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«Ils tirent partout, pour n’importe quoi, lance Faya. Moi, personnellement, je ne les respecte pas. Je parle avec plein d’OG et aucun de nous a de respect pour la game d’aujourd’hui.»
Fils d’un père absent et victime d’intimidation à l’école, il commence à cambrioler des chalets près de Rivière-des-Prairies à 12 ans. Il se mêle rapidement à des gangs de rue d’allégeance bleue – les Crips –, qu’il fréquentera pendant toute sa carrière criminelle. La première fois qu’il tient une arme à feu entre ses mains, il a à peine 13 ans.
À l’adolescence, vols de banque, méfaits, possession de stupéfiants, centre jeunesse, bris de conditions… À 18 ans, il plaide coupable à une accusation de port d'une arme à feu dissimulée.
Pendant 27 ans, sa vie a été rythmée par les incarcérations et ses infractions criminelles: possession d'armes à feu, harcèlement criminel, voies de faits graves, proxénétisme, incendie criminel... Il a même été accusé en 2010 dans une histoire où un agent double du SPVM a été violemment tabassé.
Malgré un passé empreint de gestes violents, il se décrit comme un «bon bandit».
«Dans le temps, c’était nos beefs, nos affaires, raconte Faya. On ne tirait pas des innocents.»
Les données semblent appuyer ses dires. Dans les années 2000, époque où la violence des gangs de rue atteignait son pic à Montréal, elle ne faisait pourtant que peu de victimes collatérales. En 2007, par exemple, toutes les victimes des 14 homicides et des 54 tentatives de meurtres sur le territoire montréalais étaient impliquées dans des activités criminelles reliées aux gangs de rue, selon le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Et à peine 7% de ces crimes avaient été commis dans des lieux publics.
L’ex-membre de gang de rue dénonce la tendance actuelle au scoring, le fait de tirer sur des victimes ciblées de façon aléatoire pour «marquer des points».
«Aujourd’hui, c’est leur mode: va dans tel quartier, tire sur quelqu’un, décrit Faya. T’es aucunement tough, si tu fais ça.»
Un point de vue partagé par le commandant Francis Renaud, chef de la section de lutte au crime organisé Nord-Est au sein du SPVM. Celui-ci estime que le ciblage de victimes innocentes est le phénomène «le plus inquiétant» actuellement pour le corps policier.
La prolifération des armes à feu chez les jeunes et le «tout nouveau champ de bataille» que sont les réseaux sociaux créent un climat explosif dans les rues de Montréal. Du 1er janvier au 26 mars, le SPVM a recensé 25 événements de décharge d'armes à feu et saisi 135 armes à feu.
«Il y a une banalisation des armes à feu, de la violence, a évalué M. Renaud en entrevue au bulletin Noovo Le Fil 17, mercredi. Nos jeunes sont insensibles à cette violence-là.»
Faya aussi s’inquiète aussi de voir de plus en en plus d’adolescents – de plus en plus jeunes – posséder une arme à feu.
Si Faya a accepté de se confier à Noovo Info, c’est parce qu’il se sent en partie responsable de ce qui se passe présentement à Montréal. «Chaque jour, je me dis: “Avoir su, je n’aurais jamais fait ça.”»
Aujourd’hui, l’ex-gangster a beaucoup à dire aux jeunes de sa ville. Il affirme que ses années en détention lui ont beaucoup appris. Il admet avoir causé beaucoup de tort, à biens des gens. Son passé va toujours le suivre, mais il aspire à un avenir meilleur, loin de la rue, jure-t-il.
«Comme je dis aux jeunes, il y a d'autres choses à faire que de se tirer dessus. Il y en a beaucoup qui sont intelligents en plus, beaucoup!»
Il se désole de voir des jeunes hommes «gâcher leur talent» en sombrant dans la criminalité.
«Ça fait deux, trois ans que je suis heureux dans ma vie. Se tenir loin des problèmes, tu respires mieux, tu vis mieux.»
«C’est ça la vie, pas avoir 15 ans et marcher avec un glock. C’est fou, tu as 14, 15 ans et tu dois watcher ton back. Pense à toi, ton école, ta carrière, ton futur», conseille-t-il aux ados tentés par la vie qu’il a menée.