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Société

Un collectif de manifestants ne veut pas «d’excuses au rabais» pour des arrestations de masse à Montréal

Les membres des recours collectifs qui avaient été lancés contre Montréal pour les arrestations de masse lors des manifestations de 2011 à 2015 demandent de vraies excuses à la mairesse et au chef du SPVM.

/ Noovo Info

Les membres des recours collectifs qui avaient été lancés contre la Ville de Montréal pour les arrestations de masse lors de manifestations entre 2011 et 2015 demandent à la mairesse et au chef de police de s’excuser publiquement, et cette fois, de manière plus officielle.

Les représentants des recours collectifs et la municipalité ont conclu une entente pour le paiement de 6 millions de dollars avec des centaines de manifestants dont les droits avaient été bafoués durant ces manifestations, notamment lors de la grande manif étudiante de 2012 contre l’augmentation des droits de scolarité.

Voyez le reportage de Fanny Lachance-Paquette sur ce sujet dans la vidéo.

Soulignons que la Ville a présenté des excuses publiques sur son site internet, comme le stipulait la décision de la Cour supérieure du Québec homologuant l'entente. Celle-ci se retrouve toutefois dans la section du Service des affaires juridiques, située dans les méandres du site. Les représentants des 16 recours collectifs concernés exigent désormais que Montréal en fasse plus.

«Nous ne voulons pas d’excuses au rabais […] Étant donné les faits accablants, nous persistons et demandons que la mairesse Valérie Plante et le chef du SPVM, Fady Dagher, reconnaissent publiquement les torts causés aux milliers de manifestants», peut-on lire dans le communiqué.

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«Je suis amère», a déclaré Sophie Vallée-Desbiens, illégalement arrêtée lors d'une manifestation le 1er mai 2103.

«Ces excuses sont extrêmement difficiles à trouver sur le site web de la Ville, ce qui, à mon avis, ne respecte pas l'esprit du jugement. J'ai l'impression que même mon fils de 5 ans est capable de s'excuser avec plus de sincérité que l'administration municipale et le service de police l'ont fait jusqu'ici. Quand on présente de vraies excuses, on le fait en pleine lumière et non en catimini.»

Droits bafoués

Mme Vallée-Desbiens, infirmière et enseignante en soins infirmiers, avait été prise en souricière par des policiers brandissant et frappant leurs boucliers avec leurs matraques puis arrêtée avec tous les autres manifestants présents à cet endroit. Le groupe avait été détenu, n'avait pas pu téléphoner à des avocats, avait été entassé dans un autobus de la STM sans eau, nourriture ou même la possibilité d'aller aux toilettes pour finalement être «déporté», selon l'expression de la requérante, à un bout de la ville où il n'y avait pas d'accès au transport en commun. Toute l'intervention était marquée de diverses atteintes aux droits fondamentaux des manifestants.

Pour Sandrine Ricci, arrêtée illégalement le 15 mars 2013, la mairesse Plante a là une occasion d'être à la hauteur de ses prétentions politiques. «C'est complètement inconcevable qu'une mairesse qui se dit progressiste ne reconnaisse pas publiquement les torts qui ont été causés. [...] On s'attend quand même à ce qu'il y ait une reconnaissance plus évidente et plus sincère que ce qu'on a eu.»

À titre d’exemple, les représentants soulignent les excuses présentées par l’ancien maire Denis Coderre pour les «descentes policières discriminatoires et violentes» qui avaient visé à communauté LGBTQ+ entre les années 1960 et 1990.

Même s’il s’agit d’une entente et non d’une décision par le tribunal, rappelons que le juge Martin Sheehan avait reconnu les «comportements préjudiciables» du SPVM dans le cadre de ces manifestations.

Plus de 3000 requérants

Environ 25 % de la somme servira à défrayer les frais d'avocat et les manifestants doivent recevoir 1500 $ chacun.

Les articles interdisant le port du masque et obligeant la remise de l'itinéraire aux policiers avant une manifestation avaient été invalidés en 2016 par la juge Chantal Masse de la Cour supérieure et l'administration Plante avait mis ce règlement au rancart en 2019. Le SPVM ne procède d'ailleurs plus à des arrestations de masse depuis 2015.

Gazouillis d'excuses

La mairesse n'a pas tardé à réagir; à défaut d'une sortie publique, Valérie Plante a utilisé le réseau social Twitter pour gazouiller que «le droit de manifester est fondamental et nous le défenderons toujours».

«C'est pourquoi je réitère les excuses de la Ville de Montréal envers les personnes qui ont manifesté en 2012 et dont les droits ont été brimés par l'ancien règlement P6, abrogé par notre administration.»

Mme Plante ajoute que «l'entente qui a été conclue avec les victimes de l'ancien règlement P6 témoigne de notre engagement à défendre leurs droits fondamentaux».

La mairesse doit rencontrer les médias mercredi.

Changements attendus

La suite préoccupe également beaucoup les requérants. Sophie Vallée-Desbiens dit avoir toujours peur de manifester. Il en va de même pour Isabel Matton, une éducatrice en petite enfance, arrêtée le 20 mai 2012, qui a été traumatisée par l'expérience. «Ce soir-là, j'ai craint pour ma sécurité. J'ai été aveuglée par le poivre de cayenne; j'ai respiré des gaz lacrymogènes pour la première fois; j'ai entendu une bombe assourdissante exploser juste à côté de moi. J'avais peur.»

Pour Marcel Sévigny, un requérant appréhendé le 7 juin 2012, il faut que les corps policiers prennent acte de la dénonciation qu'a faite le juge Sheehan de leurs pratiques abusives. «Au-delà de notre demande d'excuses, on s'attend et on voudrait que la Ville de Montréal, la mairesse et le service de la police nous indiquent comment ils vont agir maintenant pour mettre en pratique les recommandations du juge Sheehan que la police modifie ses comportements au niveau des manifestations.»

L’entente a bouclé les cas de 16 actions collectives qui impliquaient 18 manifestations de masse au total. Les demandeurs alléguaient «que les forces policières de la Ville de Montréal avaient porté atteinte aux droits fondamentaux des manifestants et leur avaient causé des dommages». Les recours demandaient des dommages compensatoires et punitifs. Les actions ont été autorisées par la justice, mais les parties avaient finalement convenu d’en venir à un règlement à l’amiable.

Il est possible pour des personnes qui n’ont pas pris part aux actions collectives de faire une réclamation sur le site de la Ville.

Avec des informations de Fanny Lachance-Paquette, Noovo Info et de la Presse canadienne