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Le plafond d’émissions proposées vise à limiter la pollution, et non pas la production et il prévoit des assouplissements «afin de répondre à la demande mondiale de pétrole et de gaz».
Ottawa a annoncé jeudi que l'industrie pétrolière et gazière devra réduire ses émissions d'au moins un tiers d'ici 2030. Le plafond d’émissions proposées vise à limiter la pollution, et non pas la production et il prévoit des assouplissements «afin de répondre à la demande mondiale de pétrole et de gaz».
Le gouvernement fédéral propose de plafonner les émissions en 2030, de 35 à 38% sous les niveaux de 2019, mais en réalité, si l'on tient compte des assouplissements, l'industrie pourra produire des niveaux d'émissions de 20 à 23% sous les niveaux de 2019 à condition qu'elles achètent des crédits de compensation ou qu'elles contribuent à un fonds de décarbonation.
Le gouvernement a précisé que «le plafond d'émissions proposé fait partie d'une série de mesures destinées à aider l'important secteur pétrolier et gazier du Canada à rester concurrentiel dans une économie mondiale qui évolue rapidement vers la carboneutralité, en soutenant les travailleurs talentueux et qualifiés du secteur de l'énergie.»
Voyez le compte-rendu de Sabrina Rivet dans la vidéo.
Une période de consultation s'échelonnera jusqu'au mois de février prochain. Ottawa a l'intention de publier un projet de règlement d'ici le milieu de 2024 et mettre en place la réglementation finale en 2025.
Ce plafond avait été promis par les libéraux lors des élections de 2021 et il accuse un retard de plus d'un an par rapport au calendrier initialement souhaité par le ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault.
Notre plan fonctionne
— Steven Guilbeault (@s_guilbeault) December 7, 2023
Le rapport d'avancement montre de grands progrès pour réduire la pollution
Sous Harper, la pollution allait augmenter et nous allions rater nos objectifs
Adj, nous sommes sur la bonne voie pour atteindre nos objectifs et assurer un avenir sain et prospère https://t.co/BeKMMHGjt5
Le ministre de l'Environnement a présenté les grandes lignes de ce plafonnement lors d'une conférence de presse jeudi matin, à Dubaï.
«Tous les secteurs de notre économie doivent réduire leurs émissions, y compris les sociétés pétrolières et gazières. Le plan du gouvernement du Canada pour plafonner et réduire les émissions du plus grand secteur émetteur du pays est ambitieux, mais pratique. Il tient compte de la demande mondiale de pétrole et de gaz, ainsi que de l'importance du secteur pour l'économie canadienne, et établit une limite stricte, mais réalisable», a indiqué le ministre.
La réduction des émissions prévue dans ce plan est inférieure à celle initialement estimée dans le plan de réduction des émissions du gouvernement de l'année dernière.
Mais Steven Guilbeault croit que le plan de plafonnement est «historique», car «nous n'avons jamais mis en place de réglementation au Canada qui garantirait que le secteur pétrolier et gazier réduise ses émissions globales».
Le Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada, publié en mars 2022, propose une feuille de route sectorielle qui doit permettre de réduire les émissions de GES de 40 à 45% par rapport aux niveaux de pollution de 2005.
Toutefois, le cadre de plafonnement proposé jeudi demanderait aux producteurs de pétrole et de gaz de respecter un plafond inférieur de 16 à 20% par rapport au niveau d'émissions de 2005. Ottawa demande donc à ce secteur de respecter des cibles beaucoup moins ambitieuses que ce qui est attendu des autres industries.
Questionné sur le sujet en conférence de presse, le ministre Guilbeault a répondu «qu'on ne peut pas prendre une approche mur-à-mur» et que dans certains secteurs, comme la production de pétrole, «c'est très difficile de réduire les émissions».
La première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, s'est rapidement opposée à l'intention du gouvernement fédéral, en se rangeant du côté des producteurs de pétrole.
«Je soutiens l'Association des explorateurs et producteurs du Canada (EPAC) et sa déclaration avertissant les Canadiens que le nouveau plafond de production de facto du gouvernement fédéral nuirait gravement à notre économie et augmenterait les prix de l'énergie pour tout le monde», a déclaré Danielle Smith sur le réseau social X.
I stand with the Explorers and Producers Association of Canada (EPAC) and their statement warning Canadians how the federal government’s new de-facto production cap will severely hurt our economy and raise energy prices for everyone.
— Danielle Smith (@ABDanielleSmith) December 7, 2023
Read their full statement:… pic.twitter.com/IfN2opf7vS
Lors d'une conférence de presse à Dubaï, elle a qualifié le ministre fédéral de l'Environnement, Steven Guilbeault, d'extrémiste et de menace qui refuse de travailler avec sa province.
Selon la première ministre, le Canada est confronté à une crise à cause de l'intention d'Ottawa de plafonner les GES de l'industrie du gaz et du pétrole.
Danielle Smith participe à la COP28 sur le climat à Dubaï où l'Alberta a reçu, mercredi, le prix satirique Fossile du jour. Celui-ci est décerné par des organisations du monde entier aux États considérés comme ayant fait de leur mieux pour bloquer les progrès dans les négociations au sujet de la lutte contre les changements climatiques.
La Fondation David Suzuki salue la mise en place d'un nouveau cadre de réglementation. Elle est toutefois préoccupée par la rigueur du plafond, par le calendrier de mise en œuvre et les échappatoires pour l'industrie.
«Le plafond d'émissions pour le pétrole et le gaz ne peut pas être remis en cause par les menaces juridiques et les tergiversations de l'Alberta et de la Saskatchewan, combinées au lobbying incessant de l'industrie pétrolière et gazière. Le droit international et les obligations légales du Canada en vertu de l'Accord de Paris montrent que le Canada doit cesser de soutenir l'industrie des combustibles fossiles et l'expansion de sa production et de ses exportations», a indiqué Tom Green, analyste principal des politiques climatiques à la Fondation Suzuki.
Le Réseau action climat Canada, qui attendait «depuis longtemps» un cadre pour plafonner les émissions du pétrole et du gaz, a appelé à le mettre en œuvre rapidement.
«Maintenant, le gouvernement doit redoubler d'efforts pour nous assurer que le projet de règlement soit déposé d'ici février et que l'industrie pétrolière et gazière fasse enfin sa juste part de l'effort national en matière de climat. Chaque jour d'émissions non réglementées de l'industrie pétrolière et gazière signifie des effets dévastateurs sur la santé, davantage de catastrophes climatiques qui détruisent les maisons, et une augmentation du coût de la vie pour les familles et les communautés», a déclaré Caroline Brouillette, la directrice générale du Réseau action climat Canada.
L'organisme Équiterre a également salué le plan de plafonnement des émissions par le gouvernement, mais souhaite qu'il soit «plus exigeant» et que le gouvernement «devance son échéancier».
«On se réjouit d’enfin voir prendre forme le prochain règlement sur le plafonnement des émissions de gaz à effet des secteurs pétrolier et gazier. Ça fait longtemps qu’on l’attend. La détermination du gouvernement du Canada est à souligner quand on sait à quel point il y a de la résistance à l’égard de toute forme de réglementation de la part de l’industrie fossile, dont les pratiques de désinformation et d’écoblanchiment sont appuyées et même amplifiées par certains gouvernements provinciaux», a affirmé Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques chez Équiterre.
Équiterre soutient qu'il y aura beaucoup de travail à faire pour la mise en place de ce cadre afin qu'il soit à «la hauteur» de l’urgence climatique.
«Dans sa forme actuelle, le cadre manque d’ambition et de rigueur. Il comporte trop d’échappatoires, dont les crédits compensatoires, et il entrera seulement en vigueur en 2026, ce qui est bien trop tard si on souhaite que le secteur pétrogazier fasse réellement sa part dans l’atteinte de nos objectifs climatiques de 2030 et 2050. Le règlement devra être aligné avec ce que la science nous dit », a ajouté Mme Brazeau.
La production pétrolière et gazière est la plus grande source d'émissions de gaz à effet de serre au Canada.
En 2021, elle représentait environ 30% pour cent des émissions nationales totales. Ces statistiques tiennent compte uniquement des GES émis sur les sites de production et non des émissions produites lorsque le gaz ou le pétrole est brûlé pour servir de carburant aux véhicules, par exemple.
«Les compagnies pétrogazières sont toujours prêtes à piger dans le plat de bonbons et prendre l’argent des contribuables afin de protéger les profits de leurs actionnaires, tout en moussant des technologies hyper coûteuses qui n’ont pas fait leurs preuves comme la capture et le stockage de carbone au nom de la “décarbonation”. Or, quand vient le temps d’assumer leurs responsabilités, elles vont se réfugier dans les jupons de quelques politiciens toujours enclins à faire passer les intérêts de l’industrie avant ceux de la population», indique Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre.
En réaction, la porte-parole du NPD en matière d’Environnement et de Changements climatiques, Laurel Collins, a dénoncé la lenteur du gouvernement libéral face à la crise climatique et sa position envers les entreprises du secteur pétrolier et gazier.
«Alors que les gens attendent du gouvernement qu’il s’attaque à la crise climatique, les libéraux ont préféré écouter les lobbyistes du secteur pétrolier et gazier, en leur proposant un cadre de plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier qui est insuffisant, truffé d’échappatoires et qui ne remettra pas le Canada sur la bonne voie pour atteindre ses cibles en matière d’émissions», a-t-elle déploré lors d'un point de presse.
Selon la députée Collins, les lacunes «laissées» dans le plafonnement des émissions permettront de jouer plus en faveur des entreprises pétrolières et gazières que la population. Les néo-démocrates exhortent les libéraux à «redresser la barre».
«Les gens voient le ministre Guilbeault et les libéraux passer leur temps à la COP28 à se plier aux exigences de leurs riches amis PDG du secteur pétrolier et gazier et de leurs coûteux lobbyistes, alors qu’ils sapent toute chance de mettre en place un plan solide de lutte contre les changements climatiques. Le gouvernement passe ainsi à côté de la plaque», a lâché Mme Collins.
D'ailleurs, les néodémocrates demandent au gouvernement de Justin Trudeau d'instaurer un impôt sur les profits des grandes sociétés pétrolières et gazières, d'éliminer les subventions aux énergies fossiles et d'investir dans la création d’emplois «durables et bien rémunérés» afin de réduire l’écart d’émissions.
En conférence de presse, le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, s'est fait demander de commenter «le risque» que ce plan ne se réalise jamais si les libéraux perdaient le pouvoir avant la mise en œuvre du plafonnement.
«Il y a un risque dans le contexte où le Canada lutte contre les changements climatiques et ce risque s'appelle Pierre Poilievre», a indiqué le ministre en faisant référence au chef conservateur «qui n'a presque rien à dire sur les changements climatiques» depuis sa nomination.
«Les Canadiens devront évaluer ce risque et faire un choix» lors des prochaines élections, a ajouté Jonathan Wilkinson.
Si le Canada réussissait à plafonner les émissions de l'industrie à 45% sous le niveau de 2005, on pourrait prévenir 4800 décès prématurés causés par la pollution atmosphérique sur 10 ans, selon un récent rapport de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement (ACME).
Le plan proposé jeudi propose plutôt de plafonner à un maximum de 20% sous le niveau de 2005.
Avec les informations et la collaboration d'Audrey Bonaque de Noovo Info