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Politique

Les mesures prévues par le PCC contre les crimes pourraient être inconstitutionnelles

«La plupart de ces promesses sont fondamentalement irréalisables», affirme un professeur de sciences politiques.

Le chef conservateur répond à une question lors d'une conférence de presse à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, le 31 mars 2025.
Le chef conservateur répond à une question lors d'une conférence de presse à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, le 31 mars 2025.
Anja Karadeglija et 
Sarah Ritchie / La Presse canadienne

Plusieurs mesures promises par les conservateurs pour réprimer la criminalité ont échoué par le passé et pourraient être inconstitutionnelles, disent des experts.

Par exemple, leur chef, Pierre Poilievre, a promis de faire adopter une loi qui condamnerait à une peine d'emprisonnement à perpétuité les personnes reconnues coupables de cinq chefs de trafic de personnes ou plus, d’importation ou d’exportation d’au moins dix armes à feu illégales et de trafic de fentanyl.

«La plupart de ces promesses sont fondamentalement irréalisables, souligne Emmett Macfarlane, un professeur de sciences politiques de l'Université de Waterloo, spécialiste des questions constitutionnelles. La Cour suprême l'a clairement statué au cours de la dernière décennie: la plupart des peines minimales obligatoires ne sont pas constitutionnelles.»

En janvier 2023, le plus haut tribunal du pays avait invalidé la peine minimale automatique de quatre ans de pénitencier pour une personne qui décharge une arme à feu sur un domicile.

Il est déjà arrivé que la Cour suprême maintienne de telles peines. M. Macfarlane constate que le Code criminel en compte aussi un certain nombre.

Les juges ont aussi le pouvoir d'imposer des peines sévères.

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«Mais dans un autre contexte, comme l'importation de 10 fusils ou plus au Canada ou le trafic de fentanyl, les cours n'imposeront pas une peine à perpétuité», souligne M. Macfarlane.

Même si les juges reconnaissent les «terribles coûts sociaux du trafic de fentanyl», ils considèrent les peines de prison à vie comme une sanction excessive.

«[Les conservateurs] font des promesses qu'ils savent ne pas pouvoir tenir, avance M. Macfarlane. Même si des lois sont adoptées à cette fin, il est quasi certain qu'elles seront invalidées dans la plupart des cas.»

Il porte le même jugement sur une autre promesse de Pierre Poilievre: celle de rendre tous les récidivistes inadmissibles à une libération conditionnelle. 

Selon le professeur Macfarlane, les tribunaux vont vraisemblablement invalider une telle mesure.

Une telle loi ne tiendrait pas compte du contexte individuel de chaque cas et ne donnerait aucune marge de manœuvre aux juges. M. Macfarlane rappelle que même les récidivistes sont présumés innocents lorsqu'ils sont accusés d'un nouveau crime.

L'avocat Greg DelBigio croit que si les conservateurs publiaient des études démontrant que ces mesures sont efficaces ou constitutionnelles, elles pourraient les aider.

«Il est certain que si ces mesures sont adoptées, elles seront contestées. Dans l'état actuel du droit, toutes les mesures visant à imposer des peines minimales obligatoires ou le refus systématique de libération conditionnelle seraient invalidées pour inconstitutionnalité.»

Benjamin Perrin, un professeur de droit de l'Université de la Colombie-Britannique, est un ancien conseiller du gouvernement conservateur de Stephen Harper. Il a été l'un des architectes des politiques sévères à l'égard de la criminalité. Toutefois, il a changé son fusil d'épaule pour les peines minimales obligatoires.

«Nous avons vu une forte augmentation des crimes demandant des peines minimales obligatoires, notamment dans la Loi sur la sécurité des rues et des communautés en 2012. Ils sont passés à près de 100 dans le Code criminel alors qu'il n'y en avait que neuf en 1987.»

Il juge que les peines minimales obligatoires ont échoué.

Les recherches ont démontré qu'elles n'étaient pas efficaces pour réduire la criminalité. Elles peuvent même accroître les probabilités de récidive, dit le professeur Perrin.

«Elles accroissent les retards dans un système déjà surchargé et perpétuent de façon disproportionnée les emprisonnements de détenus autochtones ou noirs», ajoute-t-il.

Même si les conservateurs risquent de ne pas pouvoir respecter leurs promesses, des électeurs demeurent attirés par ce message, dit M. Macfarlane.

«Personne ne jette un regard sympathique sur les criminels. C'est une cible facile pour quiconque souhaite employer un discours excessif sur les vilains monstres. Les conservateurs savent très bien que ce message sera bien reçu de leur base.»

Il souligne que si un gouvernement conservateur adoptait des mesures qui seraient ensuite invalidées par les tribunaux, «le parti pourrait rallier sa base et récolter des fonds en s'attaquant aux militants judiciaires qui jouent à la politique avec les lois adoptées par le Parlement».

Anja Karadeglija et 
Sarah Ritchie / La Presse canadienne