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«J’étais là, juste avant l’attaque et c'est tellement difficile de comprendre.»
Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a revêtu un complet foncé (bleu marin), comme ceux que les hommes portent lors de funérailles.
La réalité n’était pas bien loin, puisqu’il avait annulé dimanche trois événements de la dernière journée de la campagne électorale fédérale pour assister à une messe en appui aux familles et à la communauté endeuillées après l’attaque au véhicule bélier de la veille qui a fait 11 morts et plusieurs blessés lors de festivités de la communauté philippine à Vancouver.
À l’origine, il devait participer dimanche à un défilé dans la municipalité d’Oliver et à deux autres rassemblements en après-midi à Vancouver et à Port Moody-Coquitlam.
M. Singh affichait un air grave à son arrivée à l’église St. Mary’s Roman Catholic Church, à l’intersection de l’avenue Euclid et de la rue Joyce, à Vancouver, à 14 h 30, une demi-heure avant le début de la messe. Il s’est adressé aux gens sur le parvis de l’église.
Une aînée, Rosita Taruc, vêtue d’un voile en dentelle blanc, s’est adressée à M. Singh. Son voile démontrait qu’elle poursuivait de vieilles traditions catholiques de la communauté philippine, voulant que les femmes portent un voile blanc ou crème lorsqu'elles vont à l’église, le noir étant strictement réservé aux funérailles.
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L’église était bondée jusqu'aux portes et la messe célébrée par le curé Joseph D’Souza. La cérémonie s'est déroulée en anglais et en tagalog, la langue parlée des Philippines.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) s’est assis à la première rangée, au milieu.
Le curé était parfois ému, comme en témoignait sa voix tremblante par moments.
Il a même pleuré un peu, tout comme ses paroissiens que l'on voyait s'essuyer les yeux discrètement durant la messe.
L'évènement tragique dont il était question est survenu dans les minutes suivant un arrêt de campagne de M. Singh, la veille, lors d’un festival de la communauté philippine à Vancouver. Un homme dans la trentaine a été arrêté. Il s’agirait du suspect lié à l’attaque au véhicule-bélier dans une rue adjacente menant aux festivités familiales.
Quoi que l’on puisse dire, cette fin de campagne n’a rien d’habituel pour un chef de parti.
En début de soirée, le chef du NPD s’est rendu à une vigile au centre communautaire de Kensington Park, près des lieux du drame.
Jagmeet Singh est arrivé vers 17 h 15 avec un bouquet de fleurs blanches à la main, toujours avec son habit sombre et un regard sérieux, qu’on ne lui connaît pas d’habitude.
Le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, est aussi arrivé avec des fleurs, quelques minutes avant M. Singh.
L’évènement s’est déroulé dans la cour arrière, puisque les gens continuaient d’affluer une heure plus tard. Les bouquets de fleurs se sont empilés sur une table pliante devant un arbre et au sol. Les gens ont brûlé de la sauge et plusieurs personnes ne pouvaient retenir leurs larmes. D’autres ont écrit des messages sur des cartons blancs attachés à un arbre.
Une minute de silence a été observée. L’organisateur des festivités de la veille a demandé à ses concitoyens de ne pas oublier les gens en détresse, comme les bénévoles et témoins de la tragédie. Il leur a aussi annoncé que l’organisation n’amasse pas de fonds depuis la tragédie et qu’il s’agit malheureusement de manœuvres frauduleuses de gens malveillants.
À sa sortie, entouré de quelques candidats néo-démocrates, M. Singh a fait une brève déclaration aux médias, essentiellement pour offrir ses condoléances et réitérer l’importance de s’occuper des gens affectés par cette tragédie.
«Essayez de maintenir le contact parce qu’ils ont besoin de votre soutien en ce moment. Ils ont besoin d’amis et d’alliés (…) C’est une des pires tragédies à Vancouver, donc je veux partager mes condoléances et notre solidarité avec la communauté», a affirmé M. Singh.
Le chef du NPD est revenu sur les événements tragiques, dimanche matin, lors d’un rassemblement à Penticton, une petite ville située dans la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique. À plusieurs moments, il avait la voix brisée par l’émotion, peinant à retenir ses larmes, tout comme plusieurs personnes dans la foule, y compris des journalistes.
Il portait d’ailleurs un turban bleu foncé, presque noir, symbolisant le deuil.
«J’étais là, juste avant l’attaque, et c’est tellement difficile de comprendre, a dit M. Singh au bord des larmes. Nous sommes ensemble dans le deuil pour les familles brisées et une communauté blessée profondément. Nous sommes avec vous en solidarité», a-t-il ajouté.
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«La haine est un poison et l’antidote est la solidarité», a-t-il martelé.
M. Singh avait eu un entretien téléphonique avec le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, en matinée, pour lui offrir son appui.
L’ambiance contrastait avec la vue d’un site de villégiature magnifique, où se déroulait la conférence de presse en matinée, au bord du lac Skaha, qui, selon la communauté autochtone de S’pinktin signifie «endroit où vivre à l’année». C’était ensoleillé et il faisait déjà 16 degrés Celsius vers 9 h 15, heure locale.
À Vancouver, la police a confirmé que le suspect arrêté après la tragédie lors de la soirée célébrant la Journée Lapu-Lapu, a un long passé de problèmes de santé mentale. Les autorités ont écarté du coup qu’il s’agissait d’un acte terroriste.
Cela a fait réaliser à plusieurs que l’enjeu lié à la santé mentale n’a pratiquement pas été abordé durant la campagne électorale de 37 jours, incluant le jour du scrutin.
«C’est un enjeu important et, dans notre plateforme électorale, on a proposé que les soins en santé mentale fassent partie intégrante des soins offerts dans notre régime public de santé», a affirmé le chef néo-démocrate.
Rien ne laissait présager un tel scénario au festival culturel philippin célébrant samedi la Journée Lapu-Lapu, commémorant le premier héros national des Philippines, Lapu Lapu, qui s’est opposé à l’oppression des Philippins autochtones par les colonisateurs espagnols et portugais.
Les souvenirs de gens qui célébraient, dansaient et chantaient, parfois même avec le chef du NPD Jagmeet Singh, semblaient déjà bien lointains.
«Ces images des enfants et de la chaleur des gens. C’est impossible d’arrêter de penser à ça», a affirmé M. Singh, s’arrêtant un moment pour ne pas fondre en larmes, avant de reconnaître que «cela a eu un impact énorme» sur lui.
Il s’est dit persuadé que l’attaque au véhicule-bélier de la veille n’avait rien à voir avec son passage à l’évènement, où il a brièvement monté sur scène, soulignant la résilience des Philippins, sans même savoir ce qui attendait cette communauté vancouvéroise d’origine philippine.
«Il n’y a aucune preuve qu’il y avait un lien avec ma présence. Je pense que l’on ne doit pas spéculer. Il n’y a aucun détail en ce sens partagé avec moi», a affirmé M. Singh, qui dit vouloir se concentrer sur l’aide à la communauté endeuillée.
La campagne électorale au Canada tire à sa fin, puisque les électeurs sont conviés aux urnes lundi et ils se prononceront sur la composition du Parlement pour les quatre prochaines années.
S’il avait voulu en faire davantage, le chef du NPD Jagmeet Singh s’est montré quand même satisfait de la campagne qu’il a menée.
«Je suis confiant, c’est sûr. Je suis satisfait», a dit d’emblée le chef néo-démocrate, apportant toutefois une nuance.
«J’aurais voulu parler à plus de gens, mais c’est difficile lors d’une campagne électorale courte d’avoir le temps de visiter toutes les provinces. Donc cela m’a manqué», a dit M. Singh.
«J’aurais voulu avoir l’occasion de parler avec plus de gens, mais je suis fier de notre offre aux Canadiens et on veut continuer de se battre pour les gens, pas pour les milliardaires», a ajouté Jagmeet Singh.
«Vous avez le pouvoir d’envoyer des néo-démocrates qui vont défendre ce qui est cher à vous. Des néo-démocrates, comme Ruth Ellen Brosseau, Craig Sauvé, Nimâ Machouf. On a des candidates et des candidats forts, qui vont se battre pour vous, pas pour les PDG, pour les ultrariches et leurs entreprises.»
«On va défendre ce qui est cher aux gens, comme les soins de santé et rendre la vie plus abordable», a conclu M. Singh.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) du Canada a terminé sa journée, vers 19 h 30, sous les applaudissements de toute son équipe de campagne qui s'était déplacée pour l'accueillir sous les acclamations à l'hôtel, où se déroulera la soirée électorale pour les néo-démocrates lundi.
Jagmeet Singh, qui n'était visiblement pas au courant de cet accueil, a pratiquement sauté de l'autobus de campagne lorsqu'il s'est aperçu que son épouse et ses deux enfants l'attendaient parmi la petite foule brandissant des pancartes orange. Il a pris ses deux fillettes dans ses bras, les serrant contre lui longuement, savourant le moment présent.