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«C'est une institution qui perdure depuis des siècles. Je pense que c'est une perte pour la communauté.»
Les gens étaient au rendez-vous vendredi au centre-ville de Montréal et l'alerte de liquidation chez La Baie semble s'être rendue aux oreilles des consommateurs. Certains d’entre eux n’ont toutefois pas caché leur tristesse de voir disparaître ce symbole canadien de la vente au détail.
«C'est très triste parce que depuis que j'habite Montréal, je viens pratiquement tous les mois chez La Baie», a indiqué une Montréalaise rencontré par Noovo Info.
«C'est une institution qui perdure depuis des siècles. Je pense que c'est une perte pour la communauté», a également mentionné un passant au micro de Noovo Info.
Voyez le reportage de Juliette Poireau dans la vidéo.
À l'ouverture des portes de La Baie d'Hudson à Toronto c'était le même son de cloche.
Certaines personnes ont parcouru en trottinant les 675 700 pieds carrés du magasin de la rue Yonge dans l'espoir d'être les premiers à choisir les célèbres articles à rayures de l'entreprise. D'autres se sont précipités vers le rayon des bijoux, où ils se sont retrouvés à se bousculer pour attirer l'attention des vendeurs qui se démenaient pour répondre aux demandes d'articles derrière leurs comptoirs, tous réduits de 70 %.
«Ne te laisse pas distraire par le maquillage. Il n'y a que 10 % de réduction», a crié Jane Mazel à une amie alors qu'elles traversaient rapidement le rayon des produits de beauté, à la recherche de plus grosses réductions sur les électroménagers et les ustensiles de cuisine.
Cette scène était l'un des derniers signes de la chute de la plus ancienne entreprise canadienne. L'entreprise s'est placée sous la protection de ses créanciers le mois dernier, invoquant des difficultés à payer ses factures en raison des effets de la pandémie de COVID-19, de l'intensification de la guerre commerciale et de la baisse de l'achalandage.
Elle a commencé à liquider 90 de ses 96 magasins La Baie, Saks et Saks Off Fifth. Bien qu'il reste encore quelques jours pour tenter de sauver l'entreprise, la compagnie de 355 ans est si peu optimiste quant à la possibilité de trouver un sauveur qu'elle a décidé de liquider préventivement ses six derniers magasins.
Outre son magasin phare, ceux aux centres commerciaux Yorkdale à Toronto et Hillcrest à Richmond Hill, en Ontario, ainsi que ceux du centre-ville de Montréal, du Carrefour Laval et de Pointe-Claire, au Québec, sont concernés.
La vente massive de produits a été lancée dans ces magasins avec des rabais allant jusqu'à 70 % et des rappels que «toutes les ventes sont finales».
Jeff Valiquette, qui fréquente le magasin pendant ses pauses déjeuner, avait entendu parler de rabais importants et s'est retrouvé au rayon bijoux une minute après l'ouverture vendredi.
Il était tellement absorbé par sa tâche — choisir des cadeaux pour son anniversaire de mariage, la fin du secondaire de sa fille et un autre anniversaire imminent — qu'il a à peine remarqué la concurrence autour de lui.
S'il était «très heureux» des bijoux qu'il avait trouvés, sa séance de magasinage était également teintée de tristesse.
«Je viens ici pour tout. Une grande partie des meubles de notre maison viennent de La Baie ou de Simpsons (un grand magasin disparu que La Baie d'Hudson a acheté en 1978) et ma table de cuisine, achetée lors de notre mariage il y a 26 ans, vient de La Baie. Nous l'utilisons encore aujourd'hui, s'est-il souvenu. C'est la fin du grand magasin au Canada.»
Avant d'entrer dans le magasin, Jeffrey MacDonald a énuméré les pertes antérieures.
Sur sa liste figurait Towers, qui a fait faillite en 1991, l'année même où la Baie a converti les derniers magasins Simpsons à sa propre enseigne. Sears, Eaton's, Consumers Distributing et la version canadienne de Marks & Spencer ont également disparu.
«Ce serait bien que certains des plus riches de notre pays se mobilisent, que ce soit Galen Weston ou même Drake», a fait valoir M. MacDonald, faisant référence au président du conseil d'administration de Loblaw et au rappeur torontois.
«Je veux dire, ce type a un terrain de basket dans sa maison, a-t-il dit à propos de Drake. Il a une piscine olympique, alors tous ceux qui ont les moyens devraient avoir honte de ne pas avoir tenté de sauver ces quelques magasins restants.»
Joanna Robb, première cliente à sortir du magasin vendredi, n'avait pas les moyens de sauver la Baie, où sa mère travaillait et où la famille se pressait pour admirer ses vitrines de Noël annuelles.
«Mais peut-être que, si je m'enchaîne aux portes, ils ne pourront pas fermer», a-t-elle plaisanté en attendant de récupérer une couverture rayée.
Les jetés, appelés couvertures à points, sont le produit le plus emblématique de la Baie d'Hudson, rappelant ses origines de traite des fourrures en 1670.
Tiffany Cho voulait en acheter un, mais n'a d'abord repéré que des parapluies aux couleurs de la Baie, vert, rouge, jaune et indigo.
Elle en a pris deux et a continué sa chasse, appelant sa mère et sa tante pour les encourager à se joindre à elle.
Au rez-de-chaussée, où la plupart des produits rayés étaient exposés vendredi, Timothy Humphries serrait avec enthousiasme l'une des dernières serviettes au célèbre motif.
En se dirigeant vers le magasin, il s'attendait à ce que «les vautours se soient jetés», mais il fut ravi de découvrir une expérience de magasinage plus civilisée et des réductions importantes sur les bagages dont il aura besoin pour une prochaine croisière.
La visite fut douce-amère, a-t-il admis en serrant fermement sa serviette.
«J'éprouve des sentiments mitigés, car je suis heureux d'avoir ce souvenir, mais, en même temps, la Baie d'Hudson est ici depuis 1670, notre première entreprise canadienne, et je pense que c'est un moment triste pour l'identité canadienne et pour l'économie canadienne.»