soutien financier à l’industrie pétrolière et gazière, selon un rapport publié il y a quelques semaines par le groupe Environmental Defence, qui a compilé les subventions directes, les allégements fiscaux, les prêts et les garanties de prêts.
«Nous souhaiterions mettre fin à ces aides fédérales dès la première année d'un gouvernement néo-démocrate», a écrit l’attaché de presse du NPD, Olivier Clavet, dans un échange avec La Presse Canadienne.
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«Le Parti vert s'oppose à tout soutien public aux combustibles fossiles», a déclaré Rod Legett, conseiller en communication des verts.
«Le Bloc québécois estime que tout soutien financier accordé au secteur gazier et pétrolier est une subvention aux combustibles fossiles et que, dans la perspective de la transition énergétique, toute subvention accordée à ce secteur est inefficace», a pour sa part écrit l’attaché du Bloc québécois Julien Coulombe-Bonnafous.
Une grande partie du montant de 29,6 milliards $ constitue un prêt de 20 milliards $ pour le financement de l'expansion du pipeline TransMountain qui doit servir à acheminer le pétrole albertain issu des sables bitumineux.
«Ce sont les entreprises Cenovus, Imperial Oil, CNRL et Suncor, qui acheminent leur pétrole par pipeline et bénéficient donc largement de cette aide gouvernementale», a expliqué Julia Levin, directrice associée à Environmental Defence et auteure du rapport sur le financement public des pétrolières.
Elle a dénoncé que l’argent des citoyens puisse servir à aider ces quatre pétrolières qui ont «réalisé plus de 20 milliards de dollars de bénéfices» en 2024.
«Elles ont déclaré avoir consacré près de 30 milliards de dollars à des dépenses d'investissement combinées pour poursuivre la croissance de leur production pétrolière et gazière. Pourtant, aucune de ces entreprises n'a déclaré d'investissements dans la réduction des émissions ou dans des initiatives climatiques dans le cadre de ses investissements en capital», s’est indignée Julia Levin.
Outre les 20 milliards $ accordés au financement de l'expansion du pipeline TransMountain, environ 7,5 milliards $ ont été attribués par l'intermédiaire de la société d'État Exportation et développement Canada (EDC).
De ce montant, 300 millions $ ont été prêtés à l’entreprise américaine Enbridge US pour du «soutien en matière de transport et de stockage de pétrole ou de gaz», selon des documents publiés par EDC.
Environmental Defence estime que le gouvernement du Canada a investi au moins 2,4 milliards $ dans des projets de captage du carbone et de production d’hydrogène en 2024, des technologies, qui, selon plusieurs associations environnementales, ne font que prolonger la dépendance des humains aux énergies fossiles.
Est-ce que les contribuables canadiens devraient aider les entreprises gazières et pétrolières à payer la facture lorsqu’elles ont recours à des technologies qui pourraient diminuer leur empreinte environnementale, comme la capture du carbone?
À cette question, le Parti vert a répondu que «tous les soutiens devraient être éliminés d'ici le prochain budget».
Étant donné que ces industries «sont extrêmement profitables», a écrit le NPD, «nous estimons qu'elles peuvent investir elles-mêmes dans leur transition énergétique».
Pour le Bloc, «la capture de carbone peut être développée et utilisée pour des procédés industriels difficiles à décarboner: pas pour extraire toujours plus de pétrole».
Le Bloc québécois «se range à l’avis des 400 universitaires et scientifiques qui ont exprimé au gouvernement du Canada qu’il fallait abandonner le crédit d’impôt pour la capture, l’utilisation et le stockage de carbone (CUSC), qui est une énorme subvention aux énergies fossiles».
Au cours des cinq dernières années, le montant total estimé du soutien financier du gouvernement fédéral au secteur pétrolier et gazier s’élevait à 74,6 milliards $, selon le rapport d’Environmental Defence.
Pendant que le gouvernement a continué de financer l’industrie gazière et pétrolière, les émissions provenant de ce secteur ont augmenté.
«De 2005 à 2023, les émissions de combustion stationnaire provenant de l’extraction de pétrole et de gaz ont augmenté de 44 tonnes métriques d'équivalents dioxyde de carbone (70 %), ce qui correspond à une hausse de 242 % de la production de bitume brut et de pétrole brut synthétique provenant des exploitations de sables bitumineux du Canada», selon l’inventaire du gouvernement fédéral.
Libéraux et conservateur ne répondent pas exactement aux questions
La Presse Canadienne a envoyé une série de questions à chaque parti politique pour connaître leur position sur le financement public de l’industrie pétrolière et gazière.
Pendant la campagne, le Parti conservateur de Pierre Poilievre a souvent fait référence à une intention de réduire les émissions des grands pollueurs avec des crédits d’impôt.
Mais plutôt que de définir cette intention et de répondre aux questions, la porte-parole conservatrice Audrey Lepage a écrit que «M. Poilievre a déjà exprimé publiquement qu'il n'a pas l’intention de financer avec l'argent des contribuables des projets de pipeline».
Les libéraux, de leur côté, ont expliqué que le parti soutiendra «les projets qui profitent le plus aux Canadiens et Canadiennes à court et à long terme».
Une porte-parole du parti, Carolyn Svonkin, a tenu à rappeler «qu’en 2023, le Canada est devenu le premier pays du G20 à mettre officiellement fin aux subventions inefficaces accordées aux combustibles fossiles, et le seul à le faire avant la date limite».
En juillet 2023, le gouvernement du Canada avait présenté un plan pour mettre fin aux «subventions inefficaces aux combustibles fossiles».
Ainsi, les subventions qui «avantagent de manière disproportionnée le secteur des combustibles fossiles, soutiennent uniquement des activités liées aux combustibles fossiles et favorisent la consommation de combustibles fossiles» ne doivent plus être octroyées.
Ce plan n’empêche pas les engagements qui ont été pris dans le passé, ce qui expliquerait pourquoi un prêt de 20 milliards $ a été accordé à TransMountain en 2024.
Le diable est dans les détails de ce plan présenté en 2023, car il existe une série de critères qui permettent de continuer d’octroyer de l’argent public à l’industrie des combustibles fossiles et la subvention de dispositifs de captage et de stockage de CO2 en fait partie.
L'une des exemptions concerne les subventions qui «permettent de soutenir des processus ou des projets de production atténuée qui s’accompagnent d’un plan crédible pour atteindre la carboneutralité d’ici 2030».
La semaine dernière, des maires et autres élus municipaux de partout au Canada ont uni leurs voix pour demander aux partis fédéraux de s’engager à investir dans un «plan ambitieux» de cinq mesures pour la sécurité climatique et économique, dont la création d'un réseau interprovincial de trains à grande vitesse et la construction d'au moins deux millions de logements écoénergétiques hors marché privé.
Pour financer ces projets, les élus municipaux proposent de réorienter les subventions accordées aux énergies fossiles.