Début du contenu principal.
La grande majorité des utilisateurs continuent de se servir de Facebook et Instagram pour s'informer.
Les trois quarts des Canadiens ne sont pas au courant du blocage des nouvelles sur Facebook et Instagram, mais la grande majorité des utilisateurs de ces plateformes continuent de s’en servir pour s’informer, de sorte qu’ils sont confrontés à une vision plus biaisée et moins factuelle de la politique et des actualités sans vraiment s’en rendre compte.
Ce sont là certaines des conclusions auxquelles en vient l’Observatoire de l’écosystème des médias de l’Université McGill après une analyse de l’impact du blocage des nouvelles par Meta, propriétaire de Facebook et Instagram, il y a un an.
«On sait qu'il n'y a plus de liens vers les nouvelles sur ces plateformes, mais une grande part des Canadiens pensent au contraire que quand ils utilisent Facebook ou Instagram, ils peuvent quand même obtenir de l'information sur la politique et les actualités», constate non sans étonnement le directeur de l’Observatoire et auteur principal du rapport, Aengus Bridgman.
«Mais très souvent, ce ne sont pas des nouvelles de source, poursuit-il. Ce sont seulement des influenceurs, des politiciens, d'autres comptes, des amis ou de la famille qui partagent des informations.»
À VOIR ÉGALEMENT | Boycott de Meta: est-ce la façon de faire changer les choses?
Cependant, parmi les autres constats de l’enquête, les chercheurs notent qu’il y a quand même un certain partage de nouvelles qui se poursuit en dépit des efforts de Meta pour les bloquer «avec le texte d’un article copié-collé ou une capture d'écran (de la manchette) ou avec un lien vers X (anciennement Twitter) où se trouve l'article», explique M. Bridgman.
Les chercheurs notent d'ailleurs que le nombre de liens vers des sites de nouvelles s'est effondré depuis le blocage, implanté le 9 août 2023, avec une minuscule portion de liens qui mènent vers des sites tiers qui redirigent l'utilisateur vers un article, mais que la quantité de captures d'écran de manchettes a explosé en parallèle, la technologie de Facebook et Instagram étant incapable de les distinguer des autres photos.
En d’autres termes, certains utilisateurs contournent le blocage de diverses façons, de sorte qu’il continue d’y avoir des nouvelles partagées sur ces plateformes. Or, l’objectif du blocage de nouvelles sur les plateformes de Meta était de se soustraire à la loi canadienne qui l’obligerait à verser des redevances aux médias. Cette tentative, selon le chercheur, est un échec.
«Meta et Google ont essayé de dire que s'ils ne partagent pas les liens directs vers des sites web des médias, ils ne sont pas assujettis à cette législation, mais notre étude démontre très clairement que les contenus continuent à être partagés et si on regarde la législation, ce n'est pas écrit qu'il faut un lien (vers les nouvelles). Il est écrit de ‘faciliter l'accès’. Donc oui, clairement, les nouvelles sont toujours partagées sur ces plateformes», affirme M. Bridgman.
Cette réalité pourrait offrir un levier au législateur pour qu’il tente à nouveau de forcer la main à Meta et obliger le géant à verser des redevances, mais une telle décision reste à venir.
Le rapport, intitulé «Old News, New Reality: A Year of Meta’s News Ban in Canada» (Vieilles nouvelles, nouvelle réalité: un an de blocage de nouvelles au Canada par Meta), dresse par ailleurs un sombre portrait de l’impact de cette décision sur les médias eux-mêmes, particulièrement les plus petits.
Ainsi, par exemple, les médias canadiens ont perdu 85 % de leur engagement sur Facebook et Instagram – et non 100 % parce que, d’une part, les médias peuvent toujours publier sur ces plateformes et leur contenu peut être lu à l’extérieur du pays et, d’autre part, parce que certains continuent d’envoyer des utilisateurs vers les sites de nouvelles par des moyens détournés.
Mais comme la perte n’a pas été compensée par un transfert des internautes vers les trois autres grandes plateformes qui diffusent toujours des nouvelles (YouTube, X et TikTok), les chercheurs concluent à une baisse globale de 43 % de l’engagement des internautes auprès des médias d’information sur les réseaux sociaux en général.
Une nuance, toutefois, que l'on ne retrouve pas dans ce rapport: les grands médias francophones du Québec affirment en général tirer leur épingle du jeu avec une fréquentation de leurs sites web qui marque une croissance.
Cependant, plusieurs médias locaux et hyperlocaux sont tout simplement disparus des médias sociaux. Le constat est alarmant: pas moins de 212 médias locaux, soit environ 30 % de ceux qui étaient auparavant actifs sur les médias sociaux, sont maintenant disparus des plateformes.
«Dans plusieurs cas, Facebook était leur seule plateforme, explique Aengus Bridgman. Quelques petits médias locaux et quelques petits médias autochtones ont fermé leurs portes. On sait qu'il y a une perte totale de leurs contenus, mais on ne sait pas combien il y en a.»
Tout aussi inquiétant est le fait que les Canadiens consomment moins de nouvelles. «Dans l'ensemble, écrit-on dans le rapport, les Canadiens voient tout simplement moins de nouvelles en ligne en raison du blocage – une réduction estimée à 11 millions de vues par jour sur Instagram et Facebook. Les Canadiens continuent de s'informer sur la politique et l'actualité via Facebook et Instagram, mais à travers un prisme plus biaisé et moins factuel qu'auparavant, et beaucoup d'entre eux ne se rendent même pas compte du changement qui s'est opéré. Ils ne semblent pas chercher à s'informer ailleurs.»
Les chercheurs ont analysé et comparé les contenus des cinq plateformes (Facebook, Instagram, YouTube, TikTok et X) durant les périodes du 26 mai au 19 juin de 2023 et 2024. Ils ont également réalisé un sondage auprès de 1463 adultes canadiens entre le 24 et le 30 juillet 2024. La marge d'erreur dans un sondage probabiliste de cette ampleur est de plus ou moins 2,6 %, 19 fois sur 20.