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Fady Dagher a rapporté ce qui a l’allure d’une bonne nouvelle, à l’occasion du bilan de ses 100 premiers jours à la tête du SPVM. Mais l’été est à nos portes...
Fady Dagher avait d'apparentes bonnes nouvelles à offrir à l’occasion du bilan de ses 100 premiers jours à la tête du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), lundi: la violence armée est en baisse en comparaison avec l’année dernière.
Le directeur du SPVM, nommé à ce poste en novembre 2022, a fait état d’un meurtre, de 14 tentatives de meurtre et de 35 décharges d’armes à feu sur le territoire lors du premier trimestre de 2023. À pareille date l’an dernier, il y avait eu cinq meurtres, 18 tentatives de meurtre et 43 décharges d’armes à feu à Montréal.
Mais l’été est à nos portes. Et la belle saison est typiquement plus mouvementée sur le plan de la violence armée à Montréal.
Voyez le compte-rendu de Marie-Michelle Lauzon au bulletin Noovo Le Fil 17 dans la vidéo qui accompagne ce texte.
La baisse apparente de la violence en lien avec les armes à feu ne veut donc «rien dire» aux yeux de Fady Dagher.
«Demain matin, demain soir, je peux avoir un événement malheureux qui va faire remonter les stats», a prévenu le directeur du SPVM.
M. Dagher et le service de police chercheront à s’appuyer sur la prévention et ce que le directeur appelle la dissuasion ciblée pour tenter de réduire au maximum le volume d’épisode de violence armée pour le reste de l’année, et dans le futur.
«J’ai déjà mis en place la dissuasion ciblée: une pression constante sur plusieurs personnes, indépendamment de leur appartenance à des groupes, pour scruter leur comportement, ce qui nous indique qu’ils pourraient prendre part ou être victimes d’épisodes de violence armée», a-t-il résumé en conférence de presse.
Depuis le début de 2023
Source: SPVM
Le chef de police a cité en exemple deux interventions en avril 2023, qui ont permis d’arrêter plus de 10 personnes et ainsi potentiellement prévenu des épisodes de violence armée.
«Les arrestations ciblées fonctionnent. On va continuer de travailler de cette manière», a indiqué Fady Dagher.
Qu’à cela ne tienne, M. Dagher juge qu’«on est encore beaucoup, beaucoup sur les symptômes».
«On peut faire illusion un temps en traitant les symptômes, mais on n’améliore absolument rien à long terme. Punir un acte criminel est nécessaire, mais ce qu’on veut, c’est qu’il ne se produise pas à la base. Il faut garder nos jeunes hors du milieu criminel.»
Le chef du SPVM dit avoir participé à une des interventions citées, le 5 avril dernier, lors de laquelle il y a eu trois arrestations d’un groupe armé. «J’étais avec la frappe. Je ne m’attendais à voir ce que j’ai vu sortir du corridor, l’âge de ces trois suspects. C’est tellement jeune… 17 ans, 18 ans. Je n’en revenais pas qu’ils aient des armes avec eux», a raconté M. Dagher.
Selon le directeur, une partie de la solution réside dans le rapprochement avec les communautés, pour endiguer le phénomène selon lequel des individus de plus en plus jeunes se retrouvent avec des armes à feu dans le Grand Montréal. Publiée en octobre 2022, une enquête de Noovo Info démontrait d’ailleurs que de plus en plus d’armes sont saisies dans les écoles primaires et secondaires du Québec. Des jeunes s'affichent même fièrement avec des couteaux et même des pistolets sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’un problème réel, qui n’est pas observable qu’à Montréal.
Or, le SPVM compte envoyer ses recrues dans la communauté à compter de septembre 2024, pour vivre une expérience immersive de quatre semaines. L’intention est de permettre aux recrues qui ne viennent pas de Montréal de mieux en comprendre la réalité, d’être confrontés à des situations touchant la santé mentale, la diversité culturelle et la violence conjugale dans un contexte autre que celui de l’urgence, ainsi que de les mettre en contact avec intervenants sociaux.
Pour Fady Dagher, les recrues «doivent sentir le beat de Montréal» pour mieux remplir leurs fonctions. Pour le moment, le programme n’est destiné qu’aux nouveaux-venus, mais le directeur du SPVM espère pouvoir élargir sa portée aux policiers plus expérimentés.
Le hic, c’est que le SPVM dit manquer de recrues à l’heure actuelle. «Le bassin est tellement limité», a souligné Fady Dagher. Sur l’objectif de 350 embauches cette année, le chef de police indique qu’on en est à 310. Pour mousser l’attraction de nouveaux agents au SPVM, le directeur s’est targué d’en être venu à une entente pour une nouvelle convention collective qui augmentera le salaire des recrues de près de 30 % et allégera le fardeau des horaires atypiques.
«Nous avons en quelque sorte commencé à stopper l’hémorragie de la pénurie de main-d’œuvre. Mais il fallait faire plus et faire extrêmement vite. Il fallait élargir le bassin de recrues», a-t-il commenté.
À cela s’ajoute la bonification du nombre de places disponibles (131) pour les parcours dits «atypiques», c’est-à-dire des candidatures issues de minorités visibles ou qui ont un parcours «du côté social». Fady Dagher a indiqué que le SPVM a en main environ 250 CVs et que les candidats retenus auront complété leur processus d’entrée en fonction au début de 2024.
Enfin, le chef de police a invité les policiers retraités – des réservistes – à revenir à l’emploi du SPVM. Selon M. Dagher, leur expérience vaut son pesant d’or.
«Ceux qui sont désabusés, je les comprends. […] C’est très difficile comme carrière. Mais il y en a qui ont encore le feu et, surtout, ils ont beaucoup d’expertise. Ils ont encore des contacts dans la rue», a noté le directeur du SPVM.
Mais qui dit plus de ressources policières dit plus de besoins financiers. En 2022, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, s’est engagée à embaucher avec l’aide financière de Québec 450 nouveaux policiers d’ici 2027. En marge de l’annonce d’un investissement de 250 M$ sur cinq ans pour lutter contre la violence armée, en août dernier, la vice-première ministre du Québec Geneviève Guilbault avait affirmé que «les Montréalais ont besoin de sentir la présence policière dans les rues et les parcs».
Pourtant, «les recherches sur la violence montrent depuis longtemps que plus de police ne réduit pas la violence», a déjà déclaré Ted Rutland, professeur agrégé de l’Université Concordia et auteur d’une analyse sur les budgets des corps policiers, dans le cadre d’un entretien avec Noovo Info.
Spécialiste de la sécurité urbaine et de la politique municipale, M. Rutland milite depuis plusieurs années en faveur du définancement de la police. «Ce qui peut vraiment faire la différence, c’est un investissement dans des programmes communautaires très spécifiques», a affirmé le chercheur.
De l’avis de Fady Dagher, il ne faut pas choisir entre le financement ou l’investissement communautaire.
«Si un corps de police veut s’améliorer, il faut qu’on soit sur le terrain avec les partenaires. L’aspect prévention en ce moment, est-ce qu’il fonctionne? Oui. Est-ce qu’il a besoin de plus de ressources? Oui. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un et l’autre», a déclaré le chef du SPVM, lundi, bien qu’il convient que les milieux communautaires sont «sous-financés.»
«Ils doivent se battre chaque année, a-t-il déploré. Le pire, c’est que c’est les instances de haut niveau qui leur impose un projet, et eux doivent fitter leur enveloppe budgétaire dans ce projet. Pour moi, il est inévitable que le milieu communautaire doit être mieux financé, sur cinq, 10 ans.»
Le SPVM planche actuellement sur un plan stratégique dont le dévoilement est prévu à l’automne 2023.
Avec les informations de Marie-Michelle Lauzon pour Noovo Info